Sans une nouvelle escalade des tensions entre la Russie et l’Ukraine, les opérateurs prennent en compte l’arrivée des récoltes de l’hémisphère sud, ainsi qu’une légère amélioration des conditions de culture des céréales d’hiver dans l’hémisphère nord, même si le chemin est encore long. la récolte. Le commerce mondial n’est pas non plus sans surprises, avec le regain de pression russe sur les ventes de blé et la volonté réitérée de Donald Trump de taxer les produits importés du Mexique et du Canada.
En blé, la pression vendeuse de la mer Noire est toujours présente
Le rebond des prix du blé la semaine dernière n’a finalement été que passager. Le blé meunier livré à Rouen baisse de 10 €/t sur la semaine, à 212 €/t. Sans nouvel élément soutenant l’escalade des tensions entre la Russie et l’Ukraine, les inquiétudes renouvelées des opérateurs s’apaisent. En outre, il faut souligner que la pression vendeuse russe s’accentue, aidée par la forte dévaluation du rouble par rapport au dollar.
Mais ce sont les offres ukrainienne, roumaine et bulgare qui ont été les mieux placées pour remporter les deux derniers appels d’offres algérien et tunisien. Si ce rythme soutenu des exportations de la mer Noire va limiter leurs disponibilités exportables en deuxième partie de campagne, les céréales françaises peinent néanmoins à accélérer leurs exportations. Il faut rappeler que le refroidissement des relations diplomatiques avec l’Algérie limite les flux entre les deux pays.
Côté plaine, les acteurs français sont toutefois rassurés par les semis de blé d’hiver désormais finalisés à 93% selon FranceAgriMer, et par des premières conditions de culture meilleures que l’an dernier à la même période. L’état des cultures s’améliore également outre-Atlantique : la part du blé en bon ou excellent état grimpe à 55 % selon le ministère américain de l’Agriculture (USDA), contre 38 % fin octobre, après quatre semaines consécutives de récoltes. augmente. et un retour salvateur des précipitations.
Enfin, le marché mondial digère l’arrivée des volumes récoltés en Australie et en Argentine. Dans ces derniers, les récoltes progressent rapidement avec désormais 39% des surfaces battues du pays.
La production française de maïs pose question
Après un bref retour au-dessus de 200 €/t livrée à Bordeaux vers le 20-25 novembre, l’érosion progressive des prix du maïs français en vigueur depuis début octobre a repris pour s’afficher désormais à seulement 194 €/t, le plus bas niveau depuis fin octobre. du mois d’août. Il faut dire que les vendanges sont quasiment terminées dans l’hémisphère nord, à l’image de la récolte française qui affiche un taux d’avancement de 89%, rattrapant une partie de son retard.
Toutefois, certaines incertitudes demeurent. Déjà, certains secteurs soulèvent la question des mycotoxines, qui pourraient limiter en partie l’utilisation de la production nationale en alimentation animale. Enfin, il faut quantifier cette récolte. L’AGPM (Association générale des producteurs de maïs) estime la production française de maïs grain à 13,9 millions de tonnes, ce qui correspond à une hausse de 10 % sur un an grâce à une forte hausse de la sole cette année, mais ce chiffre est toutefois inférieur. que les 14,4 millions de tonnes projetées jusqu’à présent par Agreste, le service statistique du ministère de l’Agriculture.
Malgré ces incertitudes, le maïs français doit stimuler la demande européenne. De plus, il tombe en dessous du prix de vente du maïs roumain, ce qui est assez rare pour être souligné, mais justifiable au vu de la baisse de la production en Europe de l’Est, mais aussi tout autour de la mer Noire. . Face à cette baisse de disponibilité dans cette région qui répond aux besoins de l’Union européenne, il sera très intéressant de suivre les importations européennes au cours des prochains mois.
Et ce d’autant plus à l’heure où la demande internationale est dynamique, à l’exception de la Chine. Le Mexique soutient actuellement les ventes à l’exportation des États-Unis, alors que la production hebdomadaire record d’éthanol soutient la consommation intérieure américaine. Les opérateurs outre-Atlantique se montrent néanmoins prudents, après la récente déclaration de Donald Trump souhaitant taxer les produits mexicains à +25%, ce qui pourrait refroidir les relations commerciales entre les deux pays.
Forte volatilité des prix du colza
Le marché du colza a été une nouvelle fois marqué par une forte volatilité. Après avoir testé de nouveaux sommets de campagne, les prix se sont nettement corrigés ces 10 derniers jours, passant de 546 €/t à désormais 504 €/t FOB Moselle. Les prix ont ainsi brisé le canal haussier en place depuis septembre pour revenir tester la zone de support des 500 €/t.
Il faut dire que les prix du colza sont fortement influencés par l’évolution des marchés des huiles végétales. La demande d’huile de palme est en cours de rationnement en Malaisie et en Indonésie suite à la flambée des prix ces dernières semaines. Cependant, les fortes pluies dans les palmeraies soulèvent des questions sur l’accessibilité aux champs et les rendements des palmiers en novembre. Les bilans restent sous pression et la remontée des prix à Kuala Lumpur limite actuellement les perspectives d’une baisse plus importante du marché du colza. Dans ce contexte, l’huile de colza retrouve un soutien autour de 1 050 €/t à Rotterdam, après un repli de -139 €/t sur les dix derniers jours.
Au niveau des fondamentaux spécifiques au colza, la baisse conjointe des graines et de l’huile ne permet pas aujourd’hui de redresser les marges de trituration en Europe. Malgré cela, l’activité industrielle est restée dynamique ces derniers mois, atteignant 1,7 million de tonnes en octobre, soit +7% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Les bilans européens restent sous pression et les flux d’importations sont surveillés, notamment en provenance du Canada. Face à la correction du canola, le colza européen maintient une prime significative au-dessus de 110 $/t par rapport à son homologue canadien.
A plus long terme, il sera intéressant de s’intéresser également au cas de l’Australie, où les volumes de production sont attendus à 5,5 millions de tonnes, en ligne avec la moyenne quinquennale. Ainsi, les organisations locales StatCan au Canada et Abares en Australie mettront à jour leurs estimations de production la semaine prochaine.
Des bilans de soja confortables à l’échelle mondiale
La baisse se poursuit pour le marché des tourteaux de soja qui marque une nouvelle baisse hebdomadaire de -2 €/t pour s’établir à 372 €/t sur le spot livré de Montoir. La situation évolue peu et les bilans globaux restent pour l’instant lourds. Tout d’abord, aux Etats-Unis, la fin des récoltes permet de confirmer un potentiel de production proche des plus hauts niveaux de 2021, au-dessus de 121 millions de tonnes.
L’arrivée de ces volumes a permis d’accélérer depuis plusieurs semaines les ventes américaines à l’export, notamment vers la Chine. Les flux de semences entre les deux pays restent sous étroite surveillance avant l’investiture de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier. La politique commerciale des États-Unis pourrait être décisive pour l’évolution des prix. A l’échelle locale, la demande est également dynamique avec une activité de trituration record depuis le début de la campagne, augmentant la disponibilité des tourteaux de soja américains.
À cela s’ajoutent les bonnes perspectives de production en Amérique du Sud. Les semis se terminent au Brésil et les pluies régulières dans la zone de production rassurent les opérateurs. Il en va de même en Argentine, où les plantations progressent et sont achevées à 44 %.
La bonne disponibilité des graines et des tourteaux à l’échelle mondiale facilite l’approvisionnement en Europe. L’activité de concassage a été très dynamique en octobre, à 1,07 million de tonnes selon Fediol, soit une hausse de 18% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Le tourteau de soja est de plus en plus compétitif par rapport au tourteau de colza ou de tournesol et toute accélération de la demande devra être surveillée.
Argus Média
(1) Argus Media, société spécialisée dans la surveillance des marchés des matières premières, nous livre chaque semaine son analyse agricole.
A suivre : Evolution de la parité eurodollar ; Dévaluation du rouble par rapport au dollar ; Compétitivité du blé français par rapport aux origines de la Mer Noire ; Conditions de croissance dans l’hémisphère nord ; Progrès dans la récolte de blé, d’orge et de canola dans l’hémisphère sud ; rapports de Statcan (Canada) et d’Abares (Australie); Tensions sur la balance mondiale de l’huile de palme ; Conditions de culture du soja en Amérique latine ; Augmentation du bilan global des tourteaux de soja ; Rythme des ventes à l’exportation de maïs et de soja américains ; Taux d’importations européennes de colza ; Niveau de production et qualité de la récolte de maïs française ; Tensions géopolitiques en mer Noire.