A l’approche du 7 mai 2025, trentième anniversaire de la première élection à la présidence de la République de Jacques Chirac, nul doute que de nombreuses personnalités se revendiqueront chiraquistes ou se présenteront comme héritiers.
« Pour moi, Jacques Chirac est la dernière grande figure gaulliste et pompidolienne »estime Jean-Baptiste Voisin, petit-fils d’André-Georges Voisin, ancien président du conseil général d’Indre-et-Loire, et président fondateur des Chiraquiens, une association qui cherche à entretenir la mémoire de Jacques Chirac. “Je ne pense pas qu’il y en aura d’autre” dit-il, citant la volonté du Corrézien de toujours « réconcilier tous les Français ».
Incarner un droit social de solidarité
If there are still guardians of the temple, such as Alain Juppé, Jean-Louis Debré, Jean-Pierre Raffarin, François Baroin, Philippe Briand or Renaud Muselier, for Jean-Baptiste Voisin, being Chiracian today is « incarner un droit social et solidaire pour défendre les plus démunis et porter une voix unique sur la scène internationale ».
73,21
C’est, en pourcentage, la part des Français qui ont approuvé le passage de sept à cinq ans à la présidence de la République, à partir du 24 septembre 2000.
Sur ce deuxième point, il est cependant difficile de trouver un lien. “Après lui, le monde a changé”» déclare Frédéric Charillon, professeur de sciences politiques à l’université Paris Cité, co-directeur du centre de défense et de leadership géopolitiques à l’Essec et auteur de Guerres d’influence (Odile Jacob editions).
« Jacques Chirac a été président à une époque qui constituait l’apogée de la domination américaine. Nous avons aujourd’hui affaire à la Chine, à la Russie, à l’Inde, au Golfe, à une Afrique nouvelle, à une Amérique repliée sur elle-même, à une région indo-pacifique ou à un Moyen-Orient en pleine tourmente. il explique.
Une époque où les espoirs de paix étaient permis. «Il ne reste rien du dialogue avec la Russie ni du processus de paix au Moyen-Orient. La France a été retirée de l’Afrique », analyzes Frédéric Charillon.
Il est également difficile de parler d’héritage car “Il y a eu plusieurs Jacques Chirac” sur la scène internationale. La première, de 1995 jusqu’à la dissolution de 1997, « s’oppose à la Serbie dans les Balkans et redonne de l’autorité aux troupes occidentales », mais annonce la reprise des essais nucléaires.
Celle de la cohabitation avec Lionel Jospin “fonctionne bien” avec le ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine. « Un nouveau Chirac semble naître sur le plan diplomatique. Ouvert sur le monde non occidental et sur des sujets transversaux »notes Frédéric Charillon.
La nécessité de comprendre les sociétés lointaines
Il y a enfin le Jacques Chirac du second mandat aux discours forts – notamment écologiste en Afrique du Sud avec la phrase “notre maison brûlures » – et son opposition à la guerre américaine en Irak. Mais l’échec du référendum sur l’Union européenne en 2005, après son accident de santé, « se traduira par une fin de règne largement teintée d’immobilité »dit Frédéric Charillon.
Pourtant, s’il n’a pas tout réussi, Jacques Chirac « a compris mieux que d’autres l’exigence de reconnaissance culturelle d’un monde désormais pluriel, l’importance de lutter contre le choc de l’ignorance, la nécessité de comprendre les sociétés lointaines pour réussir sa propre diplomatie », même s’il l’a fait en pariant « trop sur les relations affectives et interpersonnelles entre chefs d’Etat ».
Comme vous, je veux un État vigoureux, impartial, exigeant envers lui-même et soucieux du bon usage des deniers publics, un État qui n’isole pas ceux qui gouvernent du peuple qui les a choisis.
Jacques Chirac, le soir de sa victoire le 7 mai 1995
Dogmatiquement, c’est “Difficile d’avoir une définition du chiraquisme car Jacques Chirac a beaucoup évolué au cours de sa vie politique”, relève le politologue et chercheur associé au Cersa Olivier Rouquan (et auteur d’un article sur la crise de régime du Ve République dans le Examen politique et parlementaire). Son bilan institutionnel est « difficilement défendable » : il décide d’une dissolution deux ans après son arrivée à l’Élysée, ce qui l’oblige à cohabiter cinq ans avec Lionel Jospin, et après sa réélection en 2002, le référendum de 2005 sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe est rejeté .
“Et c’est là que les problèmes commencent pour lui.”selon Olivier Rouquan. Jacques Chirac, « c’est un droit qui peut parfois être atypique dans le sens où il peut aller à contre-courant des tendances dominantes (grand public). L’appel d’Égletons en faveur d’un travaillisme à la française en est un exemple. »
Une droite tempérée, des valeurs humanistes
L’homme politique voit en lui une sorte de “radicalisme”. « Il y a eu des moments où il frôlait le populisme ou le néo-populisme. » surtout lors des déclarations “épidermique”, comme sa phrase sur “le bruit et l’odeur” prononcé à Orléans lors d’un dîner débat en 1991. « Mais au fond, Jacques Chirac est une droite tempérée, ancrée sur des valeurs humanistes et républicaines. Il y a de la cohérence et de l’intransigeance : il n’a pas hésité à s’opposer à un rapprochement avec le Front national. »
Son héritage se reflète dans un « incarnation » du pouvoir, une lignée directe avec Georges Pompidou : l’émanation d’un « La France rurale et traditionnelle » avec “bonhomie”. La caricature de Jacques Chirac buvant des bières avec Guignols, “qui doit beaucoup à la stratégie de communication de sa fille”était encore « relativement sincère »estime Olivier Rouquan.
Enfin, s’il est difficile de voir des héritiers directs de Jacques Chirac, c’est parce que “L’équilibre politique a beaucoup changé avec le départ de Nicolas Sarkozy” à l’Élysée. « Dans le discours officiel de la droite et des Républicains, la dimension tempérée, humaniste et même sociale passe au second plan, note Olivier Rouquan. La sécurité, l’immigration et le néolibéralisme deviennent les nouveaux marqueurs. »
Aux fractures sociales de 1995
La « fracture sociale », thème de la campagne présidentielle de Jacques Chirac en 1995, est un coup de maître sur le plan politique, comme en termes de communication. Dans la veine du gaullisme social défendu par le candidat, Jacques Chirac a rappelé qu’il n’entendait pas sacrifier l’État providence sur l’autel du néolibéralisme. En campagne, cela permet de répondre à « une réalité de crise de l’époque »explique le politologue Olivier Rouquan. De quoi le dissocier de son rival pour l’Élysée Édouard Balladur. Occuper ce terrain social lui permet aussi de profiter du champ laissé vide par les socialistes occupés. “Gérer les années post-Mitterrand”.