De Pokrovsk
P.Pour se rendre sur le front de Pokrovsk, dans l’est de l’Ukraine, il faut attendre l’heure grise, l’équivalent ukrainien de l’heure bleue dans une région au ciel plombé. C’est à l’aube que les drones diurnes remplacent les nocturnes et inversement au crépuscule. Tandis que les guirlandes de la nuit enveloppent encore la route, le conducteur active le brouilleur de fréquence, à bord contre les drones kamikaze russes porteurs d’une charge explosive. Le pick-up fonce à travers la ville de Pokrovsk, parsemée de ruines (lire l’épisode 36, « Requiem pour Pokrovsk »), puis accélère à nouveau sur la route menant à la position qui abrite les pilotes de drones de reconnaissance du 68.e Brigade Jaeger « Oleksa Dovbush ». Le soldat assis sur le siège passager scrute l’horizon, les mains agrippées à sa mitrailleuse. Soudain, le véhicule freine brusquement devant un immeuble. Il faut se dépêcher d’entrer pour ne pas révéler une présence humaine.
Retranché au sous-sol, Vladislav, 28 ans, observe le champ de bataille sur l’écran de la console du drone qu’il tient au creux de ses mains. La ligne de contact est un hameau voisin partagé entre les forces russes et ukrainiennes. Il survole la maison, en partie détruite, qui les abritait il y a trois semaines. “En 2024, les Russes ont progressé rapidement”note Lubomir, 41 ans, le plus âgé des quatre pilotes de drones. Depuis août, Moscou a parcouru plus de 2 000 km