Mais il y a un casino ici, non ? J’y ai gagné 5000 francs !
Et qu’en as-tu fait ?
Je les ai dépensés. C’était beaucoup à l’époque, et c’est encore le cas aujourd’hui.
Namur est aussi la ville d’origine d’une certaine Évelyne Demaude, comédienne. Il n’apparaît pas à l’écran…
…mais elle a participé au développement du film. J’ai tourné tout le film avec de vrais acteurs, dont Évelyne et Raphaël Thiéry dans les rôles des bûcherons. Ce pré-shooting m’a permis d’essayer des choses. Ma façon de travailler l’écriture cinématographique se déroule en 3 étapes : l’écriture du scénario, le tournage et le montage. En animation, vous n’avez pas vraiment besoin de travailler avec des acteurs ou de monter. Je voulais faire tout ce voyage. Je suis parti de ce vrai montage pour faire un storyboard, un animatique.
As-tu toujours dessiné ?
Ce n’est pas le principal intérêt du film, mais, oui, depuis que j’ai 10 ans. Bêtement, je pensais que je ne dessinais pas bien. J’étais enfant et on me le faisait croire, j’avais été un peu humilié par un professeur de CM2 et je m’étais mis en tête qu’il fallait absolument que j’apprenne.
La denrée la plus précieuse est l’adaptation du roman de Jean-Claude Grumberg.
Je ne pensais pas faire un film sur cette page de l’histoire. Beaucoup de choses ont été dites. Je ne voyais pas comment, pourquoi, j’aurais quelque chose de plus intéressant à raconter. Tout d’un coup, j’avais cette histoire entre les mains et j’ai vu un film à faire, que je n’avais pas vu au cinéma. Avec des mises en avant des Justes qui ne sont pas si fréquentes au cinéma. Cette histoire émouvante intervient à un moment où la représentation du génocide juif évolue. Les enfants d’aujourd’hui sont très vieux pour eux. Jusqu’à présent, cette représentation était constituée de nombreux témoignages. Il y en aura de moins en moins. Je ne vais pas dire que la page du documentaire se ferme mais celle de la fiction s’ouvre. C’était le bon moment.
Lorsque vous dessinez l’horreur, est-ce que cela réveille des choses en vous ?
Pas tellement. C’est furtif, une émotion. Elle vient et elle repart. Depuis les Oscars, on m’a demandé plusieurs fois dans quel état j’étais. On est content mais ça dure un petit moment, puis on passe à autre chose. Là, c’est un peu pareil. Il y avait des moments où j’expliquais les choses aux animateurs, en les formulant, je pouvais avoir une émotion. Mais vous n’êtes pas débordé à tout moment, vous la mettez à distance.
Les Oscars, les Césars, ils ouvrent des portes.
On commence toujours par le début, tous les films sont de nouvelles aventures. Chaque film est différent et, à chaque film, il faut trouver le bon ton, la bonne distance, la bonne façon de raconter l’histoire. Vous ne reproduisez jamais le même modèle. En revanche, ce qui change, c’est que les gens vous font davantage confiance, les financiers par exemple. Cela permet de faire des films dans de meilleures conditions car on a de meilleurs budgets mais aussi des gens avec qui on travaille. Avoir remporté des prix prestigieux vous donne effectivement une certaine crédibilité. Puis, au bout d’un moment, vous avez encore un certain nombre de films à votre actif : vous vous débarrassez vous-même de tous vos complexes, de vos doutes, de vos incertitudes. Il ne s’agit pas de s’en débarrasser, mais d’apprendre à vivre avec.
Où sont vos récompenses ?
Certaines, que je trouve jolies, sont plutôt dans mon bureau, mais si vous arrivez chez moi, rien n’est visible. D’autres sont dans une buanderie.
Certains ne sont pas jolis ?
C’est leur accumulation dans des endroits visibles qui ne serait pas jolie.
Votre journée à Namur a commencé tôt, vous avez affronté une salle remplie d’élèves de différentes écoles ?
C’était génial. J’ai demandé à faire de nombreuses projections scolaires avec ce film depuis début septembre. Je suis très contente car les professeurs sont là, les salles sont pleines. Ce matin, il y avait plus de 300 étudiants. On dit beaucoup de choses sur les enfants, je suis émerveillée par leur capacité d’écoute, la pertinence des questions, l’intelligence de ces enfants. En France comme en Belgique. C’est assez gratifiant.
Pensez-vous parfois à revenir aux détournements qui vous ont révélé ?
Pourquoi pas, mais ce film, en fait, est un retournement de situation. Ça prend la forme mais pas à 100%, c’est détourné. La pratique de la diversion, si vous voulez, je la pratique dans de nombreux endroits.
Après, un détournement comme The American Class, je ne sais pas, il faut trouver les bonnes images. Mais pourquoi pas ? À un moment donné, j’ai eu envie d’en refaire avec Riad Sattouf et Éric Judor. J’ai aimé l’idée de faire ça ensemble, mais cela n’a pas abouti.
De quoi s’agissait-il ?
Dire et faire des bêtises, faire rire les gens. C’est une activité très noble de faire rire les gens.
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