au procès, l’horreur du dernier jour d’Amandine

au procès, l’horreur du dernier jour d’Amandine
au procès, l’horreur du dernier jour d’Amandine

LLa frayeur peut prendre les traits d’une petite jeune fille, bien ronde, avec une tresse plantée haut sur la tête et des lunettes dorées. Une jeune fille de 19 ans, qui cligne beaucoup des yeux et qui raconte une histoire terrifiante d’une voix un peu aiguë, un peu appliquée, rapide et parfois presque joyeuse : la voix polie d’un étudiant qui répond promptement à son professeur. Ambre, la sœur d’Amandine, d’un an son aînée, arrive à la barre mercredi – et on sent, dès les premiers instants, qu’elle ne comprend pas, ou à peine, ce qu’elle est là pour faire. Ce qu’elle a vécu. Ce dont elle a été témoin.

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Sa story du jour du 6 août 2020 rapportait par exemple d’un trait : « Au début, je me levais, je devais aller voir mon ex-petit ami. En descendant je vois ma mère paniquée, je lui demande ce qui se passe, elle me dit Amandine va très mal. Jean-Michel aide Amandine à monter, elle portait un t-shirt à ce moment-là, je m’en souviens car c’est moi qui l’ai déshabillée : ma mère m’a demandé de la laver pendant qu’elle allait prendre la voiture pour l’emmener l’hôpital. J’ai donc enlevé le haut, j’ai lavé Amandine sous la douche. Là je me suis dit Il fait chaud, elle est très maigre. Elle me parlait, mais je ne comprenais pas ce qu’elle disait. Après je l’ai mise dans mon lit, je l’ai habillée. Là, elle a mousseux à la bouche et j’ai dit Pape, montagne. Alors Jean-Michel est monté, il l’a mise en position latérale de sécurité, enfin je ne me souviens pas beaucoup plus clairement de ce qu’il a fait. Il a dit d’appeler à l’aide. J’ai dit Oublie ça, elle est morte. Ses yeux étaient complètement noirs, complètement vides. »

“Elle était nue tout le temps”

Ambre ajoute sur le même ton qu’elle était “très triste”. Elle n’avait pas « vraiment vu » l’état de sa sœur se dégrader. «Souvent, j’étais dehors. Nous ne voyions pas souvent ma petite sœur, honnêtement, nous la voyions très rarement. Elle se souvient qu’« au début » Amandine dormait avec elle, dans la chambre du deuxième étage, et qu’elle portait un t-shirt et un short. “Après, comme il y avait beaucoup de vols dans le placard à snack, elle était nue tout le temps” – et on apprend alors qu’Amandine, avant d’être trop faible pour se lever, a été obligée de se promener nue dans la maison.

Pendant le confinement, raconte Ambre, “ça allait”, car Jean-Michel C. était présent. Il lui est arrivé de dire à Amandine de prendre une boîte de céleri pour aller manger « en bas » : dans ce débarras dont des images ont été projetées devant le tribunal mercredi. Un lit de camp, une échelle, quelques meubles, des objets épars, un rouleau de revêtement de sol sur lequel Amandine a dû rester debout pendant des heures. Et puis une caméra de surveillance, qui la filmait en continu.

« – Vous allez la voir, parfois ?, demande Ambre la présidente.

– Oui, quand maman n’est pas là. Surtout, quand maman n’était pas là, je devais la surveiller.

Donc elle ne vole pas de nourriture, on comprend. Pour qu’elle remplisse ses cahiers de « lignes ». Ambre l’aidait parfois : « parce que parfois maman disait Si tu fais 25 pages, tu peux manger ce soir ».

« Tout le monde ne travaillait pas dans les chambres à gaz »

« – Quand l’avez-vous vue nue ?, poursuit le président.

– Je ne me souviens pas exactement.

– Mais enfin, comment se fait-il que personne ne s’en souvienne ?

– J’ai fait un black-out après, c’est compliqué.

– Je comprends que ce n’est pas facile, mais il existe quand même des moyens de collaborer. Tout le monde ne travaillait pas dans les chambres à gaz. Donc tu ne la vois pas perdre du poids ?

– C’est difficile de voir à quoi elle ressemble : comme on la voit tout le temps, c’est compliqué de savoir. »

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Il est surprenant, et agaçant, de voir un président de cour d’assises perdre son sang-froid. C’est plus surprenant, et encore plus agaçant, de le voir malmener une partie civile – d’un plus fort lorsqu’il s’agit d’une très jeune fille qui n’a connu que la violence. La colère d’Eric Emmanuelidis face à cette affaire a souvent été à son comble depuis l’ouverture de l’audience. A Ambre, il reproche ces auditions où, devant les enquêteurs, elle ne cesse de dénigrer sa sœur. «J’espérais que ma mère sortirait de prison», tente-t-elle d’expliquer. « Mais, en quatre lignes, tu mets hypocritetrois fois, vicieuxtrois fois. Tu n’étais pas obligé de dire ça. ” Plus tard :

« – Aujourd’hui vous êtes partie civile. Quel est votre préjugé ? De quoi souffres-tu ?

– Les coups de ma mère, pour avoir moins confiance en moi.

– Mais par rapport à Amandine ? »

“C’est triste à dire, mais je l’aime toujours”

Alors Ambre se met à pleurer et il faut toute la délicatesse des experts, puis celle des avocats des deux parties, pour qu’elle trouve sa place : celle de victime. Qui dit de sa mère, dans un autre sanglot : « C’est triste, mais je l’aime toujours. » Qui ajoute qu’elle a adopté sa version des faits « pour ne pas la décevoir ». Qui reconnaît que, ces derniers temps, Amandine “n’existait plus vraiment” pour elle : “On vivait notre vie, et elle était là-bas. » Elle n’imaginait pas que les traitements qui lui étaient infligés pouvaient la tuer : « Pour moi, dit-elle en parlant de sa mère et de son beau-père, ce n’était vraiment pas de leur faute. »

A LIRE AUSSI Mort d’Amandine : les confessions de Sandrine P. face à un enregistrement insupportableC’est ce qu’il faut ici admettre – ou, du moins, accepter de considérer : un système où la barbarie était devenue « normale », et où plus personne ne la remettait en question. « Normal », c’est aussi le mot d’Ethan, qui arrive après Ambre à la barre. C’était le petit frère, le plus aimé de tous : on frappait aussi, à l’occasion, mais seulement « deux ou trois fois par mois », bien moins que les autres.

« – Pour moi, c’était normal d’être touché. J’aimais beaucoup ma mère, mais pour moi c’était normal.

– As-tu eu peur ?

– Oui.

– C’était normal que tu frappes Amandine ?

– Oui. »

Après la mort de sa sœur, dit-il, sa mère semblait « soulagée ». La famille a repris sa vie habituelle. Il se demandait « qui serait le prochain ».

“On peut espérer qu’elle n’a eu aucune perception de douleur


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L’avocat venu témoigner mercredi soir a reconnu n’avoir jamais vu, en 40 ans de carrière, un tel dossier. Le trouble du rythme cardiaque qui a causé le décès pourrait, selon lui, avoir été provoqué par un effort de renutrition inapproprié et trop rapide : lors de l’autopsie du corps, le taux de sucre n’a « pas baissé ». Sandrine P. et Jean-Michel C. ont parlé de compote, une boisson protéinée. Dans l’état dans lequel se trouvait Amandine, explique le médecin, tout aliment absorbé trop rapidement pourrait provoquer un dysfonctionnement métabolique mortel.

La veille encore, ajoute-t-il, il y aurait eu une chance sur deux de sauver Amandine si elle avait été hospitalisée. Sans doute son état de conscience était-il très altéré depuis plusieurs jours : « On peut espérer qu’elle n’a eu aucune perception de douleur au moment de son décès. » Sur son petit corps, outre les traces de coups et d’escarres, l’expert a découvert de nombreuses lésions de grattage, ce qui l’a amené à conclure à un manque d’hygiène. L’enfant, en revanche, avait les ongles étonnamment propres.

 
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