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« Le prix de l’électricité est une question cruciale »

Ssoyons clairs : la France et l’ensemble de l’Union européenne se désindustrialisent et leurs citoyens s’appauvrissent. L’industrie handicapée par le coût de l’énergie perd en compétitivité. Comparé aux Etats-Unis, à l’Asie, à l’Inde, le prix du gaz est quatre à cinq fois plus élevé, et l’électricité deux à trois fois plus chère alors même qu’elle est la clé de notre décarbonation,

Il paraît donc évident que nous devons maîtriser le prix de notre énergie, notamment celui de l’électricité, la seule énergie que nous pouvons produire sur notre sol. Malheureusement, compte tenu de l’état de leurs projets énergétiques, ni l’Union européenne (UE) ni la France ne seront en mesure de baisser durablement le prix de l’électricité, ni même d’empêcher sa hausse.

Le décrochage européen s’est produit avec la reprise économique mondiale post-Covid fin 2022 et la hausse des prix du gaz. La guerre en Ukraine n’a fait qu’empirer la situation. La tendance à la hausse du prix de l’électricité observée depuis une quinzaine d’années est due à l’omniprésence des règles de fonctionnement des marchés et à la mise en place de moyens de production subventionnés et généralement plus chers.

Il est paradoxal que, dans un domaine aussi essentiel, des décisions concernant la définition du mix énergétique des États aient été prises par idéologie sans qu’une étude d’impact technique et économique ait été réalisée.

Une augmentation de 100% en quinze ans

L’ouverture du marché de l’électricité en 2007 a créé une situation étrange pour les États membres. Avec le recul, les consommateurs ont vu le prix de l’électricité augmenter de plus de 100 %, tandis que les finances d’EDF étaient gravement mises à mal. En revanche, il a largement bénéficié à une centaine de fournisseurs alternatifs, dont la plupart n’ont investi dans aucun moyen de production.

Dans ces conditions, prétendre créer un marché unique sur l’ensemble du marché européen fondé sur la concurrence entre fournisseurs est un défi. D’une part, les moyens de production sont très diversifiés d’un pays à l’autre et, d’autre part, il n’existe pas de technologie de stockage massive disponible pour couvrir la variabilité et les aléas de la production solaire et éolienne. Or, l’électricité est un bien vital et stratégique, qui doit être disponible à la demande.

Il est donc illusoire d’imaginer un marché régi par les règles de l’offre et de la demande, à des prix relativement stables, comme il en existait pour les échanges d’électricité entre États avant l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence. La réforme de ce « marché » entreprise n’y changera rien.

A LIRE AUSSI L’Europe nucléaire : un retour en arrière ? Avec les orientations actuelles de la politique énergétique de la France et de l’Europe, le prix de l’électricité restera très volatil, en fonction de l’intermittence des EnRi (énergies renouvelables intermittentes) et du prix du gaz naturel liquéfié (GNL) importé qui restera massivement indispensable dans Europe et forcément cher. La sortie de l’Allemagne du nucléaire et la réduction de la part du nucléaire en Europe, fortement soutenue par la Commission européenne, malgré le traité Euratom, éloignent donc à la fois les perspectives de décarbonation et celles de relance économique.

Le choix allemand

L’Allemagne a exclu l’énergie nucléaire, pour des raisons politiques, pour la remplacer par EnRi, l’énergie éolienne et solaire, combinées à des combustibles fossiles pour compenser une production intermittente. Cependant, le fonctionnement optimal d’EnRi est limité (le facteur de charge du solaire n’est que de 13 %, celui de l’éolien terrestre de 23 % et celui de l’éolien offshore de 35 %). Il est donc nécessaire d’utiliser des centrales électriques contrôlables pour compenser la variabilité de ces productions.

En France, le nucléaire est amené à varier brutalement la production de ses réacteurs, ce qui n’est pas sans conséquences techniques et financières. C’est ce choix de l’Allemagne pour son mix électrique (EnRi plus énergies fossiles) que l’UE cherche à imposer aux États membres qui est la principale cause de la hausse du prix de l’électricité.

Le développement rapide et massif d’EnRi s’opère sans recherche d’optimum technique, financier et climatique. Ceci est d’autant plus surprenant que ces EnRis sont largement subventionnées, bénéficient d’un accès prioritaire au réseau, et d’une obligation d’achat à un prix fixe pouvant atteindre plusieurs fois le prix moyen du marché. Tandis que les variations de production créent une instabilité permanente des prix, qui oscillent entre des niveaux stratosphériques (plusieurs milliers d’euros le mégawattheure) et des montants négatifs… où les producteurs d’EnRi sont payés pour ne pas produire et les consommateurs sont payés pour ne pas consommer. Enfin, C’est le consommateur qui paie tout.

Le coût des énergies renouvelables : une inconnue

Le prix total et réel de l’électricité produite par EnRi et envoyée au consommateur est inconnu, c’est presque un tabou. Or, EnRi nécessite des investissements considérables, se chiffrant en centaines de milliards d’euros : raccordement, notamment de l’éolien offshore, stockage et flexibilité, nouvelles lignes d’autant plus nombreuses que la production est répartie sur d’innombrables points. . Par ailleurs, avec la montée en puissance de la production électrique intermittente, la stabilité du réseau, c’est-à-dire la sécurité d’approvisionnement, est de plus en plus mise à mal puisqu’à tout moment la production doit être égale à la consommation. .

Pour compenser ce déséquilibre et cette intermittence, le développement du stockage d’énergie et la flexibilité des consommations sont annoncés. Mais pour le stockage, les technologies et capacités abordables ne seront pas disponibles avant longtemps. Quant à la flexibilité, elle amène à envisager d’exiger des consommateurs qu’ils s’adaptent aux variations de la production. Autant dire qu’avec cette révolution tout objectif industriel de compétitivité devient illusoire. Par ailleurs, aucune étude sérieuse sur la faisabilité et le coût éventuel du stockage et de la flexibilité n’a été réalisée à ce jour.

De par la spécificité de son mix électrique (nucléaire et hydraulique) à plus de 90 % décarboné et de sa situation géographique, la France est particulièrement concernée par le choix du mix européen. Nos exportations d’électricité sont loin de couvrir le coût des choix imposés, d’autant que les États membres ne sont pas tenus de garantir la couverture de l’intermittence de leur production. Pour libérer leur surplus de production éolienne et solaire ou leur insuffisance, voire leur absence, les États comptent sur leurs voisins en développant les interconnexions entre États, et ce, alors que la multiplication des régimes éoliens en Europe occidentale s’avère insuffisante et que la production photovoltaïque n’est que répartis sur deux fuseaux horaires.

200 milliards d’ici 2035 : qui paiera ?

Le coût de ces nouvelles interconnexions européennes s’ajoutera en partie à celui du développement du réseau national que RTE et Enedis estiment à environ 200 milliards d’euros d’ici 2035, soit environ trois fois plus que le coût total annoncé pour les six premiers EPR2 ! Dès le début du développement d’EnRi, cette situation d’instabilité était prévisible. RTE, gestionnaire du réseau, vient tout juste de le signaler dans son rapport du premier semestre 2024 et son président s’en est inquiété, le 17 septembre, lors de la conférence de l’Union des énergies renouvelables.

Avec une part croissante d’EnRi dans notre mix, on peut craindre qu’avec la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3), comme elle est annoncée, et une politique énergétique européenne inchangée, les coûts de production augmentent et que les coûts de transport n’explosent pas, entravant le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité de notre économie.

La décision de réduire la part du nucléaire (2012) puis de l’abandonner progressivement en l’absence de renouvellement du parc était utopique, ignorant les lois de la physique, sauf pour viser une décroissance et une autre société. Heureusement, la France a changé de cap avec le discours du Président de la République à Belfort, en février 2022, annonçant la relance de notre secteur, notre dernier atout pour échapper au désastre énergétique et économique. Cependant, cette reprise sera longue et coûteuse en raison de décennies d’erreurs et de procrastination en matière de politique énergétique. Il faudra maintenir le cap de la reprise face aux critiques et à l’impatience généralement exprimées par ceux-là mêmes qui ont tant mis à mal le secteur.

Récupération ou déclin ?

Pour assurer la disponibilité d’une électricité décarbonée, le nucléaire doit continuer à couvrir la majorité de notre production, avec l’extension des réacteurs exploités aussi longtemps que l’ASN l’autorise, de nouveaux EPR en nombre suffisant et, plus tard, des réacteurs surgénérateurs. (FBR), une énergie nucléaire durable qui préserve totalement les ressources naturelles et résout en grande partie la question des déchets. Cette quatrième génération est celle de Superphénix, quand la France avait 20 ans d’avance, une avance détruite par sa fermeture politique, en 1998, et par l’arrêt sans débat du projet Astrid, en 2019.

La nécessité de mener des études techniques et financières apparaît ainsi évidente et urgente afin d’orienter les pouvoirs publics vers le mix optimal pour atteindre nos objectifs climatiques. Ces études doivent être menées sans a priori, sans exclure des technologies ni même la construction de quelques centrales électriques de pointe et hyperpointe utilisant du gaz naturel puis renouvelable, un tabou dont n’accablent pas nos voisins allemands. Sans dégrader notre empreinte carbone, ces équipements permettraient cependant une plus grande électrification des usages. L’Académie des Sciences, l’Académie des Technologies et l’OPECST sont particulièrement à même de s’impliquer dans cette mission essentielle.

A moins de viser sans le dire le déclin et l’appauvrissement, de telles études sont nécessaires car, en l’absence d’un changement d’orientation de notre politique énergétique, la hausse continue du prix de l’électricité sera inévitable malgré les fortes contraintes imposées aux consommateurs.

 
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