Près de dix ans au sommet. Ce lundi 6 janvier, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a finalement annoncé sa démission, tout en indiquant qu’il resterait au pouvoir jusqu’à ce que son parti nomme un successeur. Le dirigeant de 53 ans est sous pression depuis des semaines à l’approche d’élections législatives et son parti est au plus bas dans les sondages.
Justin Trudeau souffre aujourd’hui d’une faible cote de popularité, étant considéré comme le principal responsable de la forte inflation qui frappe le pays, ainsi que de la crise du logement et des services publics. Son départ annoncé marque la fin d’une époque marquée par de nombreuses réformes et des promesses non tenues.
« Trudeaumanie »
L’ascension politique de ce « fils de » – son père, le charismatique Pierre Elliott Trudeau, a dirigé le Canada entre 1968 et 1984 – était écrite d’avance. Né en 1971 à Ottawa, engagé politiquement depuis l’adolescence, il devient député fédéral en 2008, à Montréal, dans le même parti politique que son père, le Parti libéral du Canada. L’année suivante, il est nommé porte-parole de la jeunesse et du multiculturalisme au sein de ce parti. Son manque d’expérience est critiqué, tout comme son goût pour le devant de la scène – il affronte un sénateur conservateur lors d’un match de boxe télévisé. Mais Justin Trudeau a réussi à être élu chef du Parti libéral avec 80 % des voix en 2013.
Deux ans plus tard, bien que loin dans les sondages au début de la course aux élections fédérales, il défie tous les pronostics et devient le 23e Premier ministre du Canada, au terme d’une campagne axée sur un optimisme forcené. C’est le début d’une nouvelle « Trudeaumanie » au Canada, celle que son père avait connue en son temps. En 2016, un sondage le plaçait comme le premier ministre préféré des Canadiens parmi les sept derniers à avoir gouverné le pays.
Au cours de ses trois mandats successifs, le Canada multipliera les mesures symboliques. Signataire de l’accord de Paris sur le climat en 2015, il a déclaré que « Le Canada est de retour « . Puis il a fait de l’immigration son fer de lance pour enrayer le vieillissement du pays. Après le déclenchement de la guerre en Syrie, il s’engage et favorise l’accueil de 25 000 réfugiés syriens en quelques mois. Et cela ne s’arrête pas là, ouvrant encore plus grand les portes du pays. En 2022, il dit vouloir accueillir 500 000 résidents permanents d’ici 2025, avant d’y retourner.
Légalisation du cannabis
Ses années à la tête du pays ont également été marquées par la légalisation du cannabis en 2018. Controversée au départ, cette mesure est désormais largement acceptée par la population. Avec un impact certain sur le marché noir, fortement réduit : au premier semestre 2023, plus de 70 % du cannabis consommé provenait d’une source légale, contre 22 % au quatrième trimestre 2018.
À partir de 2019, au début de son deuxième mandat, le déclin de Justin Trudeau s’amorce. Il est critiqué pour ses promesses non tenues. Ainsi, bien qu’il se soit engagé à de nombreuses reprises en faveur de l’environnement, le Premier ministre n’a jamais renoncé à l’industrie pétrolière, continuant même à la subventionner.
Si Justin Trudeau a lui aussi multiplié les signes d’ouverture envers les premiers peuples du pays, souhaitant « réinventer la relation du Canada » chez les indigènes, les actions ne suivent pas. Le chef du gouvernement a déclaré vouloir appliquer les recommandations de la Commission vérité et réconciliation, établie avant son arrivée au pouvoir, pour faire la lumière sur les mauvais traitements subis depuis des décennies dans les pensionnats. Mais seulement 15 % d’entre elles ont été suivies à ce jour, selon l’association Indigenous Watchdog.
Coup de poker raté
Les conservateurs de Pierre Poilievre commencent à prendre la tête des sondages. Aujourd’hui, ce dernier compte 20 points d’avance sur Justin Trudeau. Profitant de la crise du logement dont souffre le pays et de la hausse du coût de la vie, le chef des conservateurs continue d’insister sur le fait que le Canada est “cassé” à cause de Justin Trudeau.
En septembre dernier, l’allié de gauche du premier ministre, le Nouveau Parti démocratique, a décidé de mettre fin au pacte de non-agression avec les libéraux, qu’il traînait comme un boulet. Le Premier ministre tente alors un pari en misant sur une réforme « populaire » : le 21 novembre, il suspend temporairement une taxe sur les produits et les ventes, pour soulager les classes moyennes avant les achats de Noël. Échec : son vice-premier ministre claque la porte, dénonçant « astuces politiques coûteuses » dans sa lettre de démission. Coup final pour Justin Trudeau, alors que Donald Trump menace d’augmenter de 25 % les taxes sur les produits canadiens… Après une décennie libérale, le pays devrait, selon toute vraisemblance, rapidement basculer dans le camp conservateur.