News Day FR

Leonardo DiCaprio fait chavirer Rodez, à la rencontre de sa voix française

Damien Witecka, le doubleur derrière la voix française de Leonardo DiCaprio, est l’un des invités du festival Games of Geek à Rodez ce week-end. Vous pouvez aller le rencontrer jusqu’à dimanche soir.

Comment êtes-vous arrivée dans le monde du doublage ?

Je fais du doublage depuis 96-97 environ. Je faisais beaucoup de théâtre à cette époque. Les gens qui m’ont vu jouer m’ont demandé de tenter le coup, car je n’avais jamais fait de doublage. Après cela, je n’ai plus eu de nouvelles de lui pendant un moment, jusqu’à ce qu’on me convoque pour auditionner pour un film. C’est là que tout a commencé.

J’ai été rappelé un peu plus tard pour faire d’autres tests. Il y a eu « Little Murders Between Friends », et un an plus tard « Trainspotting ». Et cette équipe devait également faire le doublage de « Roméo et Juliette ». Il y avait de très gros tests, il fallait choisir cinq personnes possibles pour chaque rôle. C’est à partir de là que j’ai réalisé mon premier film avec Leonardo DiCaprio.

Puis il y a eu « Titanic ». Ce film m’a un peu ouvert les portes du doublage. Déjà parce que c’était un grand succès, et aussi parce qu’on sortait tous les films que Leonardo DiCaprio avait inventés jusqu’alors et qui n’étaient pas sortis en France. Sur certains projets, le distributeur avait exigé que Leonardo ait la même voix que dans “Titanic”.

Mais comme les gens ne me connaissaient pas, ils ont voulu me tenter. Pour « Basketball Diaries », je me souviendrai toujours de l’ambiance, on m’a dit : « On a choisi pour toi la scène la plus dure du film ». Je me suis dit : « vas-y ». Je me sentais comme un acteur. Je n’étais pas là pour doubler, j’étais là pour jouer. Tout ça pour vous dire que ce n’était pas joué d’avance. Ils ont tout fait pour me tester. Et nous voilà aujourd’hui.

Leonardo DiCaprio, notamment, a une scène de « lâcher prise » dans chaque film où il élève la voix. Êtes-vous obligé de conserver le vôtre en permanence ?

(Rires) Certains acteurs peut-être, mais je n’y pense pas du tout. J’essaie de vivre les choses de manière organique, comme au théâtre. Parfois cela se fait tout de suite en répétition au théâtre, parfois, sur des personnages plus nébuleux, cela prend du temps. C’est à cela que servent les répétitions. Sauf que dans le métier de comédien de doublage, on n’a pas ce temps-là. Vous voyez la scène et vous devez y aller directement. C’est instantané, cela demande un lâcher prise que tout le monde n’a pas forcément.

Pour cette histoire vocale, je me souviens du « Loup de WallStreet ». Le plus gros tournage de ma vie, pendant 15 jours, on s’est arrêté quand on n’en pouvait plus. Pour retrouver ma voix, la seule chose qui marche, c’est le sommeil. Vous voyez la scène où il est au bureau avec un micro et il répare tout son personnel ? Pour ce film, le choix définitif des dialogues n’était pas encore fait. Donc une fois la scène terminée, il restait encore d’autres alternatives à essayer. C’était épuisant. Tout d’abord, refaire une scène où l’on s’emporte, c’est navrant. Mais quand on refait et refaite… D’autant que dans la scène, Leonardo DiCaprio va jusqu’à casser ses cordes vocales. Et je dois faire ce qu’il fait.

Avez-vous une ligne préférée?

Dans “Titanic”, c’est… “Je t’attends ici !” Vous souvenez-vous de ce moment ? Leonardo DiCaprio est enchaîné, et Kate Winslet vient le chercher avec la hache. Et il lui dit « je t’attends ici », avec un ton presque quotidien. C’est mon petit préféré, même si personne ne se souvient de cette phrase ! Quand je regarde à nouveau le film, je souris à ce moment-là.

Après, ça surprend toujours les gens, une fois qu’on a travaillé sur un film, on le regarde une fois, deux fois, puis on passe à autre chose. Nous ne connaissons donc pas les lignes aussi bien que les fans. Le soir, je ne propose pas : « Chérie, et si on écoutait encore ce que j’ai fait ? Oh mon Dieu, non…

Après toutes ces années à incarner Leonardo DiCaprio, connaissez-vous aussi bien sa voix que la vôtre ?

De toute façon, je connais mieux le mien (rires). On me dit parfois, quand je me lance dans un nouveau projet : “Oh mais ça te va, Leonardo DiCaprio, avec les doigts dans le nez !” Non mais tu plaisantes ? Il y a des scènes où je ne suis pas à la hauteur, ça s’entend tout de suite. Ce n’est jamais facile, c’est à chaque fois un nouveau défi, même quand on connaît l’acteur.

On ne double pas Leonardo DiCaprio dans tous ses films. Pour quoi ?

Il y a eu une phase dans ma vie, à commencer par « Inception », où quelqu’un chez les distributeurs, je pense que c’était chez Warner à l’époque, a décidé qu’il fallait vieillir la voix de DiCaprio. Ils ont donc pris un autre acteur, tout en lui demandant de se rapprocher le plus possible de la voix qu’il avait en français. Quelque chose de stupide, vraiment. Pendant certains films, plus personne ne m’appelait, c’était fini.

Puis, pour le « Loup de WallStreet », j’ai été remis en concurrence avec celui qui avait pris la relève. Et comme dans les films de Scorsese, c’est Scorsese qui choisit, je suis revenu.

A part Leonardo DiCaprio, quels acteurs aimez-vous suivre ?

J’aime Tobbey Maguire. Avec lui, c’est totalement différent. Il y a aussi Giovanni Ribisi, qui est un excellent acteur. Tant qu’il y a des choses à jouer, je suis content. Le plus dur, c’est d’habiller des acteurs qui ne sont… « pas géniaux ». Quoi qu’on fasse, on se dit parfois qu’on n’a pas beaucoup de marge de manœuvre. Mais de grands acteurs, c’est un bonheur de suivre leur sillage.

Y a-t-il un acteur que vous auriez aimé doubler ?

Je me serais laissé tenter par Timothée Chalamet. Mais je l’ai entendu en français, et je l’ai trouvé très bien. Si bon.

Vous avez réalisé des voix off, des publicités, de l’animation, des voix à l’antenne pour Fun Radio et France Bleu… Est-ce important pour vous de vous diversifier ?

Oui, c’est super important de faire des choses complètement différentes. Tous les acteurs diront qu’ils n’ont pas de rôle préféré. Ce qu’on aime, c’est faire quelque chose, s’y investir à fond, puis passer à quelque chose de complètement différent. Ce que nous aimons, c’est entrer dans des rôles en nous demandant : mais qu’est-ce que je vais en faire ? Et c’est souvent dans les choses qui nous font le plus peur que nous allons tout donner. Les publicités par exemple sont souvent pour moi un exercice très créatif.

Dans quels projets pourrons-nous vous entendre prochainement ?

Aujourd’hui, nous signons des contrats de confidentialité, je ne peux donc pas parler de ce sur quoi je travaille actuellement. A partir du moment où c’est diffusé, nous le pouvons. Je peux donc vous dire que j’ai travaillé sur la deuxième saison de Rings of Power qui est actuellement sur Amazon. Je joue Elrond.

Les comédiens de doublage sont de plus en plus à l’honneur lors de ce type d’événement. On a l’impression qu’il y a une curiosité de plus en plus forte pour ce métier.

Il fut un temps, où j’allais souvent au théâtre, et je ne pouvais pas venir aux répétitions… Il y avait un mélange de reproches et de jalousie. Et d’ailleurs, quelques années plus tard, ces mêmes personnes en recherche de travail vous ont appelé pour vous donner un coup de pouce dans le doublage. Il fut un temps où le doublage n’était pas très bien vu. Maintenant, parce qu’Internet a un peu démocratisé tout cela, les gens s’y intéressent. Cela a permis la connexion entre les spectateurs et les personnes qui font ce travail.

C’est drôle parce que quand tu fais un bon morceau, les gens parlent de toi, mais ça, c’est oublié. Là, le doublage est figé. On parle encore aujourd’hui de « Titanic », de « Spider-Man », c’était il y a 25 ans ! Ce qui n’a pas pour but de me rajeunir quand on me dit que j’ai bercé leur enfance ! J’ai encore 35 ans dans ma tête, mais non… Après, j’ai toujours la même énergie, la même envie.

Vous préférez vous rendre au salon de Rodez ou au mastodonte qu’est Paris Manga, où vous êtes attendu début octobre ?

Je trouve ça très bien cette semaine, parce qu’à Paris il y aura des files et des files, et ce sera autre chose. Ce sera plus intense, plus fatiguant. Ce que j’aime, c’est le contact avec les gens. A Rodez c’est très bien, quand quelqu’un vient me parler, j’ai tout le temps. Tu veux une vidéo pour ton petit ami ? Pas de soucis. On prend un selfie ? Mais oui. Puis-je vous demander encore quelque chose ? Bien sûr, c’est pour cela que je suis ici.

Est-ce qu’on vous reconnaît tous les jours, rien qu’à votre voix ?

C’est rare, mais ça arrive. Cela s’est produit récemment dans un magasin alors que j’achetais des jouets pour mes enfants. Au moment de payer, on m’a demandé : « Désolé, mais tu fais du doublage ? Et qui doublez-vous ? Eh bien, devinez ! À chaque fois, ce ne sont que des sourires. Cela m’est arrivé au Stade de France, lors des Jeux Paralympiques. J’étais avec ma petite famille. On m’a demandé : « êtes-vous Leonardo DiCaprio ? Je t’ai reconnu”.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :