Un génie du cinéma est décédé… Le réalisateur américain David Lynch est décédé avant-hier des suites d’un emphysème pulmonaire. Il avait 78 ans. A l’origine d’au moins trois chefs-d’œuvre du cinéma, Homme éléphant, Une histoire vraie et Promenade MulhollandLynch est rapidement devenu un cinéaste culte. Alors que sa filmographie ne contient qu’une dizaine de longs métrages et une série mythique, son style et ses univers très particuliers ont su envoûter les générations successives de cinéphiles.
Un statut particulier qui a pu se vérifier à travers les hommages qui lui ont été rendus après sa mort par son collègue Steven Spielberg, ses acteurs préférés Kyle MacLachlan et Isabella Rossellini ou encore le délégué général du Festival de Cannes Thierry Frémaux.
Pourtant, la carrière de David Lynch démarre hors des sentiers battus, grâce à son premier long métrage – après de nombreux courts métrages – Tête de gomme. Cette œuvre inclassable fait sensation au Festival d’Avoriaz en 1978. Après ce premier coup de maître, les portes du cinéma sont grandes ouvertes au jeune réalisateur. Cependant, plutôt que de se laisser tenter par l’offre de George Lucas de réaliser un film Guerres des étoilesLynch opte alors pour un film plutôt atypique, bien que pleinement magistral. Produit par Mel Brooks et tourné en noir et blanc, Homme éléphant – BAFTA du meilleur film en 1981 – reste à ce jour l’un des meilleurs films, à la fois poétiques et nerveux, sur la véritable monstruosité de l’homme. Avec de brillantes performances de John Hurt et Anthony Hopkins pour démarrer.
Hélas, le prochain projet de David Lynch s’avérerait assez désastreux, puisque son adaptation du classique de science-fiction de Frank Herbert, réalisée par Dino De Laurentiis, n’avait en rien anticipé l’engouement actuel du public pour l’univers de Duneà travers les deux récents films réalisés par Denis Villeneuve.
La traversée du désert ne sera que de courte durée, puisque Lynch parvient à rebondir deux ans plus tard, en 1986, avec Velours bleuencore et toujours produit par De Laurentiis. C’est dans ce film, porté par MacLachlan et Rossellini, que le réalisateur a véritablement créé son univers personnel poisseux et inquiétant, bien qu’en même temps habité par une violente beauté plastique. Cette approche iconoclaste de la relecture de la culture provinciale américaine trouvera ses lettres de noblesse avec la mini-série « Twin Peaks », qui révolutionnera la fiction sur le petit écran au début des années 1990.
Dans le même temps, côté cinéma, Lynch avait poussé encore plus la surenchère en Marin et Luladans lequel Nicolas Cage et Laura Dern incarnaient un couple en détresse dans un microcosme de plus en plus sauvage. Le film frère de l’univers Twin Peaks, Twin Peaks Fire Marche avec moià part, Lynch a ensuite passé la majeure partie des années 90 à tourner des publicités.
Ce n’est qu’en 1997 qu’il revient au cinéma en réalisant le toujours inquiétant et caustique Autoroute perdue avec Bill Pullman et Patricia Arquette. Changement complet de registre, du moins en apparence, deux ans plus tard avec une autre fable bucolique. Dans Une histoire vraieRichard Farnsworth traverse plusieurs États américains à bord de sa tondeuse à gazon. Il n’y a pas d’effets gore à signaler ici, ni de rebondissements dramatiques tonitruants. Juste un regard sublimement nuancé sur les petits plaisirs de la vie, même dans la vieillesse.
Initialement prévu comme épisode pilote d’une nouvelle série de style « Twin Peaks », Promenade Mulholland deviendrait un nouveau succès artistique pour Lynch. L’intrigue en forme de puzzle et la mise en scène virtuose avaient d’ailleurs permis à l’actrice Naomi Watts de se faire enfin un nom à Hollywood. Des dizaines de courts métrages plus tard, David Lynch réalise son dernier long métrage en 2006 avec Empire intérieurune expérience de cinéma numérique de trois heures avec Laura Dern dans le rôle principal.
Bizarrement, c’est devant la caméra que l’on retrouvait David Lynch ces dernières années. Particulièrement dans Chanceux de John Carroll Lynch et dans Les Fabelman par Steven Spielberg. Tout comme dans le genre documentaire pour évoquer tour à tour ses activités artistiques (David Lynch La vie artistique de Richard Barnes, Olivia Neergaard-Holm et Jon Nguyen, sorti sur les écrans français en février 2017) et ses inspirations cinématographiques (Lynch / Oz d’Alexandre O. Philippe, sortie en mai 2023).
David Lynch a été nominé quatre fois aux Oscars : pour le scénario adapté deHomme éléphantainsi que trois fois celui du meilleur réalisateur pour Homme éléphant, Velours bleu et Promenade Mulholland. A noter que pour ces deux derniers, il s’agissait de la seule nomination pour ces films, un cas assez rare qui était arrivé, entre autres, à Arthur Penn (Le restaurant d’Alice), Federico Fellini (Satyricon de Fellini), Martin Scorsese (La dernière tentation du Christ) et Robert Altman (Raccourcis). Lynch a reçu fin octobre 2019 un Oscar d’honneur pour l’ensemble de son œuvre des mains de Laura Dern, Isabella Rossellini et Kyle MacLachlan.
Au Festival de Cannes, il remporte la Palme d’Or en 1990 avec Marin et Lulaainsi que le Prix de la mise en scène onze ans plus tard avec Promenade Mulholland. La Mostra de Venise lui a décerné un Lion d’Or d’honneur en 2006. Et il a remporté à deux reprises le César du meilleur film étranger : en 1982 avec Homme éléphant et vingt ans plus tard avec Promenade Mulholland.
-David Lynch a été président du jury à la Mostra de Venise en 1994 (Lion d’Or ex æquo Avant la pluie de Milcho Manchevski et Vive l’amour de Tsai Ming Liang) et celui de Cannes en 2002 (Palme d’Or au Pianiste par Roman Polanski).