Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov est arrivé ce jeudi 5 décembre à Malte pour sa première visite dans un pays de l’Union européenne depuis l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022. Il assistera à une réunion de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ( OSCE) à Ta’Qali. Son homologue ukrainien doit également s’y rendre, tout comme le secrétaire d’État américain, Antony Blinken. Ce dernier n’a pas prévu de rencontrer Lavrov – sa dernière rencontre importante avec lui remonte à mars 2023, lors du G20 à New Delhi. Et aucune rencontre n’est d’ailleurs au programme officiel avec la délégation ukrainienne.
La dernière visite du diplomate russe, sanctionnée par l’UE, remonte à décembre 2021, où il s’est rendu à Stockholm pour une autre réunion de l’OSCE, selon les médias russes. En 2022, la Pologne, alliée de l’Ukraine puis hôte de l’OSCE, a refusé de permettre à Lavrov de participer au sommet. Cette année, Kiev a confirmé que son ministre des Affaires étrangères, Andriï Sybiga, participerait aux discussions à Malte. A peine arrivé, le chef de la diplomatie ukrainienne a qualifié son homologue russe de « criminel de guerre ». « L’Ukraine continue de lutter pour son droit à l’existence. Et le criminel de guerre russe assis à cette table doit le savoir : l’Ukraine obtiendra ce droit et la justice prévaudra.a-t-il déclaré.
L’élection de Trump a changé la donne
Un porte-parole de Malte, pays hôte du sommet, a déclaré que même si Sergueï Lavrov faisait l’objet d’un gel d’avoirs par l’UE, il n’était pas interdit de voyager et qu’il avait été invité à « garder certains canaux de communication ouverts ». L’élection en novembre de Donald Trump à la présidence des États-Unis, et son investiture aura lieu le 20 janvier, a visiblement changé la donne sur le plan diplomatique. Le président élu, qui n’a jamais caché son admiration pour Vladimir Poutine, s’est vanté à plusieurs reprises au cours de sa campagne électorale d’être capable de mettre un terme au conflit très rapidement après son élection. Il a également critiqué à plusieurs reprises le montant de l’aide financière et militaire des États-Unis, qui sont le plus grand soutien de l’Ukraine. Sa stratégie reste un mystère et chacun semble placer ses pions en attendant la suite.
Sur le front ukrainien, la situation est de plus en plus tendue, à mesure que l’hiver s’installe et que Moscou cible systématiquement les installations énergétiques du pays, pour couper le chauffage et l’électricité. Par ailleurs, les troupes russes ont progressé dans le Donbass, tandis qu’à Koursk en Russie, où les troupes ukrainiennes sont entrées par effraction, la situation semble bloquée. Après presque trois ans de guerre, sans réel succès de part et d’autre, une certaine lassitude semble s’installer. Ces derniers jours, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a évoqué à plusieurs reprises la possibilité de négociations de paix, “si les conditions sont remplies”. Dimanche 1er décembre, lors de la visite à Kiev d’Antonio Costa, nouveau président du Conseil européen et de Kaja Kallas, ancien Premier ministre estonien aujourd’hui chef de la diplomatie européenne, le président ukrainien a insisté sur le fait qu’un “invitation à l’Ukraine à rejoindre l’OTAN” était une condition essentielle à l’ouverture des négociations.
Aucune rencontre n’est officiellement prévue à Malte entre Lavrov et son homologue ukrainien. Le ministre russe des Affaires étrangères devrait profiter du sommet pour dénoncer « crise institutionnelle » de l’organisation qui aurait été « Ukrainisé »a déclaré mercredi la porte-parole de son ministère, Maria Zakharova. Le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, a pour sa part annoncé mercredi qu’il n’y aurait pas de “pas de discussion” avec Sergueï Lavrov à Malte et s’est demandé pourquoi Moscou était toujours autorisée à faire partie de l’OSCE. “M. Lavrov vient ici pour mentir sur l’invasion russe et sur ce que fait la Russie en Ukraine. Et je ne vais pas écouter ces mensonges. Je ne m’assiérai pas à la même table que M. Lavrov.»dit M. Sikorski.
Veto
L’organisation, fondée en 1975 pour apaiser les tensions entre l’Est et l’Ouest pendant la guerre froide, compte 57 membres, de la Turquie à la Mongolie, en passant par le Royaume-Uni et le Canada, en passant par les Etats-Unis, l’Ukraine et la Russie. En 2023, l’Ukraine a demandé en vain que la Russie soit exclue de l’organisation et a boycotté le sommet de Skopje en novembre en raison de la présence de Lavrov. L’organisation est paralysée depuis l’invasion de l’Ukraine début 2022, la Russie ayant opposé son veto à plusieurs décisions majeures, qui nécessitent un consensus.
Les postes de secrétaire général et de trois autres hauts fonctionnaires sont vacants depuis septembre, faute d’accord sur leurs successeurs. La secrétaire générale sortante, l’Allemande Helga Maria Schmid, a été nommée en décembre 2020 pour un mandat de trois ans, mais son mandat a été prolongé jusqu’en septembre. Les ambassadeurs se sont mis d’accord sur le choix du diplomate turc Feridun Sinirlioglu pour lui succéder, a indiqué une Source diplomatique à l’AFP, mais la décision doit être approuvée par les ministres réunis à Malte. Ces derniers devront également se mettre d’accord sur le pays qui présidera l’OSCE en 2026 et 2027. La Russie a empêché cette année l’Estonie, membre de l’Otan, d’assumer la présidence, tandis qu’en 2025, la Finlande, qui a rejoint l’Otan l’année dernière, assumera la présidence. au-dessus de la présidence.
L’OSCE envoie des observateurs sur les conflits et les élections partout dans le monde. Il gère également des programmes visant à lutter contre la traite des êtres humains et à garantir la liberté des médias.