Les causes de ce gigantesque désastre ne sont pas encore établies – certains évoquent une reprise des incendies, sous l’effet de vents violents, d’un premier incendie qui avait été maîtrisé, la veille du Nouvel An, sur une colline voisine de Pacific Palisades (feux d’artifice ou un feu de camp mal éteint en serait la cause, selon les riverains). Si l’origine pourrait donc être humaine et accidentelle, l’ampleur du phénomène est difficilement dissociable d’une urbanisation insensée et de dérèglements climatiques : une sécheresse prolongée a rendu très secs les sols, sur lesquels ont soufflé des vents d’une force inhabituelle. .
Incendies en Californie : quand les propriétaires profitent des incendies pour augmenter leur loyer
La faute à une « bande d’idiots »
Il a suffi que les secours soient dépassés par les événements, mais Donald Trump et, à sa suite, les ténors de l’extrême droite américaine ont préféré accuser les dirigeants démocrates d’incompétence et d’insouciance. Notamment le gouverneur de Californie Gavin Newsom, ennemi juré de l’ancien Président, qui, sur les réseaux sociaux, se plaît à traiter le démocrate de parfait idiot en le traitant de « Gavin Newscum » (de « scum », scrap en anglais)…
Il est vrai que les démocrates ont fourni des munitions à leurs adversaires. La maire de Los Angeles, Karen Bass, était en voyage officiel au Ghana, malgré une alerte incendie émise par les services météorologiques avant son départ. La ville a ordonné par erreur l’évacuation d’une dizaine de millions d’habitants, provoquant une panique indescriptible. Et le dysfonctionnement des bouches d’incendie a alimenté une polémique sur le manque d’eau à disposition des pompiers, alors même que le dispositif est évidemment destiné à lutter contre les incendies dans les habitations, et non les incendies qui ravagent les quartiers. entier.
Un flot de désinformation
La désinformation a fait le reste. Donald Trump a reproché à Gavin Newsom d’avoir rejeté en son temps, pour protéger les “poissons inutiles”, un projet de capture des rivières du nord de la Californie pour les régions du sud. Sauf que le document que le gouverneur n’aurait pas voulu signer semble n’avoir jamais existé, que le projet a été rejeté sur avis d’experts, et qu’il prévoyait, de toute façon, un approvisionnement en eau pour l’agriculture, pas pour lutter contre les incendies. Hormis un grand réservoir, celui de Santa Ynez, asséché en raison de travaux, les bassins de rétention de Los Angeles ont par ailleurs été remplis au maximum de leur capacité. Les besoins étaient malheureusement excessifs.
Incendies en Californie : “Notre maison à Altadena et notre ville ont disparu en une nuit”, des Belges témoignent du désastre
Plus inquiétante est sans doute la propension des commentateurs d’extrême droite à attribuer le désastre à une politique de recrutement, dans l’administration municipale et dans les pompiers notamment, qui s’appuierait sur le programme DEI (Diversité, équité, inclusion), destiné à promouvoir la promotion des minorités. Bref, l’incapacité des autorités locales à contenir les incendies résulterait de la nomination, à des postes de commandement, de personnes issues de ces minorités (Afro-Américains, LGBTQ+, etc.), voire simplement de femmes. Sont directement visées Karen Bass, première femme noire élue maire de Los Angeles en 2022, et Kristin Crowley, la chef des pompiers, qui revendique ouvertement son homosexualité.
L’avenir de Gavin Newsom
Si certains analystes prédisent que Gavin Newsom ne survivra pas politiquement à une tragédie qui illustrerait autrement la faillite du modèle de gouvernement démocrate, l’énormité des attaques dirigées contre lui et son parti amène d’autres à penser, au contraire, que le gouverneur et les démocrates sortiront relativement indemnes de cette épreuve. Newsom, en qui certains voient depuis longtemps un candidat à la présidentielle qui devrait logiquement tenter sa chance en 2028, pourrait même consolider une stature qui l’érige comme l’antithèse de Donald Trump. Tout dépendra cependant de l’issue, notamment sur l’indemnisation des victimes et la reconstruction, sur fond de crise des assurances en Californie, où la multiplication des catastrophes naturelles a rendu les primes exorbitantes et les couvertures parfois inexistantes.
Pourtant, si la Californie incarne tout ce que Donald Trump et les conservateurs détestent, l’État le plus peuplé du pays peine aujourd’hui à être à la hauteur de ses ambitions. Avec des calamités naturelles désormais récurrentes, qui éclipsent une douceur de vivre légendaire, la Californie est confrontée à une criminalité croissante, à une paupérisation qui jette de plus en plus de personnes à la rue, et à un coût de la vie et du logement souvent prohibitif… À tel point que l’État , toujours habituée à voir sa population croître, est désormais confrontée à l’exode de ses habitants, attirés par de meilleures conditions de vie, au Texas ou en Floride par exemple. Avec, là aussi, des conséquences politiques : on prévoit que lors du prochain recensement, en 2030, la Californie perdra, avec son déclin démographique, quatre de ses 54 « grands électeurs » à l’élection présidentielle. Elle en avait déjà perdu un lors de la précédente, en 2020.