Comment la marque « Emmanuel Macron » est-elle devenue obsolète ? – .

2014. Lors d’un remaniement ministériel, la politique française découvre une nouvelle marque : Emmanuel Macron. A peine arrivé, le produit s’apprête déjà à dominer le marché avec un slogan aussi simple que percutant : « En même temps ». Une idée bancable Aux yeux de Pierre-Louis Desprez, spécialiste en marketing : « Toute innovation consiste simplement à mettre un « et » quelque part. » Ikea ? Meubles design et pas cher. iPhone ? Appelez et écouter de la musique sur le même appareil. Macron ? Être de gauche et de droit.

Mais dix ans plus tard, la marque n’est plus à la mode. La gifle reçue au premier tour des législatives – 20 % des voix, troisième bloc du pays loin derrière le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire – prouve à ceux qui en doutaient encore la ringardise du modèle. Rien d’étonnant quand on sait l’accumulation des grossières erreurs marketing du président. Les voici.

Erreur n°1 : Manque de fidélité des clients

« C’est certainement l’étape la plus compliquée », concède Sandrine Doppler, consultante en marketing, mais elle a été largement manquée. « Si avant, la cible Macron était assez large, aujourd’hui on peut parler d’une cible premium. Ils sont très rares à y croire encore. » Parmi toutes les tranches d’âge des électeurs de ces législatives de 2024, le groupe Ensemble n’était leader en nombre de voix que chez les 75 ans et plus. « Or, pour les élections, chaque voix compte de la même manière, donc parier sur la prime est une stratégie contreproductive. »

Pour Moïra Cristescu, créatrice de la marque éponyme, cette défidélité est aussi logique que celle des pantalons pattes d’éléphant ou du rosé pamplemousse : « Certaines nouvelles marques émergent en surfant sur une tendance du moment – ​​la lassitude du clivage gauche/droite dans le cas de Macron – mais toute tendance lasse et les clients passent à autre chose. Pour être sûr de perdurer, il faut quelque chose de très adaptable à chaque époque, de très pratique et universel. Comme le jean Levi’s par exemple, ce que n’est pas le macronisme. »

Pierre-Louis Desprez explique : « Le thème choisi par Emmanuel Macron, c’est l’effet ruissellement, très clivant, là où une marque politique intemporelle – Charles de Gaulle – incarne la souveraineté, une valeur plus partagée, que ce soit à gauche ou à droite. »

Erreur n°2 : Ne pas faire d’extension de marque

Si l’on entend souvent dire qu’une fois au sommet, on ne peut qu’y rester ou chuter, il existe en réalité une troisième option : s’étendre ailleurs. C’est pourquoi on retrouve Red Bull partout dans le sport professionnel, LVMH dans l’immobilier et pourquoi Facebook a dépensé des milliards pour acheter Instagram et WhatsApp.

Le macronisme, comme son nom l’indique subtilement, est resté égocentrique. « Emmanuel Macron a bien essayé, il suffit de voir les multiples changement de marque « Du nom de son parti ou du nombre de ses remaniements ministériels, poursuit Johanna Volpert, professeure associée de marketing à Kedge Business School Bordeaux. Mais pas question de s’en passer, « la marque Renaissance/Ensemble reste totalement associée à sa seule personne. Il n’a pas su développer d’autres figures ni avoir un parti suffisamment puissant pour lui succéder. »

Erreur n°3 : une mauvaise expérience client

« Aujourd’hui, le marketing, c’est la promesse de vivre une expérience. Et avec Emmanuel Macron, on est dans une expérience totalement dégradée », explique sans détour Sandrine Doppler.

Qu’elle soit de son fait – oui, la réforme des retraites notamment, on parle de vous – ou non – la crise du Covid-19, l’inflation record, la double guerre en Ukraine et à Gaza –, la période Macron restera, pour beaucoup, associée à des événements douloureux dans l’actualité et dans la vie des Français.

Erreur n°4 : le manque d’innovation

Jouer la carte du « Moi ou le chaos » à chaque élection, le « j’assume » toute mesure impopulaire sans plus de considération pour l’opposition, sortir une phrase provocatrice suivie d’un mea culpa en disant qu’il fera mieux, voire le « en même temps »… Chez Emmanuel Macron, on adore le recyclage depuis 2017. Et à la fin, ça fatigue le client. « Quand une marque n’innove plus, elle meurt, soutient Pierre-Louis Desprez. Aujourd’hui, le macronisme n’offre plus rien de nouveau, et pour les vieilles recettes, on va préférer les marques historiques de gauche et de droite. »

Erreur n°5 : sous-estimer la concurrence

« La base quand on se lance sur un marché, c’est d’étudier la concurrence. Et Emmanuel Macron l’a clairement sous-estimée », estime Sandrine Doppler. L’extrême droite n’a jamais eu autant de poids électoral et la gauche a réussi à se rassembler à nouveau, deux ans après les Nupes.

« C’est d’autant plus faux que la concurrence est bien plus féroce en politique qu’en marketing », explique Johanna Volpert. Nike et Adidas peuvent se contenter d’une (grosse) part du gâteau. Mais en politique, il ne peut y avoir qu’un seul grand gagnant.

Erreur n°6 : Ne pas accepter la traversée du désert

Alors ça y est, tout est fini et le macronisme est bon pour les oubliettes ? En marketing, rien n’est jamais complètement fini. Qui aurait pu prédire le come-back des Birkenstocks, du sac banane ou de Desigual, rappelle Moïra Cristescu. « Une grosse accalmie n’est pas forcément définitive, et traverser le désert peut même être un bon récit pour revenir », estime Pierre-Louis Desprez. citant notamment Apple, qui a excommunié Steve Jobs avant de le rappeler pour rebondir sur le marché. Ou, dans la sphère politique, Jacques Chirac.

« C’est aussi une belle histoire : après avoir fait des promesses, on se laisse rattraper par ses conneries et ses mensonges ; on traverse une période difficile et puis on revient en s’excusant de ses erreurs et de son arrogance passée et en faisant amende honorable », explique l’expert.

Le problème est que ce récit demande à Macron de ne pas faire de vagues. « Après la débâcle des élections européennes, il aurait gagné à faire profil bas. Mais il a dissous l’Assemblée nationale, multiplié les discours et les interventions médiatiques », conclut Johanna Volpert. Faire profil bas ou disparaître fait aussi partie de la vie d’une marque.

 
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