Ce lundi 13 janvier, 19 heures, sur la plaine de jeux Colette-Besson à La Rochelle, le thermomètre indique -1°. Ressenti -5°. Pourtant, la trentaine de rugbymen de ce soir-là ne manqueraient pour rien au monde ce rendez-vous hebdomadaire. Pour la plupart de ces membres de la section santé Rugby de l’Association Stade Rochelais, cette formation est une véritable bouffée d’oxygène. Un moment hors du temps, loin des traitements et de la maladie. Car les cinquante membres ont presque tous cela en commun. Ils suivent un traitement, qu’ils souffrent d’un cancer, d’une maladie cardiovasculaire ou d’une maladie neurodégénérative ; ou en rémission ; certains viennent juste pour interagir physiquement. Tout le monde vient pratiquer le rugby à 5, le touch rugby, sans plaquages, avec des règles du jeu adaptées.
Cette section rugby santé a été créée en septembre 2021, après un an de réflexion et d’expérimentation. Jean-Marie Piot, le président du comité Charentais-Maritime de la Ligue contre le cancer, est venu proposer à la commission éthique et citoyenneté de l’Association Stade Rochelais d’ouvrir une section rugby santé alors qu’une section de ce type avait déjà été lancée à le La Rochelle Sea Rowing Club en 2015. Une proposition qui a fait parler Steven Sparks, ancien pilier du Stade Rochelais et directeur de l’Ecole de Rugby depuis 2019, qui avait déjà fondé par le passé ce type de section dans un club de rugby breton. «Quand on est bien moralement, ça nous aide à être bien physiquement», insiste Steven Sparks.
“Ce qui compte, ce ne sont pas les points marqués, c’est leur plaisir… et les rires qu’on entend”
Pierre Venayre, le directeur général, et Jean-Paul Hardouineau, le président de l’Association Stade Rochelais, ont alors donné leur feu vert. Et, depuis, de nouveaux adhérents viennent chaque année rejoindre la section santé de La Rochelle, section pilote enregistrée auprès de la Fédération française de rugby (FFR). Souvent sur recommandation de leur médecin. « Bouger stimule le métabolisme et permet d’évacuer les traitements », insiste Jean-Marie Piot.
L’aviron est bon pour la santé
Le Sea Rowing Club et la Ligue contre le cancer s’associent pour permettre aux personnes malades de pratiquer l’activité
Deux médecins font également partie de cette aventure : le Docteur Ludovic Humetz, médecin du club, et le Docteur Laura Serrano, cardiologue au Cardiocean, spécialisée en cardiologie du sport et cardio-oncologie, et médecin référent de la section santé rugby. « L’activité physique améliore la qualité de vie et limite la fatigue induite par le cancer. Elle permet de retrouver de la vitalité et de sécréter les hormones du bien-être comme les endorphines et la sérotonine. Le sport réduit la fatigue, améliore l’estime de soi, réduit l’anxiété et la dépression ainsi que le risque de récidive du cancer et d’événements cardiovasculaires post-cancer », rappelle le Docteur Laura Serrano.
Je n’ai jamais joué au rugby auparavant
Beaucoup de joueurs n’avaient jamais joué au rugby auparavant. « Je voulais voir si j’y arrivais, ça me paraissait impossible de l’essayer à 50 ans ! », sourit Florence, qui pratique également l’aviron. Et pourtant… L’essai s’est transformé.
Camille n’avait jamais non plus pratiqué de sports collectifs. Un défi qu’elle s’est fixé après les soins. « Physiquement, j’ai gagné en cardio et en confiance en moi. Il faut apprendre à accepter son corps qui évolue au gré des traitements. »
Ici, pas de contact violent, que de la bienveillance. Et de la bonne humeur ! « Tout le monde est content d’être là. Ce qui compte, ce ne sont pas les points marqués, c’est leur plaisir… et les rires qu’on entend ! », sourit Loïs Guéret, entraîneur de troisième année du rugby santé et U8.
Car l’entraînement du lundi soir, qui accueille en moyenne une trentaine de participants à chaque fois, permet de penser à autre chose, en plus de garder la forme. «Je m’intéresse beaucoup plus à la pêche qu’avant. Le sport devient un besoin, on devient accro, on se sent mieux après, souligne Katia, qui ne manque pas d’enthousiasme. Avant, je vivais en noir et blanc ; maintenant je suis passé à la couleur. »
Pas d’esprit de compétition, nous ne recherchons pas la performance. Même si les joueurs participent à quelques rencontres chaque année. Notamment lors des tournois RUBieS (Rugby Union Bien-Être Santé, association nationale), la fameuse Ovalie. L’année dernière, elle s’est déroulée à Montauban. La prochaine et cinquième édition se tiendra à Clermont-Ferrand en juin 2025.
C’est la cohésion qui règne avant tout dans le rugby sanitaire. Et chaque occasion est bonne pour se retrouver, y compris en dehors du terrain. «Nous sommes devenus, en quelque sorte, une grande famille», sourient Serge Boutier de la commission éthique et citoyenneté et Annie, qui en est la coprésidente.
Inscriptions à la section santé rugby
Les inscriptions, sur présentation d’un certificat médical d’aptitude, sont possibles jusqu’en avril.
Le volet santé rugby est financé par le comité Charentais-Maritime de la Ligue contre le Cancer, l’Association Stade Rochelais et le Fonds de Dotation du Stade Rochelais (dont la Macif est l’un des partenaires). La licence des joueurs est donc prise en charge par le club. Ils doivent encore s’acquitter de la cotisation annuelle de 20 euros à l’Association Stade Rochelais.