Poker ou échecs ? Les provinces ne sont pas toutes d’accord sur le jeu à jouer avec Trump

Le président élu américain Donald Trump met à l’épreuve la solidarité des provinces canadiennes. Les diverses analogies utilisées par les premiers ministres pour faire face à la menace tarifaire en sont l’illustration la plus flagrante.

Pour le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, la relation canado-américaine est un jeu de poker. Vous ne montrez pas votre main au milieu d’une partie de poker ! il a plaidé à son arrivée à la réunion fédérale-provinciale pour faire valoir qu’aucune réponse ne devrait être exclue par le Canada.

Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, portait une casquette sur laquelle était écrit « Le Canada n’est pas à vendre ».

Photo : La Presse Canadienne / Justin Tang

Pour son collègue de Terre-Neuve-et-Labrador, c’est plutôt une partie d’échecs à laquelle joue le Canada.

L’énergie est reine dans ce jeu d’échecs, a déclaré Andrew Furey. Nous n’avons pas besoin d’exposer notre reine trop tôt. Notre adversaire a besoin de savoir que notre reine existe, mais il n’a pas besoin de savoir ce que nous allons faire d’elle.

Le premier ministre du Yukon, Ranj Pillai, a préféré une analogie avec le hockey, affirmant que toutes les provinces pouvaient marquer des buts de différentes manières.

Si les politiciens canadiens ne savent pas à quel jeu ils sont censés jouer, c’est parce que Donald Trump invente les règles du jeu.

Pour justifier son intention d’imposer des droits de douane à son principal allié économique, le président élu a d’abord critiqué le Canada (et le Mexique) pour la gestion de sa frontière avec les États-Unis. Il a ainsi provoqué un émoi à Ottawa, qui s’est empressé de présenter un plan de 1,3 milliard de dollars destiné à renforcer la sécurité à la frontière.

Mais Donald Trump a rapidement changé de prétexte en invoquant alors le déficit commercial des États-Unis pour expliquer son intention d’imposer des barrières tarifaires. Peu importe que ce déficit commercial soit lié à l’importation de pétrole canadien, dont les États-Unis ont cruellement besoin.

Quelle nouvelle raison Donald Trump donnera-t-il à l’avenir ? Au jeu des devinettes, le Canada perd nécessairement.

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Justin Trudeau a déclaré que les détails de la réponse canadienne dépendront des actions de la nouvelle administration américaine.

Photo : Reuters / Blair Gable

Fracture moins profonde que prévu

Le gouvernement Trudeau peut néanmoins se réjouir d’une chose : le clivage entre les provinces, qui semblait inévitable au début de la journée, est finalement bien moins grave qu’anticipé.

A une exception près : les premiers ministres ont tous accepté de s’asseoir côte à côte pour le point de presse qui a clôturé la réunion et d’apposer leur signature au bas du communiqué commun.

Seule la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a refusé de participer à ce front uni. Dans une déclaration sur les réseaux sociaux, elle a déclaré qu’elle ne pouvait pas soutenir le plan fédéral si Ottawa continue de lancer l’idée de couper l’accès des Américains aux ressources énergétiques canadiennes, comme le pétrole, ou d’imposer des tarifs d’exportation.

Son homologue ontarien Doug Ford lui a adressé une réponse cinglante. C’est son choix, a-t-il décidé. J’ai une petite théorie assez différente : vous pouvez protéger votre province, mais le pays doit passer en premier. Le Canada est la priorité.

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La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, qui assistait virtuellement à la réunion, a refusé de signer le communiqué de presse conjoint.

Photo : La Presse Canadienne / Sean Kilpatrick

Les autres provinces ont accepté d’édulcorer leur vin. Interrogé sur la possibilité d’imposer des tarifs sur les exportations d’hydroélectricité aux États-Unis, le premier ministre du Québec, François Legault, a soutenu qu’aucune option ne devait être exclue. Même le combatif premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, semblait disposé à coopérer.

Alors, si les provinces ne s’entendent pas sur le jeu à jouer, à l’exception de l’Alberta, elles sont toutes d’accord sur le fait qu’il faut à tout le moins jouer.

Le vrai test unitaire arrive

Pour l’heure, la menace de Donald Trump et la guerre tarifaire qui pourrait en découler restent théoriques.

Il est plus facile de faire preuve de solidarité quand on ne sait pas précisément le sacrifice qui devra être fait pour y répondre ni comment on expliquera ces décisions aux électeurs.

Justin Trudeau a plaidé mercredi pour que le fardeau soit partagé à travers le pays. Cet équilibre sera toutefois difficile à atteindre et certaines provinces se sentiront nécessairement lésées.

L’esprit d’équipe pourrait alors en prendre un coup.

 
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