L’organisme mandaté pour réaliser le bilan carbone du pays révèle ce vendredi que la réduction des émissions de GES se poursuit, avec -2,4% sur les trois premiers trimestres 2024. En revanche, c’est moins important qu’en 2023 (-6% sur la même période) et est en dessous des objectifs climatiques français. Au troisième trimestre, les émissions ont même augmenté « légèrement » de +0,5%.
À l’heure où la planète connaît l’année la plus chaude jamais observée et où les populations du monde entier sont submergées par des événements climatiques de plus en plus dévastateurs, la baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) marque le pas en France, selon les estimations du Citepa. L’organisme mandaté par l’État pour réaliser l’inventaire annuel des émissions de GES du pays publie ce vendredi 27 décembre un bilan intermédiaire pour les neuf premiers mois de 2024. Sur cette période, la baisse des émissions de GES est de -2, 4 % (hors puits de carbone) par rapport aux trois premiers trimestres de l’année précédente.
A titre de comparaison, sur les neuf premiers mois de 2023 par rapport à ceux de 2022, la baisse a été de -6%. Donc, « ces premiers chiffres relatifs à 2024 indiquent une poursuite de la baisse des émissions de GES mais un niveau de réduction inférieur à celui de 2023 »note le Citepa. Dans le détail, les experts de l’association indépendante observent une baisse de -5% des émissions au premier trimestre et -2,2% au deuxième, puis “une légère augmentation” +0,5% au troisième trimestre.
« Heureusement, ce ralentissement nous laisse toujours sur la bonne trajectoire »a réagi vendredi matin la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, au micro de RTL. “Compte tenu des efforts que nous avons déployés au cours des deux dernières années, nous ne sommes pas en reste [sur l’objectif de réduire de 55% les émissions de la France d’ici à 2030, ndlr]. Mais attention, cela nous rappelle qu’il ne faut pas baisser la garde.
Plus qu’un avertissement, « ces résultats doivent constituer un véritable choc pour ce nouveau gouvernement afin qu’il redonne des moyens à la fois réglementaires et financiers à la transition écologique », écrit sur le réseau social Bluesky Anne Bringault, directrice des programmes de la fédération d’ONG Réseau Action Climat. Les politiques stop & go sur la transition écologique (comme le report des obligations de rénovation des passoires énergétiques) et la réduction des aides publiques (pour les véhicules électriques, la rénovation ou le fonds vert) ont malheureusement des effets très concrets sur les émissions. des GES de la France ».
Si le premier semestre 2024 voit une réduction des émissions de GES en « tous les grands secteurs »la production d’électricité en tête, suivie par le bâtiment, l’industrie et les transports, le troisième trimestre est donc marqué par une rupture. D’une part, la tendance baissière dans le secteur de l’énergie se poursuit, avec -12,9% par rapport au même trimestre de 2023, portée notamment selon les auteurs par « la moindre utilisation de combustibles fossiles dans la production d’électricité ».
Le secteur du bâtiment et des transports à la traîne
En revanche, le transport routier a vu ses émissions augmenter de 1,1%, notamment en juillet. Ce vendredi matin, Agnès Pannier-Runacher a une nouvelle fois évoqué l’hypothèse d’un durcissement des conditions de renouvellement des flottes automobiles des entreprises : « Les entreprises achètent deux fois moins de voitures électriques que les ménages et ne jouent donc pas le jeu. Il va falloir les pousser à jouer le jeu”.
Le CO2 du secteur du bâtiment a explosé lors de ce troisième trimestre (+11,8%). L’explication est à chercher du côté de « augmentation des émissions liées au chauffage des bâtiments résidentiels et tertiaires » en septembre, expliquent les auteurs du rapport du Citepa. « Cette année, nous constatons une augmentation de l’installation de chaudières à gaz, ce qui n’est pas une bonne nouvelle, et une augmentation de l’utilisation du fioul »a ajouté le ministre.
En revanche, les experts de l’association notent qu’après un effet rebond post-Covid en 2022, les émissions du transport aérien intérieur « connaissent une baisse de plus en plus forte » (-3,5% pour 2023 et -4,2% pour 2024), sans atteindre le niveau de 2019. Cela s’explique notamment par la suppression par décret en mai 2023 des vols courts (moins de deux heures et demie) si une alternative ferroviaire directe existe.
Comme le rappelle le Citepa, la trajectoire de réduction pour atteindre les objectifs climatiques fixés par le gouvernement “implique une réduction nécessaire de 4,7% par an” en moyenne entre 2022 et 2030. La baisse estimée de -2,4% communiquée ce vendredi est donc inférieure aux attentes et met en évidence le fait que le bon résultat de l’année 2023 (-5,8% par rapport à 2022) s’explique par des éléments à la fois cycliques (redémarrage des centrales nucléaires, inflation) et structurels (décret sur les vols de courte durée, évolution du parc routier, pompes à eau). chaleur) tel que calculé par les membres du Haut Conseil pour le Climat (HCC) dans leur sixième rapport annuel publié en juin. Les résultats consolidés pour l’ensemble de l’année 2024 ne sont pas encore connus et seront publiés par le Citepa au deuxième trimestre 2025.
Écart avec la trajectoire de neutralité carbone
Outre l’absence de données pour le quatrième trimestre 2024, les émissions de certains sous-secteurs ne sont pas estimées sur les trois premiers semestres, comme une partie de celles de l’agriculture, des déchets, des gaz fluorés ainsi que du très important puits de carbone. En effet, les émissions estimées ici sont les émissions brutes de CO2e (équivalent CO2, mesure utilisée pour comparer les émissions de différents gaz à effet de serre) causées par les activités humaines et ne prennent pas en compte la quantité de carbone absorbée naturellement par les forêts et les sols. Or, ce puits de carbone “réduit” ces dernières années, sous « l’effet combiné de sécheresses répétées, de maladies affectant le taux de mortalité des arbres et d’une augmentation des récoltes de bois »a souligné le Citepa dans un précédent rapport.
Le pays «il faut garder le cap» de son action publique si elle veut limiter au plus vite “aggravation” conséquences continues et autres « risques en cascade » du changement climatique, écrivaient il y a quelques mois les membres du HCC. Si à l’époque ils saluaient les progrès “significatif” ayant permis d’enregistrer l’an dernier une réduction de 5,8% des émissions brutes, les chercheurs soulignaient déjà que « alignement des politiques existantes » a été jugé “insuffisant” respecter la trajectoire de neutralité carbone d’ici 2050.
Mis à jour vendredi matin 27 décembre avec les commentaires de la ministre Agnès Pannier Runnacher et de la directrice du programme RAC Anne Bringault