Une voiture d’une marque chinoise roule sur le Paseo de la Reforma à Mexico, le 23 décembre 2024. (AFP / ALFREDO ESTRELLA)
BAIC, JMC, Changan, BYD : invisibles il y a quelques années au Mexique, les voitures chinoises gagnent des parts de marché dans le secteur haut de gamme, sur fond de déclin des berlines européennes.
L’exploit est de taille dans un pays lié par un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, vigilant sur les importations chinoises, et où les géants allemands Audi, Volkswagen et BMW possèdent des usines.
De janvier à novembre de l’année dernière, les ventes d’Audi ont chuté de 21,9 %, tandis que celles de BMW ont stagné, selon l’Association mexicaine des distributeurs d’automobiles (AMDA).
Mercedes-Benz a enregistré une baisse de 9,8%.
Au cours des 11 premiers mois de cette année, Motornation, qui vend les marques BAIC, JMC et Changan, a enregistré une augmentation de ses ventes de 8,8 pour cent, tandis que celles du chinois Jetour ont augmenté de 131 pour cent, selon l’AMDA.
Ces constructeurs chinois contrôlent déjà 9,3% du marché.
Les marques chinoises offrent les avantages des voitures haut de gamme à “un prix inférieur” à celui de la concurrence, explique à l’AFP Guillermo Rosales, président d’AMDA.
– « Arithmétique simple » –
Les consommateurs sont attirés par le confort, la technologie et les prix des véhicules chinois, expliquent des sources industrielles.
Pour Miguel Reyes, 71 ans, choisir une voiture chinoise était une « simple arithmétique ».
«J’avais besoin d’une voiture offrant la technologie nécessaire, comme des aides à la conduite plus sûres», dit-il devant le SUV qu’il vient d’acheter au Mexique.
En plus d’apprécier le design et le confort du véhicule, il souligne son prix « compétitif ». Le retraité a déboursé environ 550 000 pesos, soit un peu plus de 27 000 dollars, pour la version la plus équipée.
Un modèle similaire avec des marques traditionnelles lui aurait coûté entre 40 000 et 50 000 dollars, assure-t-il.
Le Mexique compte une trentaine de marques chinoises couvrant toutes les gammes, « des véhicules compacts aux véhicules de luxe et sportifs », souligne Gerardo Gomez, du cabinet de conseil JD Power.
Le chinois BYD propose par exemple un pick-up électrique à plus d’un million de pesos (50 000 dollars) mais aussi un véhicule compact à 17 000 dollars, tandis que l’asiatique Zeekr vend des modèles de luxe autour de 40 000 dollars.
– Tensions autour de Trump –
Concernant les voitures électriques chinoises, les marques chinoises ont bénéficié d’une exonération de droits de douane au Mexique qui a duré quatre ans jusqu’au 1er octobre 2024.
La présence croissante des voitures chinoises au Mexique, important exportateur de véhicules, intervient au moment où la Chine est une source de discorde entre les États-Unis, le Mexique et le Canada, partenaires d’un accord de libre-échange.
Durant la campagne, le président élu des États-Unis, Donald Trump, a affirmé que la Chine construisait des usines automobiles au Mexique pour vendre ses véhicules aux États-Unis. Les responsables canadiens accusent le Mexique d’être un tremplin pour les produits chinois dans la région, ce que réfutent les autorités mexicaines.
Mais selon la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum, les véhicules assemblés en Chine sont confrontés à des taxes douanières élevées aux États-Unis et au Canada, rendant leur entrée impossible. Et celles produites dans son pays ne contiennent que 7 % de composants chinois, assure-t-elle.
“Rien ne prouve nulle part que le Mexique soit ce tremplin” pour les produits chinois, soutient Diego Marroquin, spécialiste de politique commerciale au Wilson Center aux Etats-Unis. “C’est un récit politique qui vient des États-Unis et maintenant du Canada.”
Depuis son élection, Donald Trump a également menacé d’imposer des droits de douane de 25 % au Canada et au Mexique, les accusant d’adopter une attitude passive face à l’immigration clandestine et au trafic de drogue.
Mme Sheinbaum a annoncé fin novembre qu’elle proposerait aux États-Unis et au Canada un plan visant à remplacer les importations chinoises dans le cadre du traité de libre-échange CUSMA, soulignant que, dans le cas du Mexique, le déficit commercial avec le géant asiatique s’élevait à 80 milliards de dollars.
En plus de taxer l’importation de voitures chinoises, le Mexique vient également d’annoncer des taxes sur les produits textiles chinois (35 % sur l’importation de 138 produits de prêt-à-porter, et 15 % sur 17 types de biens textiles).