Inflation galopante en Russie : un casse-tête économique

Inflation galopante en Russie : un casse-tête économique
Inflation galopante en Russie : un casse-tête économique

La Russie est confrontée à une inflation record de 9,5 % fin 2024. Quelles en sont les causes profondes et comment le pays compte-t-il y remédier ? Les experts s’inquiètent des conséquences sur…

Alors que les Russes espéraient un répit après une année 2023 économiquement éprouvante, force est de constater que l’inflation n’a pas dit son dernier mot. Selon les derniers chiffres publiés par l’agence nationale des statistiques Rosstat, le taux annuel des prix à la consommation a bondi à 9,5% en décembre 2024, contre 8,9% le mois précédent. Une accélération qui inquiète, tant du côté des ménages que des autorités monétaires.

La Banque centrale impuissante face à la flambée des prix ?

Malgré une politique monétaire très restrictive, avec un taux directeur maintenu à 21% – du jamais vu depuis 2003 – la Banque centrale de Russie peine à endiguer la spirale inflationniste. Son objectif officiel de 4% semble plus que jamais hors d’atteinte, au grand désarroi de sa présidente Elvira Nabioullina, qui a fait de la lutte contre la hausse des prix son cheval de bataille.

Pourtant, tous les voyants étaient au vert en début d’année, avec une inflation contenue à 7,4 %. Mais c’était sans compter une combinaison de facteurs défavorables, qui sont venus alimenter la machine de l’inflation au fil des mois.

L’impact des dépenses militaires et des sanctions

Au premier rang des causes identifiées, l’explosion des dépenses militaires liées à l’offensive en Ukraine. Selon une source proche du dossier, l’effort de guerre aurait coûté au moins l’équivalent de 3 % du PIB russe en 2024. Des dépenses abyssales, financées par la planche à billets, au détriment des investissements productifs.

Autre facteur aggravant : les sanctions économiques imposées par les pays occidentaux. Si la Russie a su s’adapter et trouver de nouveaux débouchés à l’Est, il n’en reste pas moins que ces mesures restrictives ont un coût, répercuté in fine sur les prix à la consommation.

La fuite des cerveaux pèse sur les salaires

Depuis le début du conflit en février 2022, la Russie est confrontée à un exode massif de sa main d’œuvre qualifiée. Des centaines de milliers d’hommes ont quitté le pays, soit pour rejoindre le front ukrainien, soit pour fuir la mobilisation. Résultat : des pénuries de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs clés de l’économie.

Pour combler ces manques et attirer les talents, les entreprises n’ont d’autre choix que d’accepter des augmentations salariales substantielles. Une hausse du coût du travail qui, mécaniquement, se répercute sur les étiquettes. Selon un expert du marché du travail, cette situation risque de perdurer jusqu’à ce que le conflit soit résolu.

Dans le viseur des ménages : l’alimentation

Pour les ménages russes, c’est le coup de grâce. Déjà éprouvés par des années de stagnation de leur pouvoir d’achat, ils voient leurs maigres économies fondre comme neige au soleil. Les familles les plus modestes peinent désormais à joindre les deux bouts, contraintes de réduire les dépenses non essentielles pour maintenir leur niveau de vie.

Sans surprise, c’est sur le front alimentaire que la flambée des prix se fait le plus sentir. Selon les données de Rosstat, le prix du beurre a bondi de 36 % en un an, celui du pain de 13 %. Des augmentations vertigineuses, qui nuisent au moral des consommateurs et alimentent le mécontentement populaire.

Une politique monétaire contestée

Face à cette situation alarmante, les critiques se multiplient contre la politique menée par la Banque centrale. Plusieurs grands patrons russes sont montés au créneau ces dernières semaines, dénonçant un taux directeur jugé trop élevé, qui étouffe l’économie sans freiner l’inflation. Avec des taux d’emprunt compris entre 25 et 30 %, les entreprises hésitent à investir, ce qui risque de freiner durablement la croissance.

La hausse des prix est un signal inquiétant.

– Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie

Un constat partagé en haut lieu. Lors d’un discours remarqué en décembre, Vladimir Poutine lui-même a qualifié la hausse des prix de « signal inquiétant ». Un aveu rare de la part du maître du Kremlin, généralement prompt à vanter la résilience de l’économie russe face à l’adversité.

Quelle feuille de route pour 2025 ?

Alors que l’année 2025 s’annonce sous de sombres auspices, avec une croissance attendue en berne, la question est sur toutes les lèvres : comment enrayer la spirale inflationniste sans étouffer l’activité ? Un dilemme difficile pour les autorités monétaires, qui vont devoir redoubler d’inventivité pour trouver le point d’équilibre.

Une chose est sûre : l’inflation sera plus que jamais au cœur des débats économiques et politiques dans les mois à venir. La stabilité sociale du pays, déjà durement éprouvée par trois années de conflit et de sanctions, dépendra largement de son contrôle. Un enjeu majeur pour le pouvoir en place, qui joue une partie de sa crédibilité et de sa légitimité.

 
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