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A Nice, Angèle, l’amie contre les violences sexistes et sexuelles, mérite encore d’être connue

“Bonjour, j’aimerais voir Angela”, “Où est Angela ?”… Depuis un peu plus d’un an, ces phrases anodines se seraient transformées en nom de code chez plusieurs dizaines de commerçants du centre-ville de Nice.

Pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans l’espace public, la municipalité a adhéré au dispositif « Ask Angela ».

Né au Royaume-Uni, le programme « Ask for Angela » a été développé en 2016 par le Lincolnshire County Council puis adopté par les forces de l’ordre comme levier d’action contre les agressions et le harcèlement.

En , le gouvernement l’a intégré, sa délégation aux droits des femmes et à l’égalité en fait la promotion.

Avant Nice, plusieurs villes françaises ont mis l’idée en pratique, sous la forme de stickers « Ask Angela », apposés sur les devantures des commerces partenaires. Comme Toulouse, Paris ou encore Lyon.

Le principe est simple : les commerçants partenaires reçoivent une brève formation théorique destinée à leur donner les clés pour réagir, en parler à leur équipe et assurer la sécurité.

« Ah, n’est-ce pas ? Je ne le savais pas »

En ce mardi d’automne, nous avons déambulé dans le centre-ville de la capitale azuréenne pour rendre visite aux commerçants inscrits dans la démarche. L’expérimentation se déroule dans un quartier qui s’étend de l’avenue Jean-Médecin jusqu’aux ruelles du Vieux Nice.

Premier arrêt à la terrasse d’un restaurant situé à deux pas de la mairie, répertorié comme inscrit au système. Sur la porte vitrée du magasin, derrière les clients attablés en terrasse pour le café du matin, l’autocollant est clairement apposé. Nous prévenons le serveur pour lui parler d’Angela.

“Oh? Je n’étais pas au courant de l’initiative. Le patron n’est pas là… »reconnaît Romain. Néanmoins, le salarié se sent capable d’héberger une personne en détresse.

« Cela m’est arrivé en Normandie, dans un café où je travaillais. Une femme en couple nous a confié vouloir se cacher de son partenaire. Nous l’avons mise dans la réserve et quand l’homme est arrivé, nous lui avons dit qu’elle n’était pas là. »rapport-t-il.

« Pour le commerçant, il y a aussi la peur d’être agressé. » Jonathan Chemla, pharmacist

Trottoir en face, la pharmacie de l’Opéra affiche également la vignette. Derrière le comptoir, Jonathan Chemla, 33 ans, ne connaît pas non plus très bien Angela… Mais il sait aussi quoi faire. Et c’est déjà fait.

« Je travaillais dans une pharmacie près de la gare. Une femme est entrée et avait l’air effrayée. Un homme, qu’elle connaissait visiblement, la suivait et n’avait pas l’air content. D’un coup d’œil, nous lui avons demandé de se rendre à l’arrière du magasin pour un test Covid puis nous avons appelé la police.il se souvient.

Dans la pharmacie où il travaille désormais, un petit couloir menant à un seul comptoir, la configuration des lieux se prête moins à l’abri, déplore-t-il.

« Il n’y a aucun moyen de cacher quelqu’un. Pour le commerçant, il y a aussi la peur d’être agressé, de s’immiscer sans connaître la situation”il nuance.

Commerçants vigilants

Manuela et Paulo, employés d’une boutique de souvenirs, sont déjà venus en aide aux touristes effrayés. Photo Franck Fernandes.

Tout proche de la fontaine de la place Masséna, la boutique Regalino affiche également le nom de code « Ask Angela » sur sa vitrine. Manuela et Paulo Mendes y sont employés, “c’est le patron qui a mis l’autocollant”disent-ils au début.

Quoi qu’il en soit, lorsqu’ils parlent du processus, un fait important leur vient à l’esprit. C’était en début d’après-midi, en plein mois d’août 2024.

« Cinq jeunes Espagnoles sont entrées dans le magasin, affolées. Ils pleuraient, tremblaient, l’un d’eux était au bord de l’effondrement.confie Manuela, encore abasourdie à l’évocation des faits. Ils nous ont dit qu’ils étaient harcelés par un groupe d’hommes qui les suivaient depuis Castle Hill. Nous avons jeté un coup d’œil, ils étaient postés des deux côtés de la rue et les attendaient.

La solution trouvée : maintenir les victimes dans le magasin, appeler la police qui est venue rassurer les touristes en suivant leur retour à l’hôtel via les caméras de vidéosurveillance de la ville.

« En tant que femme, oui, pour moi, il est très important de savoir que les traders peuvent jouer ce rôle de chien de garde. Quand ils sont partis, nous étions heureux d’avoir fait quelque chose de bien.”souligne Manuela.

“Agir, c’est juste humain, avec ou sans autocollant”

Elvira Silvetti, restauratrice dans le Vieux-Nice depuis 1989, n’hésite pas à intervenir en cas d’attentats. Photo Franck Fernandes.

A proximité de la place Rossetti, au centre de la vieille ville, le restaurant Lu Fran Calin est une institution de la cuisine niçoise. Derrière le comptoir, la patronne, Elvira Silvetti connaît par cœur ces situations qui dégénèrent. Naturellement, elle a apposé l’autocollant « Ask Angela » sur sa porte.

« Quand la ville nous l’a proposé, nous avons dit pourquoi pas. Mais en réalité, c’est quelque chose que nous faisons déjà. Agir est tout simplement humain, avec ou sans autocollant. » décide cette femme à la forte personnalité, qui travaille ici depuis 1989.

Des touristes attaqués, “des enfants qui boivent trop” et se retrouvent vulnérables lorsque la soirée festive s’éternise, “mais aussi beaucoup de jeunes qui s’énervent”…Le restaurateur est habitué.

« L’événement le plus marquant a été un homme qui a frappé sa femme dans la rue derrière le restaurant. Nous n’avons pas hésité à y aller. Malgré son agressivité et le “Dans quoi tu te lances ?!”avec mon équipe, nous sommes intervenus pour la mettre en sécurité”dit celui qui déplore parfois le manque de réactivité des forces de l’ordre.

« Quand on contacte la police, elle est souvent débordée. A Nice, il y a des caméras partout, il faut s’en servir pour attraper ces gens et faire en sorte qu’il y ait de vraies sanctions derrière eux.»elle décide.

Juliette Lefort, pharmacienne en zone piétonne, s’est jointe à l’initiative « Demandez à Angela ». Photo Franck Fernandes.

« J’ai été suivi à plusieurs reprises, je me sens prêt à aider. Je sais ce que c’est, “ Juliette Lefort, pharmacienne

Agir, une question aussi de solidarité féminine pour Juliette Lefort, pharmacienne près de la place Masséna qui a apposé l’autocollant sur la pharmacie qu’elle va bientôt reprendre à son compte.

« En principe, c’est une bonne approche. En fait, personne ne nous a jamais demandé Angela. Je ne suis pas sûr que nous ayons nécessairement besoin d’un nom de code. Mais c’est la responsabilité de chacun de donner un coup de main, d’être à l’écoute des autres »juge celle qui confie avoir déjà été elle-même victime de harcèlement de rue. « J’ai été suivi à plusieurs reprises, je me sens prêt à aider. Je sais ce que c’est.

En août 2024, la municipalité de Nice a indiqué avoir procédé à un premier bilan de l’expérimentation. « Il apparaît que 92 % des personnes interrogées se sentent rassurées de connaître ce système et envisagent de l’utiliser si nécessaire »a argumenté Anthony Borré, premier adjoint au maire de Nice.

Les professionnels qui souhaitent s’inscrire dans le système peuvent nous contacter par email à [email protected].

 
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