Alors qu’Orano, le géant français de l’uranium, a perdu le contrôle de sa filiale au Niger, la junte invite la Russie à exploiter ses ressources.
Ce n’était qu’une question de -. La junte militaire a remporté le bras de fer engagé depuis son rachat en juillet 2023 avec le géant français de l’uranium.
Fin octobre, Orano a annoncé son intention de « suspendre » sa production face à la dégradation de la situation. Enfin, mercredi, le groupe a reconnu avoir perdu « le contrôle opérationnel de la Somaïr », la Société des mines de l’Aïr dont il est le principal actionnaire.
« Les décisions prises lors des conseils d’administration de l’entreprise ne sont plus appliquées (…) Les autorités nigériennes ont pris le contrôle », déplore Orano.
En juin dernier, les autorités locales avaient déjà porté un coup dur aux activités de la société en lui retirant son permis d’exploitation du méga gisement d’Imouraren, des réserves de 200 000 tonnes.
Le Niger représente 15% de la production d’Orano, qui n’a plus l’autorisation d’exporter ses stocks. Pour tenter de compenser les pertes, l’Etat a injecté 300 millions d’euros dans les caisses de l’entreprise.
La Russie invitée
Même si Orano « entend défendre ses droits auprès des autorités compétentes », on voit mal comment le géant pourrait inverser le cours des choses face à une junte qui tient le pays d’une main de fer.
Ce qui dérange un peu plus le groupe français, c’est que ses mines pourraient revenir à Moscou.
« Nous avons déjà rencontré des entreprises russes intéressées à venir explorer et exploiter nos ressources naturelles », a déclaré le ministre nigérien des Mines. Ousmane Abarchi précise que la Russie est la bienvenue car elle reconnaît les autorités en place, ce que Paris refuse de faire.
Il s’agit là de plus qu’un simple appel instinctif de Niamey. Rosatom, leader mondial du marché de l’uranium, lorgne depuis des mois, voire plus, sur les actifs d’Orano. L’entreprise nucléaire d’État russe bénéficie des bonnes relations du Kremlin avec la junte.
Moscou a de plus en plus les coudées franches. On le voit clairement dans d’autres anciennes colonies françaises. Au Mali et au Burkina Faso par exemple, alors que les forces françaises ont été priées de partir, on assiste à une évolution sans précédent des relations bilatérales avec Moscou. Sergueï Lavrov est régulièrement accueilli avec les plus grands honneurs à Bamako et à Ouagadougou. Le chef de la diplomatie russe est aussi désormais un ami du Tchad. Ce dernier, avec le Sénégal, vient d’infliger une ultime humiliation à la France en exigeant le départ de tous ses soldats.
Mais il ne s’agit pas seulement de défense. En mars dernier, une délégation nigérienne était invitée au forum Atomexpo, événement phare de l’industrie nucléaire russe, à Sotchi. Les putschistes veulent faire des affaires mais défendent des partenariats « gagnant-gagnant », eux qui dénoncent une politique néocoloniale de la part de la France.
Paris semble avoir reçu le message et se tourne de plus en plus vers les pays africains où la France n’a pas de passé colonial. Emmanuel Macron a récemment reçu les présidents du Ghana et du Nigeria. Les liens avec ces nations anglophones d’Afrique de l’Ouest se renforcent. Paris se tourne également vers l’Afrique de l’Est, où la Chine est déjà bien implantée.