À quoi ont conduit les guerres contre le fondamentalisme islamiste ?

À quoi ont conduit les guerres contre le fondamentalisme islamiste ?
À quoi ont conduit les guerres contre le fondamentalisme islamiste ?

Déjà 25 ans depuis l’an 2000. Devoir nous ramène en janvier dans un quart de siècle ponctué d’événements marquants et de nouvelles tendances, qui façonnent encore aujourd’hui notre société. Dans cet article : les guerres contre le fondamentalisme islamiste.

Le 11 septembre 2001, l’Occident a soudainement ouvert les yeux sur des concepts tels que « l’islam radical », le « djihadisme » ou encore le « terrorisme islamiste ». Depuis, des guerres ont eu lieu en Afghanistan, en Irak et en Libye, des positions de l’État islamique ont été bombardées en Syrie et en Irak, mais pour quels résultats ? Devoir s’est entretenu avec deux spécialistes de la question et donne ici quelques pistes de réflexion.

« Je dois ma carrière à Oussama ben Laden. » plaisante aujourd’hui Francesco Cavatorta, mais le professeur au Département de science politique et à l’École supérieure d’études internationales de l’Université Laval sait que, sans l’ancien chef d’Al-Qaïda, sa carrière professionnelle aurait été toute autre. Depuis le 11 septembre 2001, il consacre sa carrière aux mouvements islamistes, à l’étude de l’islam politique et radical et, plus largement, à la géopolitique du monde arabo-musulman.

Ce jour-là, l’échiquier mondial s’est déplacé à la vitesse de deux avions de ligne percutant des tours de bureaux. À peine sorti de 50 ans de guerre froide, l’Occident – ​​du moins le grand public – découvrait le terrorisme islamiste. Et il allait lancer une guerre contre un nouvel ennemi qui avait l’impudence de frapper en plein cœur l’impérialisme américain : le fondamentalisme islamiste.

« Dans les années 1990, des chercheurs comme Benjamin Barber prédisaient déjà que les perdants de la mondialisation trouveraient une manière de répondre aux défis qui font d’eux des perdants, par un retour au tribalisme, au nationalisme et à la religion très exclusifs. Tous les perdants, quels qu’ils soient, allaient revenir sur des facteurs identitaires : ethnicité, clan, religion », résume Francesco Cavatorta.

Le 11 septembre cristallisera cet état de fait, tout comme les attentats terroristes du Hamas qui, le 7 octobre 2023, feront 1 200 victimes et près de 250 otages en Israël.

D’un 11 septembre à l’autre

Pour Rachad Antonius, professeur titulaire à la retraite au Département de sociologie de l’UQAM et solidaire de la cause palestinienne, le véritable point commun entre le 7 octobre et le 11 septembre réside dans le fait que chacun des événements représente le résultat de l’histoire, et non son point de départ. Et selon lui, l’effet structurant est à chercher dans la relation coloniale avec, comme point de départ, le choc pétrolier de 1973 pour le 11 septembre, et la création de l’Etat d’Israël en 1948 pour le 7 octobre.

Le sociologue rappelle que le 11-Septembre est né de l’effondrement des mouvements nationalistes laïcs au Moyen-Orient dans les années 1970 et du soutien de l’Occident aux mouvements islamistes radicaux. Cette nouvelle donne politique a coïncidé, selon lui, avec l’avènement de l’Arabie Saoudite qui, grâce à la crise pétrolière de 1973 et à la manne financière qu’elle a générée, est devenue une nouvelle puissance régionale et un acteur incontournable sur l’échiquier. mondial.

« Pendant 30 ans, l’Arabie saoudite, soutenue par les États-Unis, a œuvré pour faire de l’islam le noyau de l’idéologie politique dominante dans la région. Le 11 septembre est né de ça», explique Rachad Antonius.

Les racines du 7 octobre sont également liées, selon lui, à une lutte de pouvoir coloniale, avec en toile de fond la création de l’État d’Israël.

« L’écrasante majorité des habitants de Gaza sont soit des réfugiés de 1948, soit des descendants de réfugiés de 1948. Pour eux, la Nakba [« la catastrophe » désigne l’exode des centaines de milliers de Palestiniens lors de la création de l’État d’Israël]ce n’est pas le passé, c’est le présent », explique le spécialiste des sociétés arabes et des conflits au Moyen-Orient.

Rachad Antonius évoque également les violences subies par les Palestiniens depuis 1948 ainsi que la marginalisation par l’État hébreu des mouvements palestiniens pacifiques, pour tenter d’expliquer les attentats du Hamas du 7 octobre 2023.

Quel bilan pour la guerre contre le terrorisme ?

Depuis le 11 septembre 2001, l’Occident a mené plusieurs opérations militaires contre les jihadistes d’Al-Qaïda ou de l’État islamique en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie… avec des résultats très limités.

“D’un point de vue physique, nous sommes peut-être plus en sécurité, dans le sens où la police et les services de sécurité, dans les gares, les aéroports, grâce aux systèmes de vidéosurveillance, etc., sont réellement entrés dans nos vies”, déclare Francesco Cavatorta, de Université Laval.

Cependant, note le chercheur, s’il est relativement simple pour une puissance occidentale de renverser le régime d’un pays moins développé, créer une démocratie saine est une tout autre histoire.

« La guerre en Irak [2003-2011] a été tragique pour les Irakiens, aujourd’hui dirigés par des élites corrompues. Avons-nous amélioré leur situation ? Cette idée de guerre contre le terrorisme, de guerre contre un concept, est particulièrement compliquée, surtout quand on n’a pas une idée claire de ce que l’on veut faire ensuite », explique M. Cavatorta.

Dans les sociétés occidentales, cette guerre contre l’islam radical a aussi marqué notre vivre ensemble.

« Nous sommes devenus plus polarisés, plus méfiants, plus durs les uns envers les autres, moins enclins à faire un pas les uns vers les autres. Cette dynamique ne rend pas une société plus sûre, mais plus schizophrène. C’est vrai dans nos sociétés occidentales, c’est aussi vrai dans le monde arabe », explique-t-il.

La construction de l’islamophobie

Si M. Antonius désigne le colonialisme comme le ciment commun du 11 septembre et du 7 octobre, il déplore que la résistance à ce colonialisme ait pris des « formes religieuses obscurantistes ». Selon lui, c’est cet islam intransigeant et moderniste qui alimente depuis l’islamophobie. Car en se trouvant lié à la question de l’immigration, le fondamentalisme islamiste et sa perception dans les sociétés occidentales sont devenus un enjeu de sécurité et d’identité. Polarisant.

« Au Québec, l’immigration arabo-musulmane de la fin des années 1990 et du début des années 2000 a voulu affirmer publiquement toutes les apparences de l’islam. Pourtant, il y a une partie de cette immigration qui estime que la laïcité ne lui convient pas. Que se passe-t-il alors dans l’imagination ? Une fusion entre ces deux phénomènes : les images du conservatisme religieux apporté par l’immigration et les images de l’islam politique, y compris dans ses formes violentes… C’est là que la femme voilée devient un danger », explique le sociologue.

Et c’est de cette fusion qui s’opère à partir du 11-Septembre que naît l’amalgame à l’origine de l’islamophobie, bien entretenu par certaines personnalités médiatiques et certains discours politiques.

“La fusion est inévitable lorsque nous cherchons la confirmation de nos préjugés chez les autres”, explique Francesco Cavatorta. Nous cherchons toujours, pour nous justifier, les voix les plus extrémistes chez l’Autre à montrer que l’Autre est comme ça et tout à fait comme ça. Le problème de nos politiques, c’est qu’ils ont fait de cet amalgame quelque chose de rentable au niveau électoral. »

Pour Rachad Antonius, cet amalgame réside aussi dans le mot « islamophobie », qui induirait en erreur et alimenterait profondément le racisme. Pour lutter contre l’islamophobie croissante dans les sociétés occidentales, selon lui, il faudrait même bannir le terme « islamophobie » et privilégier plutôt le terme « racisme anti-musulman ».

« L’Islam est une religion, mais aussi une conception de l’ordre social. C’est la source d’une idéologie politique. Il est tout à fait légitime de craindre cette idéologie politique. Donc, si l’on appelle par le même mot la peur légitime d’une idéologie politique et l’hostilité irrationnelle envers les musulmans, nous partons mal », conclut M. Antonius.

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