« Que ce soit au RN ou à la Reconquête, la ligne rouge, c’est le type »

« Que ce soit au RN ou à la Reconquête, la ligne rouge, c’est le type »
« Que ce soit au RN ou à la Reconquête, la ligne rouge, c’est le type »

A la veille des législatives, la Pride 2024 intègre à ses slogans traditionnels la lutte contre l’extrême droite, dont la solidarité avec les personnes trans. Car le RN représente une menace plus ou moins voilée, explique l’historien Mickaël Studnicki.

Mickaël Studnicki : « Une fierté à la veille du premier tour des élections est sans précédent. » Photo Valérie Dubois/Hans Lucas

Par Natacha Marbot

Publié le 29 juin 2024 à 10h00

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LLa Pride 2024 ne sera pas comme les précédentes. « Ce sera le moment pour tous les LGBTQI+ de dire que nous ne voulons pas du Rassemblement national » a déclaré le 19 juin à Libérer James Leperlier, président de l’Inter-LGBT, qui l’organise. A la veille du premier tour des élections législatives anticipées, les participants défileront le 29 juin » contre la transphobie et l’extrême droite « . Quelle est la menace que représente l’extrême droite politique pour les droits LGBTQI+ ? Réponses avec Mickaël Studnicki, historien et auteur d’une thèse sur les droits nationalistes, le genre et les homosexualités de 1870 à nos jours, à paraître prochainement dans Sorbonne Presse.

La Marche des fiertés 2024 sera-t-elle particulièrement politique ?
Cet événement a toujours été politique, depuis ses débuts dans les années 1970, notamment dans les années 1990, et clairement marqué à gauche. Cela dit, une fierté à la veille d’un premier tour d’élections est sans précédent. La situation qui s’en rapproche le plus remonte à 1997, juste après les élections législatives provoquées par la dissolution de l’Assemblée nationale par Jacques Chirac. Il s’agissait alors, pour les militants, de faire pression sur Lionel Jospin qui s’était engagé en faveur de la légalisation des unions civiles, l’ancêtre du Pacs.

Les associations de défense des droits LGBT ont-elles de bonnes raisons d’avoir peur la potentielle arrivée au pouvoir du RN ?
Clairement, le RN n’est pas un parti pro-LGBTQI+. Je n’ai jamais trouvé de position allant dans ce sens dans mon travail. Mais ses dirigeants n’affichent plus de positions ouvertement homophobes Depuis l’arrivée de Marine Le Pen à sa tête, en 2011. Deux facteurs explicatifs : la loi Perben de 2004, qui pénalise l’homophobie, et l’acceptation de l’homosexualité dans toutes les couches de la société, notamment chez les jeunes. Des reportages abjects perdurent parfois évidemment, mais avec le temps, on peut dire que l’homophobie est en déclin. Dans cette optique, il n’est pas rentable pour un parti d’avoir des positions homophobes sur le plan électoral.

Comment la RN a-t-elle évolué sur ces sujets ?
Elle a évolué parallèlement à la société, notamment après 2011. Marine Le Pen a entamé une normalisation très active : d’abord en excluant les gens qui font des commentaires homophobes en public [Catherine Blein, par exemple, conseillère régionale Front national de Bretagne, a été exclue du FN en 2017 pour des propos homophobes et racistes – elle a depuis été condamnée pour apologie du terrorisme, ndlr]. A cela s’ajoutait le rôle de Sébastien Chenu, issu de la droite souverainiste et l’un des fondateurs de Gaylib, une association de défense des droits LGBTQI+ libéral, longtemps affilié à l’UMP. Partisan du mariage pour tous, il est aujourd’hui vice-président du RN. Il n’est pas le seul homosexuel ouvertement homosexuel à occuper un poste de responsabilité au sein du parti ; il y a aussi, par exemple, Jean-Philippe Tanguy (membre du bureau) et Thomas Ménagé (porte-parole).

Les propos très homophobes tenus par l’extrême droite sont aujourd’hui plus largement diffusés sur les réseaux sociaux par des groupes et médias non officiellement affiliés à des partis, comme Égalité et Réconciliation, F de Strain ou Rivarol. Qui ne manquent pas non plus de s’emparer de l’actualité pour faire le lien entre homophobie et islam, ou de propager des rumeurs transphobes comme celles concernant Brigitte Macron…

Manifestation contre l’extrême droite à l’appel de plus de 200 associations féministes, à Paris le 23 juin 2024. Photo Sabrina Dolidze/Divergence

Le RN n’est-il donc pas ne constitue plus une menace pour les personnes LGBTQI+ ?
La peur des associations de défense des droits LGBTQI+ c’est que s’il arrive au pouvoir, le RN adoptera la stratégie des mouvements populistes d’extrême droite néerlandais, qui consiste à faire semblant de lutter pour les droits LGBTQI+ en adoptant des mesures anti-islam. Il est vrai que les clins d’œil à la communauté LGBTQI+ sont nombreux : une liste FN avec plusieurs candidats gays et lesbiens aux municipales parisiennes en 2014, le coming out de Thomas Ménagé en janvier 2024, ou encore la tirade de Jordan Bardella contre l’homophobie (supposée causée par l’immigration) dans le débat du 27 juin au soir sur France 2… Le RN cherche à avoir une ligne officielle presque gay-friendly : si vous êtes homosexuel, pas de problème à condition d’être discret, de ne pas faire de militantisme et de rester viril. Et effectivement il y a des personnes LGBTQI+ parmi les sympathisants du RN. Cela dit, ce lissage de la surface ne convainc pas tout le monde au sein même du parti, où subsiste une ligne que l’on peut qualifier de « nationale-catholique », représentée par des personnalités comme Bruno Gollnisch ou Caroline Parmentier (députée sortante du Pas-de-Calais) qui a fustigé l’entrée de Sébastien Chenu au FN et a souvent partagé des opinions homophobes.

Il est plus probable que le RN prenne un virage italien, à la Giorgia Meloni, plutôt que néerlandais.

Qu’en est-il de l’identité transgenre, thème de la Pride 2024 ?
Pour beaucoup, que ce soit au RN ou à Reconquête, la ligne rouge, c’est le genre. Le problème des mouvements nationalistes est que les questions d’identité de genre brisent la vision traditionnelle du masculin et du féminin. C’est principalement Reconquête qui s’en empare, il est donc intéressant d’observer Marion Maréchal revenir dans le giron familial, alors qu’elle se montre ouvertement hostile aux avancées des droits LGBTQI+. Comment va-t-elle cohabiter avec la normalisation du RN ?

Qu’adviendrait-il des droits LGBT si le RN arrivait au pouvoir ?
Je pense qu’il est plus probable que le RN prenne un virage italien, à la Giorgia Meloni, que néerlandais. Il ne voterait pas des lois restrictives sur les droits LGBTQI+, mais plutôt des mesures de soutien aux familles, qui compliqueraient de fait l’accès à la PMA pour les couples homosexuels par exemple. Il pourrait également y avoir des réductions de subventions aux associations LGBTQI+. On parle souvent de la décriminalisation de l’homosexualité en 1982 mais c’est plus subtil : la répression des homosexuels impliquait toute une série de pratiques de discrimination et de surveillance qui n’étaient pas forcément inscrites dans la loi. Je n’imagine pas le RN prendre un virage antilibéral comme Viktor Orban [Premier ministre hongrois, qui a adopté de nombreuses mesures d’atteintes aux droits LGBTQI+] d’autant plus que, au fond, ce ne sont pas du tout des sujets prioritaires pour le RN et cela s’exprime très peu de choses là-dessus, sauf en réaction à des polémiques. Il serait intéressant de confronter le parti à ses contradictions : que dirait Caroline Parmentier si on l’interrogeait sur sa position de députée et membre du bureau du RN sur des sujets comme la PMA ou encore la transidentité ?

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