Ce que nous savons des explosions meurtrières contre des membres du Hezbollah au Liban

Des milliers de personnes ont été blessées au Liban après que des téléavertisseurs utilisés par le groupe armé Hezbollah pour communiquer ont explosé de manière spectaculaire presque simultanément à travers le pays mardi.

Au moins neuf personnes ont été tuées et quelque 2 800 blessées, dont plusieurs grièvement.

On ignore comment cette attaque, qui semble très sophistiquée, a été menée, mais le Hezbollah a immédiatement accusé Israël. Les responsables israéliens ont jusqu’à présent refusé de commenter.

Voici ce que nous savons jusqu’à présent.

Les explosions ont commencé à Beyrouth, la capitale du Liban, et dans plusieurs autres régions du pays vers 15h45 heure locale (12h45 GMT) mardi.

Des témoins ont rapporté avoir vu de la fumée sortir des poches des gens, avant d’entendre de petites explosions qui ressemblaient à des feux d’artifice et à des coups de feu.

Dans une séquence, des images de vidéosurveillance montrent une explosion apparente dans la poche du pantalon d’un homme alors qu’il se tenait à la caisse d’un magasin.

Citant des responsables américains, le New York Times a rapporté que les téléavertisseurs avaient reçu des messages qui semblaient provenir de la direction du Hezbollah avant d’exploser. Ces messages auraient en fait déclenché les appareils, a précisé le journal.

Les explosions ont continué pendant environ une heure après les premières explosions, a rapporté l’agence de presse Reuters.

Peu de temps après, des dizaines de personnes ont commencé à arriver dans les hôpitaux à travers le Liban, et des témoins ont rapporté des scènes de confusion générale.

Les analystes ont rapidement exprimé leur choc face à l’ampleur de l’attaque de mardi, affirmant que le Hezbollah était satisfait de ses mesures de sécurité.

Certains ont avancé qu’un piratage aurait pu provoquer une surchauffe des batteries du téléavertisseur, provoquant l’explosion de l’appareil. Un tel acte serait sans précédent.

Mais de nombreux experts estiment que cela est peu probable, car les images des explosions ne sont pas compatibles avec une surchauffe des batteries.

Certains analystes estiment qu’une sorte d’attaque de la chaîne d’approvisionnement, impliquant une altération des téléavertisseurs pendant la fabrication ou pendant le transport, est plus probable.

Les attaques de la chaîne d’approvisionnement constituent une préoccupation croissante dans le monde de la cybersécurité. De nombreux incidents très médiatisés ont récemment été causés par des pirates informatiques ayant accédé à des produits alors qu’ils étaient encore en cours de développement.

Mais ces attaques se limitent généralement aux logiciels. Les attaques sur la chaîne d’approvisionnement en matériel sont beaucoup plus rares, car elles impliquent de mettre la main sur l’appareil.

S’il s’agissait effectivement d’une attaque de la chaîne d’approvisionnement, elle aurait impliqué une opération à grande échelle visant à altérer secrètement les téléavertisseurs d’une manière ou d’une autre.

Selon les autorités de sécurité libanaises, les téléavertisseurs avaient été chargés d’une petite quantité d’explosifs plusieurs mois avant leur entrée dans le pays. Un ancien expert en munitions de l’armée britannique, qui s’est confié à la BBC sous couvert d’anonymat, a émis l’hypothèse que les appareils auraient pu être déclenchés par un signal à distance.

Contactée par l’AFP, une Source proche du Hezbollah a indiqué que deux des victimes étaient les fils de deux députés du Hezbollah. La fille d’un membre du Hezbollah a également été tuée.

Parmi les blessés figure l’ambassadeur d’Iran au Liban, Mojtaba Amani. Selon les médias iraniens, ses blessures sont légères.

Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, n’a pas été blessé dans les explosions, a rapporté Reuters, citant une Source.

Le ministre libanais de la Santé publique, Firass Abiad, a déclaré que les blessures aux mains et au visage constituaient la majorité des blessures.

S’exprimant lors de l’émission Newshour de la BBC, il a déclaré : « La plupart des blessures semblent être au visage et surtout aux yeux, ainsi qu’à la main avec quelques amputations, que ce soit aux mains ou aux doigts, et certains d’entre eux ont des blessures sur le côté. »

« La grande majorité des personnes qui viennent aux urgences sont en civil, il est donc très difficile de déterminer s’ils appartiennent à une certaine entité comme le Hezbollah ou à d’autres… », ajoute-t-il.

« Mais on voit parmi eux des personnes âgées ou des personnes très jeunes, comme l’enfant qui est malheureusement décédé… et il y en a parmi eux qui sont des professionnels de santé », a précisé le ministre.

En dehors du Liban, 14 personnes ont été blessées dans des explosions similaires en Syrie voisine, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, une organisation de défense des droits de l’homme basée en Grande-Bretagne.

Jusqu’à présent, personne n’a revendiqué la responsabilité de l’attaque, même si le Premier ministre libanais et le Hezbollah accusent Israël.

Le Premier ministre libanais Najib Mikati a déclaré que ces explosions constituaient une « grave violation de la souveraineté libanaise et un crime à tous égards ». Une Source sécuritaire du pays a accusé le Mossad, l’agence de renseignement israélienne, d’être à l’origine de l’attaque, a rapporté Reuters.

Dans sa déclaration accusant Israël d’être derrière ces attaques, le Hezbollah a déclaré qu’il tenait le pays « pleinement responsable de cette agression criminelle qui visait également des civils ».

« Cet ennemi traître et criminel recevra certainement sa juste punition pour cette agression pécheresse, qu’il s’y attende ou non », a-t-il ajouté.

Des responsables américains et israéliens ont déclaré à Axios que les explosions avaient initialement été planifiées comme la première étape d’une offensive « tous azimuts » contre le Hezbollah. Mais ces derniers jours, Israël s’est inquiété du fait que le Hezbollah ait eu connaissance du projet, et les explosifs ont donc été déclenchés plus tôt que prévu.

Les autorités israéliennes n’ont pas commenté ces allégations, mais la plupart des analystes s’accordent à dire qu’il semble probable qu’elles soient à l’origine de l’attaque.

« Nous savons qu’Israël a un précédent dans l’utilisation de la technologie pour traquer sa cible », a déclaré à la BBC le professeur Simon Mabon, maître de conférences en relations internationales à l’université de Lancaster, qualifiant l’ampleur de l’attaque de « sans précédent ».

Lina Khatib, de Chatham House, une organisation basée au Royaume-Uni, a déclaré que l’attaque démontrait qu’Israël avait « profondément » infiltré le « réseau de communication » du Hezbollah.

Le Hezbollah utilise largement les téléavertisseurs comme moyen de communication low-tech pour tenter d’échapper au suivi de localisation par Israël.

Un téléavertisseur est un appareil de télécommunication sans fil qui reçoit et affiche des messages alphanumériques ou vocaux.

Les téléphones portables ont été abandonnés depuis longtemps parce qu’ils sont tout simplement trop vulnérables, comme l’a démontré l’assassinat par Israël du fabricant de bombes du Hamas Yahya Ayyash en 1996, lorsque son téléphone a explosé dans sa main.

Un membre du Hezbollah a déclaré à l’agence de presse AP que les téléavertisseurs étaient une nouvelle marque que le groupe n’avait jamais utilisée auparavant. Un responsable de la sécurité libanaise a déclaré à Reuters qu’environ 5 000 téléavertisseurs avaient été introduits dans le pays il y a environ cinq mois.

Les étiquettes visibles sur les fragments de téléavertisseur éclatés indiquent qu’il s’agit d’un modèle de téléavertisseur appelé Téléavertisseur robuste AR-924. Mais le fabricant taïwanais Gold Apollo a nié toute implication dans les explosions. Son fondateur Hsu Ching-Kuang a déclaré que son entreprise avait signé un accord avec une société basée en Europe pour fabriquer les appareils et utiliser son nom de société.

Lorsque la BBC a visité Gold Apollo mercredi, la police locale effectuait une descente dans les bureaux de l’entreprise, inspectait les documents et interrogeait le personnel.

Emily Harding, une ancienne analyste de la CIA, a déclaré que cette faille de sécurité était profondément embarrassante pour le Hezbollah.

« Une violation de cette ampleur est non seulement physiquement dommageable, mais elle les amènera également à remettre en question l’ensemble de leur dispositif de sécurité », a-t-elle déclaré à la BBC.

« J’attends d’eux qu’ils mènent une enquête interne approfondie qui les détournera d’un éventuel conflit avec Israël. »

Le Hezbollah est allié à l’ennemi juré d’Israël dans la région, l’Iran. Le groupe fait partie de l’Axe de la Résistance de Téhéran et est engagé depuis des mois dans une guerre de faible intensité avec Israël, échangeant fréquemment des tirs de roquettes et de missiles à travers la frontière nord d’Israël. Des communautés entières ont été déplacées des deux côtés.

Les explosions se sont produites quelques heures seulement après que le cabinet de sécurité israélien a fait du retour en toute sécurité des habitants du nord du pays une priorité et un objectif de guerre officiel.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré à un responsable américain en visite qu’Israël ferait « tout ce qui est nécessaire pour assurer sa sécurité ».

Plus tôt lundi, l’agence de sécurité intérieure israélienne a déclaré avoir déjoué une tentative du Hezbollah d’assassiner un ancien responsable.

Malgré les tensions persistantes, les deux camps ont jusqu’à présent tenté de contenir les hostilités sans pour autant franchir la ligne de la guerre ouverte. Mais certains craignent que la situation ne devienne incontrôlable, le Hezbollah menaçant déjà de riposter aux explosions de mardi.

Avec la contribution de Frances Mao