Un rapport condamne le président déchu de la Corée du Sud et son entourage, qui ont ordonné aux militaires de tirer sur tous ceux qui voulaient entrer au Parlement lors de leur tentative d’instaurer la loi martiale.
Le parquet sud-coréen a accusé samedi 28 décembre 2024 le président déchu Yoon Suk Yeol d’avoir autorisé l’armée à ouvrir le feu pour pénétrer dans le Parlement lors de sa tentative ratée d’imposer la loi martiale, à l’origine d’une grave crise politique. Près d’un mois après ce coup d’Etat, la quatrième économie d’Asie se retrouve dans un chaos politique encore aggravé avec le limogeage vendredi par les adjoints du chef de l’Etat par intérim en place depuis moins de deux semaines.
Alors que de nouvelles manifestations pro et anti-Yoon ont eu lieu samedi, le parquet a rendu public le rapport d’accusation de l’ancien ministre de la Défense Kim Yong-hyun, considéré comme celui qui a poussé le président à imposer la loi martiale. Elle a été proclamée le 3 décembre à la surprise générale, alors que le président envoyait l’armée au Parlement. « Vous n’êtes pas encore entré ? Que fais-tu? Cassez la porte et faites-les sortir, même si cela implique de tirer », a-t-il déclaré lors d’un appel téléphonique le 3 décembre avec le commandant militaire de Séoul, Lee Jin-woo, qui se trouvait près du Parlement, selon l’accusation.
“Détruisez les portes avec une hache si nécessaire”
Après la déclaration de la loi martiale, des soldats lourdement armés ont pris d’assaut le Parlement, escaladant les barrières, brisant les fenêtres et certains atterrissant en hélicoptère. Selon le rapport de 10 pages, le président a également ordonné au chef du contre-espionnage militaire, le général Kwak Jong-keun, d’« entrer rapidement à l’intérieur » du Parlement. “Faites sortir les gens à l’intérieur de l’assemblée, détruisez les portes avec une hache si nécessaire”, a-t-il déclaré, selon le parquet, qui ajoute que le président aurait discuté de la loi martiale dès mars avec de hauts responsables militaires.
Alors que les législateurs se précipitaient pour rejeter la loi martiale à l’aube du 4 décembre, le président Yoon a déclaré à Lee Jin-woo qu’il la déclarerait « une deuxième et une troisième fois ». L’avocat du président, Yoon Kab-keun, a déclaré à l’AFP que ces informations du parquet étaient biaisées et ne correspondaient « ni aux faits objectifs ni au bon sens ».
Lors d’un discours prononcé en décembre, le président déchu Yoon Suk Yeol a déclaré qu’il n’envisagerait pas une seconde tentative de proclamation de la loi martiale et s’est excusé pour « l’angoisse et les désagréments ». Démis de ses fonctions, il fait l’objet d’une enquête pour « rébellion », un délit passible de la peine de mort et reste officiellement président dans l’attente d’un arrêt de la Cour constitutionnelle, qui a six mois pour confirmer ou infirmer la décision des députés.
Dans l’opposition, le député du Parti démocrate Kang Sun-woo a déclaré que le rapport de l’accusation avait “découvert la terrible et indéniable vérité sur Yoon Suk Yeol, le meneur de la trahison”, appelant à son arrestation “immédiate”. Le Bureau d’enquête sur la corruption, qui centralise les enquêtes, a déjà convoqué à deux reprises le président déchu pour l’interroger. Mais Yoon Suk Yeol ne s’est présenté à aucune de ces convocations.
Les enquêteurs lui ont adressé jeudi une troisième convocation pour une audience dimanche matin.
Troisième leader en moins d’un mois
Sur le plan politique, la Corée connaît son troisième dirigeant en moins d’un mois : le président par intérim en place depuis mi-décembre, le Premier ministre Han Duck-soo, a à son tour destitué vendredi, les députés l’accusant d’avoir tenté de faire obstruction. l’enquête sur le coup d’État de son prédécesseur. Le nouveau chef de l’Etat par intérim, le ministre des Finances Choi Sang-mok, a promis de « mettre fin à la crise gouvernementale ». Mais la situation est sans précédent pour le pays, plongé dans l’incertitude qui a fait plonger vendredi sa monnaie à son plus bas niveau depuis 16 ans.
Des dizaines de milliers de personnes des deux camps se sont rassemblées samedi à Séoul, des manifestants anti-Yoon brandissant des pancartes appelant à l’arrestation du président déchu. Du côté de ses partisans, Danny Ko, 31 ans, défend la loi martiale face à une opposition qu’il qualifie d’« insurrectionnelle » : « Maintenant, le Parti démocrate va limoger (le ministre des Finances et nouveau président par intérim) Choi Sang-mok, comme Han, et le pays sombrera dans la folie”, a-t-il déclaré à l’AFP.