L’aviation civile russe traverse une période compliquée depuis le début de la guerre en Ukraine. Sous l’influence des sanctions occidentales, les compagnies aériennes subissent un blocus sur les pièces détachées nécessaires à l’entretien de leurs flottes, principalement composées d’Airbus et de Boeing. De plus, ses constructeurs peinent à monter en puissance compte tenu de leur dépendance aux équipements venus d’Europe et des Etats-Unis.
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Le consortium d’État russe OAK (ou UAC, pour United Aircraft Corporation) a annoncé lundi une réorganisation en plaçant directement sous son contrôle Yakovlev et Tupolev, les deux principaux avionneurs civils du pays.
“Compte tenu de l’importance de mettre en œuvre les programmes civils prioritaires de l’UAC, ainsi que de la nécessité de remplacer les importations (d’équipements occidentaux, ndlr), et de certifier et lancer la production en série d’avions de lignes civiles nationales dans un délai extrêmement court, il a été décidé de transférer la gestion des programmes civils directement au niveau d’OAK », a indiqué le consortium dans un communiqué.
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Hiérarchie centralisée
Les opérations de Yakovlev seront confiées directement à Vadim Badekha, qui devient directeur général du constructeur. Il cumulera ses nouvelles fonctions avec son poste de directeur général d’OAK, auquel il vient d’être nommé début novembre. Auparavant, il a dirigé le consortium United Engine Corporation (UEC), l’équivalent d’OAK pour les moteurs d’avion.
La direction générale de Tupolev sera également intégrée au niveau d’OAK et confiée à Alexander Bobryshev, actuellement directeur général adjoint du consortium, responsable des achats de défense de l’État et de la gestion des programmes d’avions opérationnels et tactiques. Il avait déjà dirigé Tupolev entre 2009 et 2013. Quant aux dirigeants actuels de Yakovlev et Tupolev, respectivement Andreï Boginsky et Konstantin Timofeev, ils quittent leurs fonctions.
Toujours selon l’OAK, cette réorganisation “permettra de concentrer toutes les ressources de l’entreprise sur la réalisation de tâches spécifiques en vue de la certification et du lancement de la production en série d’une ligne d’avions de ligne civils nationaux dans les délais prévus”.
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Le CHÊNE au travail
Créée en 2006, l’OAK avait pour objectif de redresser un secteur aéronautique russe à la dérive depuis la chute de l’Union soviétique. Cela a abouti au regroupement de grands constructeurs civils et militaires russes, tels que Sukhoi, Mikoyan, Yakovlev, Tupolev, Beriev et d’autres, au sein de ce consortium d’État, dont certains ont fusionné comme Sukhoi Civil Aircraft intégré au sein d’Irkut (depuis rebaptisé Yakovlev ). Malgré cela, les programmes nationaux sont rares et peinent à prendre de l’ampleur.
C’est le cas du Sukhoi Superjet 100, qui a connu un démarrage compliqué, notamment en termes de sécurité. Le moteur d’un avion de la compagnie russe Azimut a pris feu hier à son atterrissage à Antalaya (Turquie). Mis en service en 2011, seulement environ 200 unités ont été livrées. De son côté, le MC-21 a été lancé en 2007 et a volé dix ans plus tard, mais il n’est toujours pas entré en service. Cela n’empêche pas le gouvernement russe d’afficher des ambitions. L’AFP rapporte que dans une interview accordée au quotidien RBK en mai, le ministère de l’Industrie et du Commerce a indiqué que l’objectif était de construire 142 Sukhoi Superjets et 270 MC-21 d’ici 2031.
La difficile russification
Avant d’arriver à de tels chiffres, l’industrie russe doit déjà pouvoir s’affranchir des nombreux équipements occidentaux qui entrent dans la conception de ces appareils. C’est particulièrement le cas pour des éléments cruciaux, comme les moteurs ou l’avionique. Privée de livraisons de nouveaux équipements, l’industrie russe tente de développer des alternatives domestiques mais peine à y parvenir. Et ce, malgré les efforts entrepris bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine.
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En octobre, le directeur général de la société d’État Rostec (société mère d’OAK), Sergueï Chemezov, avait assuré que le moteur russe PD-8 serait testé sur banc d’essai en vol l’année prochaine afin d’équiper un futur Sukhoi Superjet « russifié ». 100 à partir de 2026. Il doit donc remplacer le moteur SaM146, qui était produit par PowerJet, une joint-venture entre le motoriste russe NPO Saturn et le groupe français Saffron.
Les avionneurs doivent également pouvoir maintenir les équipements déjà en service sans le soutien des constructeurs occidentaux. Dans une interview accordée à l’agence de presse officielle Tass, Sergueï Chemezov a déclaré en août : «Nous faisons tout notre possible pour maintenir l’état opérationnel de la flotte Superjet existante. Nous maîtrisons notamment la maintenance d’environ 200 composants, dont la réparation modulaire de l’unité de commande électronique du moteur SaM146 ».
Au début de la guerre, sur une flotte de près de 1 000 avions passagers et cargo, environ les trois quarts étaient d’origine européenne, américaine et canadienne. Selon le quotidien gouvernemental Rossiiskaya Gazeta, cité par l’AFP, ces avions étrangers transportent 95% des passagers du pays.