ÔOn se souvient tous de l’épisode de la biscotte : un moment culte de la pièce La cage folleoù Zaza, travesti de retour, tente de viriliser ses manières sous l’œil blasé de son compagnon, Georges, propriétaire de cabaret. Le tandem Michel Serrault/Jean Poiret entre ensuite dans la légende du théâtre français en jouant cinq saisons consécutives au Palais Royal, de 1973 à 1978, avec même une reprise aux Variétés de 1978 à 1980. Les deux amis s’entendent comme des voleurs de foire et en rajoutent tellement que le spectacle dure parfois quarante minutes de plus.
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Les critiques tournent à plein régime, mais peu importe, le succès est énorme : la pièce fait salle comble, il faut réserver des mois à l’avance, les gens viennent de toute la France pour pleurer de rire devant cette comédie qui met en scène la folle vie. de deux homosexuels vieillissants qui doivent faire preuve de courage pour épouser le fils du patron. La communauté gay des années 1970 est divisée : faut-il condamner cette caricature ou saluer cette parodie qui brise un tabou ? A sa manière, La cage follemalgré ses clichés, a sans doute joué un rôle à une époque où la culture gay était quasiment invisible en France.
Que faire de ce succès ? Jean Poiret, l’auteur du texte, s’attend à voir les producteurs se bousculer pour une adaptation cinématographique. Mais rien, personne ne bouge, la profession boude le triomphe… ou a peur de s’aventurer sur un champ de mines. Le producteur Christian Fechner contacte Jean Poiret, mais finit par abandonner pour se concentrer sur Aile ou cuisseavec de Funès et Coluche.
Caprices et rivalités
Finalement, la solution vient d’Italie : le producteur Marcello Danon se manifeste, prêt à financer le film, mais impose l’acteur Ugo Tognazzi au casting, afin de conquérir le grand public de son pays. Mais filmer est loin d’être un plaisir. Comme le rappelle le journaliste Philippe Durant dans son livre Les Petits Secrets des grands films français (éd. du Rocher), les difficultés ne font que s’accumuler : « Michel Serrault est dévasté par la mort récente de sa fille, Michel Galabru tente d’échapper à sa femme qui vient le traquer sur le tournage, et Ugo Tognazzi déteste son rôle. Pour couronner le tout, les tirs ont lieu en pleine Coupe du monde de football, ce qui crée des tensions entre les techniciens français et leurs homologues italiens. Pour mettre tout le monde d’accord, l’Argentine gagnera… »
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Sur place, Ugo Tognazzi est insupportable : il rêvait du rôle de Zaza, mais Jean Poiret a refusé, imposant Serrault. Résultat, l’acteur s’énerve et multiplie les caprices, refusant de faire office de simple « imbécile ». Le premier nécessite de filmer en italien, demande acceptée, mais la fluidité du jeu avec Serrault s’en ressent, le second continuant de donner les réponses en français. Un vrai problème pour le réalisateur, Édouard Molinaro, qui s’arrache les cheveux au montage. Pour ne rien arranger, Tognazzi ne respecte pas son texte et improvise à sa guise. Et a même envisagé de quitter le tournage, avant de changer d’avis en découvrant combien lui coûterait son retrait.
Malgré les embûches, le film connaît le même sort que la pièce : raz-de-marée en salles, plus de 5 millions d’entrées en France, plus de 6 millions en Italie et même 8 millions de billets vendus aux Etats-Unis. Uni. Il y aura encore deux suites – qu’il vaut mieux oublier – mais surtout une adaptation en comédie musicale à Broadway, en 1983, plusieurs fois primée, qui sera également reprise à Londres. C’est cette version qui sera présentée au Théâtre du Châtelet en décembre 2025, avec Laurent Lafitte dans le rôle de Zaza. Un « rêve d’enfance » qui devient réalité pour le comédien.