En mai 2023, la mairesse de Val-d’Or, Céline Brindamour, lançait un appel à l’aide auprès du gouvernement Legault. Dans cette petite ville d’environ 32 000 habitants, la coexistence avec la population itinérante était devenue critique. La solution : arrêter de travailler en silos.
Plus d’un an plus tard, des représentants de plusieurs organismes de cette communauté de l’Abitibi-Témiscamingue sont venus expliquer comment ils ont réussi à surmonter la crise qui a fait les manchettes des principaux médias de la province.
La clé : mettre tout le monde autour de la même table.
Cela semble simple, mais ce n’est pas toujours le cas.
Surtout parce que Val-d’Or possède une particularité que les autres villes québécoises n’ont pas : une forte représentation de personnes itinérantes issues des communautés autochtones voisines.
Depuis 2017, la région dispose d’un corps de police mixte, le Poste de police des communautés mixtes autochtones de Val-d’Or (PPCMA). L’équipe mixte d’intervention – policiers et intervenants communautaires (EMIPIC) fait également partie de celles qui ont pris à bras-le-corps le problème de l’itinérance. «Je dis à mes policiers : vous allez travailler différemment ici», raconte Julie Bouvier, chef de poste du PPCMA.
« Durant l’été qui a suivi le cri du maire, plusieurs petites choses ont été mises en place », explique Paul-Antoine Martel, agent de relations communautaires et de liaison de la ville de Val-d’Or.
Il y a eu l’installation de toilettes chimiques, des animations en centre-ville, bref tout ce qui pouvait aider à la cohabitation et accroître le sentiment de sécurité, de propreté et de santé. Cela a réduit la tension.
Paul-Antoine Martel, agent de liaison et de relations communautaires de la ville de Val-d’Or
Il faut également lutter contre les préjugés à l’encontre de la population itinérante. L’organisme communautaire La Piaule rachète La Sandwicherie, qui est transformée en organisme d’insertion sociale. Grâce au programme « Travail Quotidien Alternatif Rémunéré » (TAPAJ), une centaine de personnes ont pu travailler. « Les commentaires sur la page Facebook de la Ville sont tous positifs », observe Paul-Antoine Martel. Ce programme a contribué à changer la vision de la communauté à l’égard des sans-abri. »
Cependant, le programme est coûteux et n’est pas encore reconnu par le ministère.
“La situation s’est améliorée”
Comme plusieurs villes du Québec, Val-d’Or est aux prises avec le phénomène du campement. Et ce n’est pas par manque de places à La Piaule, mais par choix. Certaines personnes choisissent la marginalité.
Cela dit, les acteurs de Val-d’Or ne voient pas ce choix comme une fatalité. « Cela fait 25 ans que nous accompagnons un monsieur itinérant », explique Antoine St-Germain, spécialiste des activités cliniques auprès des itinérants au CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue. Tout le monde se disait : il ne pourrait jamais vivre en appartement. Il réside pourtant depuis un an au Château de Marie-Ève – un projet d’accueil équipé de services et géré par La Piaule. »
Nous savons que les miracles n’existent pas. Si le modèle de Val-d’Or donne de bons résultats, c’est parce que les gens ont accepté de faire les choses différemment.
Comme des médecins et des psychiatres qui acceptent de travailler « dans la rue » et de rencontrer des clients itinérants. « Un psychiatre m’avait déjà dit que ce ne serait jamais possible et pourtant on l’a fait, observe Antoine St-Germain.
Aujourd’hui, la clinique de rue nous permet d’offrir des services à des personnes qui normalement n’en demanderaient pas. Le secret : la patience.
Cela peut prendre deux ans de lien avant que quelqu’un dise : « Peut-être que j’ai besoin de quelque chose pour m’aider à mieux dormir. »
Antoine St-Germain, spécialiste des activités cliniques auprès des itinérants au CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue
L’approche de Val-d’Or est basée sur le travail d’équipe, une communication constante et des intervenants centrés sur les besoins du secteur qu’ils suivent de très près. « Nos tricots sont tissés de manière très serrée, souligne Paul-Antoine Martel. Nous avons fait un pas en avant et aujourd’hui nous pouvons dire que la situation s’est améliorée. »
L’approche de Val-d’Or a été adoptée par d’autres villes de la région et même Montréal s’est inspirée de cette façon de travailler à aire ouverte.
« Lorsque la crise a éclaté, nous pensions que Val-d’Or était un cas unique », observe Christine Francoeur, conseillère générale en itinérance au CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue. C’est arrivé deux semaines seulement avant le reste du Québec. »