Chère Mme Janette Bertrand, la première édition du prix littéraire portant votre nom aura lieu le 27 novembre prochain, dans le cadre du Salon du livre de Montréal. Cette distinction, la première à caractère féministe au Québec, a été créée pour récompenser des œuvres qui abordent « des enjeux sociaux tels que l’égalité des sexes, l’autonomie des femmes et la lutte contre la violence de genre ».
Et beaucoup se sont dit, lors de cette annonce : il était temps !
La séance de présentation des finalistes et la table ronde qui a suivi dimanche dernier à BAnQ ont été particulièrement riches et touchantes. Des sujets d’actualité plus que pertinents ont été abordés, tels que la relation entre l’industrie et les classiques masculins, l’importance de l’écriture dans les changements sociaux et la montée actuelle de la droite dans le paysage politique.
Mais surtout, des féministes de tous horizons étaient présentes dans la salle pour célébrer votre contribution à la lutte pour les droits des femmes au Québec, en plus d’explorer en profondeur les univers littéraires de votre relève. Martine Delvaux, Léa Clermont-Dion, Claudia Larochelle, Marie-Hélène Larochelle et Élise Turcotte ont été particulièrement généreuses envers le public.
Évidemment, tous les finalistes de cette version sont blancs et cisgenres, mais les membres du jury des années suivantes sauront certainement mettre de l’avant une diversité plus représentative de la démographie québécoise.
Cependant, et c’est la principale problématique soulevée par cette lettre, toutes les œuvres sélectionnées s’adressent à un public adulte. La littérature jeunesse n’est pas éligible au prix littéraire Janette-Bertrand.
Il y a une certaine ironie dans le fait que le Salon du livre de Montréal ignore la littérature jeunesse, puisque vous avez vous-même commencé votre discours dimanche en soulignant l’apport essentiel de la lecture en bas âge. Vous n’avez pu comprendre que vers la trentaine que vous viviez avec la dyslexie, et c’est justement le genre de parcours que les actrices du monde littéraire contribuent aujourd’hui à éviter.
Auteurs, illustrateurs, enseignants, bibliothécaires et conférenciers travaillent dur chaque jour pour mettre en valeur la littérature jeunesse, sous toutes ses formes ; Du livre cartonné à la bande dessinée, en passant par les albums, les romans et les documentaires, la littérature jeunesse québécoise est multiple et abondante, mais encore trop méconnue.
Mais surtout, elle peut et doit être féministe. Il serait plus légitime de souligner ces efforts plutôt que de les ignorer. Et quoi de mieux pour le faire qu’à travers un prix littéraire, comme c’est le cas de la première édition de celui qui porte votre nom ?
L’influence de la lecture dans la vie des jeunes commence extrêmement tôt. Les auteurs et illustrateurs féministes ouvrent la voie aux lecteurs, à mesure qu’ils grandissent, pour qu’ils s’intéressent aux œuvres qui explorent cette même lutte.
Même si vous n’êtes pas personnellement impliqué dans le jury du prix Janette-Bertrand, il serait très intéressant que vous parveniez à une entente avec le Salon du livre pour que les prochaines éditions récompensent également un auteur jeunesse. Ce serait une reconnaissance plus que méritée, certes, mais aussi un symbole fort pour soutenir l’importance que prend la littérature féministe entre 0 et 17 ans. Il est là, le nerf de la guerre, puisque les valeurs que nous assimilons tôt dans notre vie s’ancrent et nous suivent longtemps.
Aujourd’hui, nous avons besoin de votre aide et de votre influence.
Dans la continuité de la résidence Paule-Daveluy mise en place par Communication-Jeunesse, qui « souligne l’importance et le caractère unique des lecteurs adolescents », il pourrait par exemple y avoir un volet jeunesse au prix Janette-Bertrand, le prix Paule-Daveluy. Daveluy, en cas de partenariat avec la famille. Pour n’en nommer qu’un, le Prix des bibliothèques de Montréal adhère déjà à ce modèle en organisant une cérémonie de remise de prix distincte pour la branche adulte et pour la branche jeunesse.
Si l’on veut construire la société inclusive de demain, celle pour laquelle vous avez tant travaillé, ou encore celle où l’égalité serait enfin véritablement réalisée, la littérature jeunesse est essentielle.