Professeur et chercheur à l’Ecole Supérieure d’Art et de Design de Genève, Nicolas Nova est décédé à l’âge de 47 ans, des suites d’un malaise lors d’un trek. Nous lui avons consacré un portrait il y a deux ans, que nous rééditons ce lundi.
Par Xavier de Jarcy
Publié le 6 janvier 2025 à 17h35
Article initialement publié dans télérama 22 février 2023
L’anthropologue franco-suisse Nicolas Nova, 45 ans, enseigne l’art de l’investigation à la Head (Haute École d’art et de design), à Genève. Cette ville l’inspire parce que « elle a une culture scientifique liée aux Lumières »explique-t-il dans son bureau, entre un casque de chantier et un robot jouet. Dans leur vie professionnelle, ses étudiants utiliseront ses connaissances pour mieux comprendre qui ils cibleront. « objets, produits, scénographies, signalétique numériques » qu’ils imagineront.
Sa façon de regarder le monde avec « douce ironie » remonte à l’enfance. Il a grandi à Charlieu, au nord-ouest de Lyon. Sa mère, libraire, et son père, médecin, lui confèrent une solide culture générale. La nature l’attire autant que les nouveaux outils des années 1980 et 1990 : Minitel, jeux vidéo… D’où des études en cours de route. “bicorne”qui l’a fait passer de la biologie à l’informatique, et s’est conclu par une thèse nuancée sur l’usage des smartphones. Il en a tiré un fil conducteur : une réflexion sur l’artificialisation de notre planète.
En s’immergeant dans la société numérique, Nicolas Nova a eu le sentiment de « crise de sensibilités »et même un “défaillance de l’imagination” : selon lui, les dirigeants des entreprises technologiques ont trop souvent « une conception stéréotypée du futur », basé sur les voitures volantes et les villes hyperconnectées, tandis que « Les auteurs de science-fiction, les designers, les artistes, les architectes proposent de nombreuses visions alternatives ». Cependant, pour ce professeur qui aime mélanger le sérieux et le ludique, savoir observer « est la condition préalable à la construction de la sensibilité ». Il passe son temps à noter les conversations entendues, les nouveaux mots et à prendre des photos. Par exemple, il a « quinze ans d’images sur les panneaux « Vous êtes ici » trouvé sur les plans de la ville. Et toute une documentation sur un quartier de Genève avec des noms de rues évoquant des textes de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778). Il a sorti un petit livre, Exercices d’observation, qui invite tout le monde à « étudier les choses et les êtres » en collectant, classant, cartographiant… « Il faut remettre en question les petites cuillères, comme disait Georges Perec. » L’écriture est un de ses plaisirs. Il prépare déjà son prochain ouvrage, qui racontera la métamorphose des Alpes. Tel un Rousseau moderne, l’idée lui est venue au cours d’une promenade.
r Exercices d’observationéd. Premier Parallèle, 168 p. 9,50 €.