cannabis thérapeutique, quels résultats après 3 ans d’expérimentation ?

cannabis thérapeutique, quels résultats après 3 ans d’expérimentation ?
cannabis thérapeutique, quels résultats après 3 ans d’expérimentation ?

L’année 2025 aurait dû voir l’arrivée en de médicaments à base de cannabis thérapeutique, après 3 ans d’expérimentation. En attendant une décision politique du gouvernement, patients et médecins sont dans l’incertitude.

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Le cannabis médical sera-t-il autorisé en France ? Depuis mars 2021, une expérimentation est menée pour certains patients souffrant de maladies graves. Mais il ne s’agit là que d’une expérimentation d’une durée initiale de trois ans, finalement prolongée jusqu’au 31 décembre 2024. Cette échéance est désormais dépassée. Nicolas Authier, psychiatre au CHU de Clermont-Ferrand et président du comité scientifique de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) sur le cannabis thérapeutique, évoque le flou de ce début 2025 : «Il y a une prolongation de l’impasse. Tout a dû s’arrêter le 31 décembre 2024. Une décision urgente a été prise par le précédent gouvernement et a permis d’étendre de six mois supplémentaires l’accès aux soins aux patients déjà soignés. Mais il existe une injonction d’arrêter les traitements chez ces patients pendant ces six mois. C’est un peu délicat car en réalité, on nous demande d’arrêter des traitements pour lesquels il n’existe pas d’alternative. Par définition, le cannabis médical est prescrit lorsque les patients n’ont pas d’alternative, lorsqu’ils se trouvent dans une impasse thérapeutique.».

Le psychiatre s’inquiète des conséquences pour les 1.200 patients actuels qui suivent un traitement au cannabis médical : «Nos patients sont très anxieux car pour ceux qui suivent un traitement, ils en bénéficient. C’est le seul médicament qui a amélioré leur qualité de vie et soulagé leurs souffrances, pas complètement mais suffisamment pour qu’ils en bénéficient. Nous n’avons pas inclus de nouveau patient depuis mars 2024. Pour les 1 200 patients restants, le cannabis médical fonctionne, sinon ils ne le prendraient pas. Il faut expliquer à un patient qui vit une souffrance importante que l’on va arrêter son traitement, sans pouvoir lui proposer d’alternative. On imagine aisément son niveau d’angoisse et de détresse psychologique.».

Au total, 3 200 patients ont été soignés depuis 2021. La Direction générale de la Santé a même rendu un bilan favorable en novembre 2023. Nicolas Authier poursuit : «L’année 2024 a été faite pour passer du stade expérimental au droit commun. Ceci était prévu dans la loi de décembre 2023, avec l’article 78, avec une autorisation des médicaments à base de cannabis au cours de l’année 2024. Elle contenait la notification d’un décret d’application à la Commission européenne. Cette première étape n’a pas eu lieu. Sans cette notification à la Commission européenne, il ne peut y avoir de publication de ce décret du Conseil d’État, qui permettra à l’Agence du médicament de donner les premières autorisations de médicaments. Les autorités discuteront ensuite du prix et des conditions de remboursement de ces médicaments. Nous aimerions que ce processus redémarre. Nous avons un peu d’espoir. Il semblerait que, contrairement au précédent ministre de la Santé, l’actuel ministre Yannick Neuder semble moins fermé sur cette question. Nous espérons qu’il saura convaincre le Premier ministre de transmettre le plus rapidement possible le projet de décret d’application à la Commission européenne.».

Le psychiatre dénonce certains amalgames : «Il s’agit d’une question de santé et non d’une question de sécurité intérieure. Nous ne parlons pas de drogues mais de médicaments, même si les substances actives se retrouvent également dans le cannabis dit récréatif. Cependant, nous ne parlons pas des mêmes produits, des mêmes méthodes d’accès. Ce ne sont pas du tout les mêmes objectifs. Certaines oppositions politiques s’accrochent aux hypothétiques chevaux de Troie que représenterait le cannabis médical par rapport à la légalisation globale du cannabis. Cependant, ce n’est pas le cas».

Il rappelle les résultats de cette expérience : «Les résultats sont positifs. Il est inclus dans le rapport de la Direction générale de la santé. Il n’y a aucune difficulté à prescrire ce médicament, aucune difficulté à le délivrer en pharmacie. L’objectif de cette expérimentation était de tester les conditions d’accès. Nous nous doutions que nous y arriverions. Nous avons formé 2 000 professionnels de santé sur ces médicaments. Les effets secondaires sont désormais bien connus et rien n’a été observé qui pourrait être nouveau. Il existe une sécurité d’emploi plutôt rassurante de ces médicaments. Les patients, qui souffraient beaucoup, ont vu une réduction significative de leurs souffrances mentales et physiques pour 30 à 40 % d’entre eux, après 3 mois de traitement. On pourrait dire que ce n’est pas suffisant, mais ce sont des patients pour lesquels il n’y avait pas d’autre issue et chez qui il y a une amélioration significative. Ce n’est pas le cas de tous les patients. Sans un bilan positif, Elisabeth Borne et son ministre de la Santé Aurélien Rousseau n’auraient pas intégré cet article dans la loi.je”.

Nicolas Authier rappelle dans quel cadre le traitement est administré : «Le cannabis médical est administré par voie orale : ce sont des huiles qui se prélèvent à l’aide de pipettes. Ce sont des formes qu’on n’a qu’au cours de l’expérimentation mais si on passait au droit commun, on pourrait avoir d’autres formes comme des gélules, des comprimés. Cette expérience est destinée aux patients atteints d’un cancer, ou en soins palliatifs, ou souffrant de sclérose en plaques, ou qui souffrent de complications d’un accident vasculaire cérébral, ou d’une lésion de la moelle épinière suite à un accident de voiture, ou qui ont des crises d’épilepsie quotidiennes, ou qui ont des troubles neuropathiques. douleur. Ces patients ont de grandes souffrances». Mais en l’absence de cannabis médical, les patients pourraient-ils se tourner vers le marché noir ? Le psychiatre répond : «La grande majorité des patients inclus dans l’expérience n’avaient jamais consommé de cannabis auparavant. Certains d’entre eux diront peut-être que le THC a fonctionné pour eux et que si on le leur enlevait, ils pourraient aller le chercher illégalement, sur le marché noir. C’est une possibilité qui existera mais je ne peux pas la mesurer en termes de proportions. Nous savons qu’ils ne trouveront pas sur le marché noir du cannabis les bénéfices obtenus par les médicaments.».

Nicolas Authier souligne l’écart entre cannabis récréatif et médical : « Les différences sont fondamentales dans les objectifs, dans les conditions d’accès. Ce sont des médicaments prescrits par les médecins, fournis par les pharmaciens. Des professionnels de santé encadrent le traitement, avec des posologies maîtrisées, avec des indications très précises et le respect de certaines contre-indications. Par exemple, la schizophrénie est une contre-indication, tout comme la grossesse, maladie cardiovasculaire non stabilisée. Ce sont aussi des produits standardisés en termes de qualité pharmaceutique et cela n’a rien à voir avec un produit acheté dans la rue. C’est un produit qui a démontré ses bienfaits thérapeutiques, avec une qualité contrôlée. C’est un médicament autorisé qui ne met pas le patient dans une situation dangereuse au regard de la loi. Cela n’a rien à voir : c’est comme comparer la drogue morphine et les fumeries d’opium.».

Le médecin ne perd pas espoir : «Un jour, cela sera inscrit dans le droit commun. Il y a déjà 22 pays qui le font en Europe et plus de 60 dans le monde. Nous ne serons pas les premiers mais ce serait bien si nous n’étions pas les derniers, en ce qui concerne les patients qui pourraient en bénéficier. Le combat continue. La réflexion a commencé en septembre 2018. Nous n’allons pas abandonner maintenant. Nous allons essayer de convaincre et de rassurer encore, pour que les 150 à 200 000 patients qui pourraient en bénéficier puissent y avoir accès assez facilement, comme à tout médicament.».

A l’issue d’une visite à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a déclaré : «Je pense qu’il faut étudier cette voie du cannabis thérapeutique car elle couvre une gamme de douleurs tenaces qui souvent ne sont pas soulagées par d’autres médicaments », comme en « cancérologie, raideurs, douleurs faciales.« . En revanche, il s’est positionné “toujours contre le cannabis récréatif».

 
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