En Géorgie, la tension est à son comble à la veille de l’investiture du nouveau président, accusé d’être pro-russe. Des milliers de manifestants pro-européens ont formé une chaîne humaine à Tbilissi pour protester. Le pays est plongé dans une crise politique majeure depuis les dernières élections législatives contestées. Quel avenir pour la Géorgie, tiraillée entre…
A la veille de l’investiture présidentielle, les rues de Tbilissi, capitale de la Géorgie, sont le théâtre d’une mobilisation sans précédent. Des milliers de manifestants pro-européens ont formé une immense chaîne humaine le long du fleuve qui traverse le centre-ville, brandissant des drapeaux géorgiens et européens. Leur message est clair : non à un président qu’ils considèrent inféodé à Moscou, oui à un avenir résolument tourné vers l’Europe.
Cette inauguration, prévue demain, cristallise les tensions qui agitent le pays depuis les élections législatives d’octobre dernier. Le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, est sorti vainqueur. Mais l’opposition pro-occidentale dénonce des fraudes massives et refuse d’en reconnaître les résultats. Depuis, les manifestations se poursuivent, malgré une répression parfois brutale inspirée, selon certains observateurs, par les méthodes russes.
Un président ultraconservateur et anti-occidental
Le nouveau président élu, Mikheïl Kavelachvili, inquiète particulièrement les pro-européens. Cet homme politique peu connu du grand public est réputé pour ses positions ultraconservatrices et sa rhétorique hostile à l’Occident. Beaucoup craignent qu’il ne soit qu’une marionnette entre les mains du Rêve géorgien et, en fin de compte, du Kremlin.
L’investiture de Kavelashvili n’aura aucun sens. Il ne sera jamais le président légitime de la Géorgie, tout comme le Rêve géorgien n’est pas un gouvernement légitime.
Natia, 27 ans, diplômée en sciences politiques et manifestante
Poutine, l’homme de l’ombre
Pour beaucoup, cette crise politique est secrètement contrôlée par Vladimir Poutine. Le maître du Kremlin verrait d’un très mauvais oeil un rapprochement entre cette ancienne république soviétique et les démocraties occidentales. Selon des sources proches du dossier, Moscou n’aurait pas lésiné sur les moyens, notamment financiers, pour torpiller le processus.
Cette stratégie semble porter ses fruits : le gouvernement géorgien a récemment décidé de reporter ses efforts d’adhésion à l’UE à 2028. Une décision qui a mis le feu aux poudres et plongé le pays dans la crise actuelle.
Un président sortant démis de ses fonctions
Face à cette dérive, la présidente sortante Salomé Zourabichvili, ancienne diplomate française, a choisi son camp. En rupture totale avec le gouvernement, elle se revendique seule représentante légitime du pouvoir et soutient ouvertement les manifestants pro-européens. Elle a même été aperçue en chaîne humaine hier à Tbilissi.
Mais ses pouvoirs constitutionnels limités ne lui permettent guère d’influencer le cours des événements. Signe de son impuissance, elle a annoncé qu’elle refusait de renoncer à son mandat jusqu’à ce que de nouvelles élections législatives soient organisées.
Une Europe en retrait
De son côté, l’Union européenne semble paralysée face à ce nouveau défi qui se présente à ses portes. Hormis quelques déclarations concertées appelant au calme et au dialogue, les Européens se distinguent surtout par leur discrétion. Certains craignent qu’une attitude trop frontale soit contreproductive et renforce le discours du gouvernement sur l’ingérence occidentale.
L’Europe doit sortir de son attentisme et apporter un soutien clair aux forces démocratiques géorgiennes. La Géorgie a choisi l’Europe, il est temps que l’Europe choisisse également la Géorgie.
Teimouraz Tsiklauri, 23 ans, étudiant en relations internationales
Cette crise politique majeure semble appelée à durer. Au-delà de l’investiture de demain, les manifestations pro-européennes ne montrent aucun signe de ralentissement. Leurs dirigeants promettent de poursuivre le mouvement jusqu’à ce que leurs revendications soient satisfaites, en premier lieu l’annulation des dernières élections législatives et l’organisation d’un nouveau scrutin.
Dans cette impasse, c’est l’avenir géopolitique de la Géorgie qui est en jeu. Ce petit pays du Caucase, coincé entre la Russie et la Turquie, parviendra-t-il à sortir de l’orbite moscovite pour rejoindre la famille européenne ? Ou va-t-elle, comme d’autres anciennes républiques soviétiques avant elle, finir par s’aligner et se soumettre à la bonne volonté du Kremlin ? Les semaines à venir apporteront sans aucun doute un début de réponse à cette question cruciale, dont les implications dépassent largement les frontières géorgiennes.