Bien qu’officiellement ralentie à 49,38% sur un an, en septembre, l’inflation reste élevée en Turquie où elle est même devenue “chronique” malgré les efforts des autorités, selon des économistes interrogés par l’AFP.
La Turquie est prise dans une spirale inflationniste alimentée par la dépréciation de la livre turque depuis deux ans, avec des pics à 85,5 % en octobre 2022 puis à 75,45 % en mai.
Les statistiques officielles sont contestées par les économistes indépendants du Groupe turc de recherche sur l’inflation (Enag), qui ont estimé l’inflation en glissement annuel à 88,63 % en septembre.
Ankara espère cependant ramener l’inflation à 17,6% fin 2025 et à moins de 10% en 2026, selon le ministre des Finances Mehmet Simsek.
Le président Recep Tayyip Erdogan a récemment accueilli « a lancé le processus de désinflation permanente ». « Les temps difficiles sont derrière nous »dit-il.
Mais pour les économistes interrogés par l’AFP, la flambée des prix à la consommation est devenue “chronique” dans le pays.
« La hausse des prix sur un mois reste élevée, à 2,97 % pour la Turquie et 3,9 % pour Istanbul. On ne peut pas parler de succès ici »déclare Mehmet Sisman, professeur d’économie à l’université de Marmara à Istanbul.
« Nous essayons de réduire l’inflation uniquement par la politique monétaire et l’augmentation des taux d’intérêt. Mais cela étouffe l’économie. »ajoute-t-il.
“Trous noirs”
Contrairement aux théories économiques classiques, le chef de l’Etat a longtemps défendu la baisse des taux d’intérêt en invoquant les préceptes de l’Islam, qui interdit l’usure. Mais après sa réélection en mai 2023, il a laissé la possibilité à la banque centrale de relever son principal taux directeur de 8,5 à 50 % entre juin 2023 et mars 2024 afin d’endiguer l’inflation.
Le ministre turc des Finances Mehmet Simsek, à Ankara, le 21 août 2023 / Adem ALTAN / AFP/Archives
Le taux est resté inchangé en septembre pour le sixième mois consécutif.
« La lutte contre l’inflation s’articule autour des priorités du secteur financier. Cela se fait donc indirectement et génère des incertitudes. »dénonce Erinç Yeldan, professeur d’économie à l’université Kadir Has d’Istanbul.
Pour Yakup Kuçukkale, professeur d’économie à l’Université technique de la mer Noire, augmenter les taux d’intérêt ne peut pas suffire à vaincre l’inflation sans s’attaquer aux problèmes liés à l’inflation. “trous noirs” votre budget.
L’expert dénonce un « Un déficit budgétaire à un niveau record » de 129,6 milliards de livres turques (3,45 milliards d’euros) en août 2024, selon le ministère des Finances.
« M. Simsek explique cela par les dépenses liées à la reconstruction des régions touchées par le séisme de février 2023 (qui a fait plus de 53 000 morts, NDLR). Mais le véritable trou noir réside dans les coûteux contrats de partenariat public-privé.»dit-il.
Critiqués par l’opposition pour être souvent attribués à des entreprises proches du pouvoir, ces contrats d’infrastructures – construction et gestion d’autoroutes, de ponts, d’hôpitaux ou d’aéroports – s’accompagnent de garanties avantageuses pour les prestataires de services, comme l’indemnisation par la Déclaration de leurs revenus à l’État. en cas de manque d’utilisateurs.
« Il faudrait remettre en question ces contrats qui pèsent sur le budget car les indemnisations sont indexées sur le dollar ou l’euro »Révérend M. Kuçukkale.
Dans les rues d’Istanbul, le 30 août 2024 / Ozan KOSE / AFP/Archives
Les mesures anti-inflationnistes ciblent aussi principalement les ménages à faibles revenus, dénonce-t-il, dont le salaire minimum n’a pas été augmenté depuis janvier. « Or, ces groupes ont déjà un faible pouvoir d’achat. Pour réduire la demande, nous devrions cibler les groupes à revenus élevés, mais il n’existe pratiquement aucune mesure allant dans ce sens.il regrette.
De la “mesures d’austérité”comme la suppression du ménage dans les écoles publiques, touchent toujours les plus défavorisés et renforcent les inégalités, note également M. Yeldan.
L’économiste recommande « un impôt sur la fortune, sur les transactions financières ou sur les revenus immobiliers ».
Mais le parti au pouvoir, l’AKP (Parti de la justice et du développement, islamo-conservateur), ne peut pas prendre ces mesures car “il repose sur un système de rentes distribuées à des entreprises pro-gouvernementales”dit-il.
Selon une étude publiée par l’université privée de Koç, les ménages s’attendent à une inflation annuelle de 94% à la fin de l’année, bien au-dessus des prévisions de la banque centrale.
« La hausse des prix vécue par les classes moyennes et inférieures est plus poignante car elle concerne des produits et services essentiels comme l’alimentation, le logement ou l’éducation, où l’inflation reste très élevée »se souvient M. Sisman.
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