Depuis la défaite de la majorité présidentielle aux législatives de juillet, la French Tech a la gueule de bois. Et cela ne s’est pas amélioré avec la nomination, en septembre, de Michel Barnier au poste de Premier ministre. Un mois plus tard, la présentation du projet de loi de finances pour 2025 a été accueillie comme un coup dur par les adhérents de la French Tech. Et pour cause : plusieurs mesures étaient dans le collimateur du gouvernement Barnier, avec l’annonce de la réduction voire de la suppression des aides à l’innovation largement utilisées par les start-up de la tech française.
Dès le dépôt du projet de budget par Michel Barnier, le député macroniste Paul Midy (membre du groupe parlementaire Ensemble pour la République présidé par Gabriel Attal), ancien entrepreneur, est monté au créneau pour contrer les intentions du gouvernement et faire en sorte que changer de cap. avis. Alors que la semaine à venir s’annonce décisive (lire ci-dessous), nous avons interviewé Paul Midy.
mouette« La French Tech incarne, aujourd’hui, une part importante de l’économie française. Cela représente entre 5 à 10 % de notre économie et de notre emploi. C’est devenu un secteur à part entière.
Pourquoi est-il si important de défendre la French Tech ? Est-ce vraiment la priorité du moment alors que le gouvernement de Michel Barnier est confronté à une situation budgétaire très dégradée ?
Les start-up, mais aussi les TPE et PME innovantes, sont au cœur de priorités politiques majeures pour nous, mais aussi pour de nombreuses forces politiques représentées à l’Assemblée nationale. C’est d’abord l’objectif du plein emploi. Les start-up, TPE et PME constituent le premier moteur de création d’emplois en France et de réindustrialisation. Aujourd’hui, 50 % de la création nette d’usines est l’œuvre de nos start-up industrielles. La transition écologique ne se fera donc pas sans l’écosystème des start-up. Reste enfin toute la question de la souveraineté technologique. Quelle est la meilleure façon de retrouver la souveraineté que d’inventer les technologies du futur sur notre territoire ? Il s’agit donc pour notre groupe politique d’une conviction extrêmement forte. Et c’est aussi le cas, depuis le début, d’Emmanuel Macron. La French Tech incarne, aujourd’hui, une part importante de l’économie française. Cela représente entre 5 à 10 % de notre économie et de notre emploi. C’est devenu un secteur à part entière.
Tout le monde, à l’Assemblée nationale et au gouvernement, ne s’en est-il pas encore rendu compte ?
Exactement. Suite aux dernières élections législatives, les forces populistes d’extrême gauche et d’extrême droite ont gagné du terrain. Et ces forces ne comprennent pas ou ne s’intéressent pas aux sujets d’innovation et d’accompagnement des start-up, TPE et PME innovantes. Ces sujets sont placés très bas dans leur agenda. Au contraire, nous l’avons placé en tête de nos priorités. Nous l’avons démontré au cours des sept dernières années, à la fois en conservant tous les dispositifs qui fonctionnent (crédit d’impôt recherche, jeunes entreprises innovantes, crédit d’impôt innovation) et en en développant d’autres. France 2030, c’est par exemple 54 milliards d’euros d’investissements dans l’innovation et la deeptech en faveur de la transition écologique.
mouette«Il faut réexpliquer que ces mesures ne sont pas là pour plaire à quelques-uns et construire une ‘Start-up nation’. Non, les mesures sont là pour répondre à des objectifs politiques qui, je l’espère, sont également partagés par un grand nombre d’agents publics.»
Comment expliquez-vous que le gouvernement Barnier, nommé par Emmanuel Macron, arrive avec une proposition de budget consistant à débrancher ces différentes mesures favorables aux start-up technologiques innovantes ?
Nous travaillons à convaincre toutes les forces politiques de l’arc républicain de l’importance de ces mesures. Je dis souvent à l’écosystème que, depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, ce qui a été une réussite politique pendant sept ans ne l’est plus, et ce, parce que nous sommes dans une forme de coalition, que nous appelons le « socle commun ». avec certaines forces politiques qui ont d’autres priorités. Aujourd’hui, il faut re-démontrer, ré-expliquer, que ces systèmes ne sont pas là pour plaire à quelques-uns et construire une « Start-up nation ». Non, les mesures sont là pour répondre à des objectifs politiques qui, je l’espère, sont également partagés par un grand nombre d’agents publics.
Qu’est-ce qui vous inquiète le plus dans le projet de budget du gouvernement Barnier ?
Il y a des mesures vraiment catastrophiques dans ce projet de budget. Pour les start-up, TPE et PME innovantes, la suppression du programme « Jeunes Entreprises Innovantes » (JEI) représenterait du jour au lendemain une augmentation du coût du travail de 30 % ! Pour les entreprises qui, le plus souvent, disposent de peu de trésorerie et ne réalisent pas encore de bénéfices, c’est intenable ! Si cette mesure devait être appliquée, des centaines de start-up seraient anéanties et des milliers d’emplois seraient détruits. Autre proposition catastrophique, la suppression du « Crédit d’Impôt Innovation » (CII), qui soutient les jeunes PME innovantes ou les PME plus âgées qui souhaitent se relancer dans une dynamique d’innovation. Ces deux mesures sont totalement néfastes et c’est contre cela que je me bats avec tout mon groupe depuis plus d’un mois. Heureusement, même si la bataille n’est en aucun cas gagnée, nous avons réussi à faire avancer la réflexion du gouvernement. Je pense qu’il a désormais compris que supprimer ces dispositifs serait une très mauvaise idée. En revanche, il n’a pas encore exclu l’idée de les planifier. Ce que nous souhaitons, c’est la maintenance complète des systèmes JEI et CII.
N’est-ce pas là une volonté d’immuniser la French Tech de toute contribution à l’effort budgétaire global ?
Non pas du tout. Il faut bien sûr maîtriser les finances publiques et chaque politique publique doit être optimisée. J’ai également déposé deux amendements, votés à une très large majorité à l’Assemblée nationale, pour limiter les niches fiscales en matière d’innovation. Cela permet de financer à 100% la maintenance de systèmes comme la JEI ou la CII. En revanche, soyons clairs : si notre objectif est de continuer à innover, à reprendre le contrôle de notre destin et de le faire dans la réalité du monde d’aujourd’hui, il est impératif d’accélérer et non de décélérer. Plutôt que de passer deux mois de procédures budgétaires à réfléchir à la manière dont nous pourrions réduire les systèmes qui fonctionnent, j’aurais préféré que nous discutions de la manière dont nous pouvons créer des marges de manœuvre pour accélérer et devenir, par exemple, des leaders dans l’intelligence artificielle. Vouloir le faire sans start-up, TPE et PME technologiques innovantes est une grave erreur. Pour l’instant, je n’ai aucune garantie que ces arrangements seront maintenus, même si le gouvernement commence à montrer des signes de compréhension.
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Certaines voix, même au sein de l’écosystème des start-up, affirment que la French Tech avait été l’enfant gâtée du président Macron, qu’il y avait trop d’argent public injecté dans l’écosystème par les gouvernements successifs. et le BPI, etc.
Le terme gâté est un terme impropre. De nombreuses ressources financières publiques ont en effet été investies dans l’écosystème de l’innovation. Mais pas pour rien, pas pour s’amuser, pas pour rien. Cet argent a déjà montré son utilité. Il y a 10 ans, la France n’avait quasiment aucun écosystème d’innovation. Nous disposons désormais du premier écosystème d’innovation d’Europe continentale. Cet écosystème a créé des centaines de milliers d’emplois en France. Rien que pour la création d’emplois, l’argent public investi est rentable. Mais, en plus d’avoir créé des emplois, nous avons des entreprises qui offrent des services extrêmement utiles et qui nous redonnent de la souveraineté. Je pense à Mistral en termes d’intelligence artificielle, mais aussi à Quandela ou Pasqal qui a vendu le plus gros ordinateur quantique au monde. Ce sera peut-être l’IBM ou l’Apple de demain. Ce n’est donc pas une question de gâté ou de pas gâté. Soit nous pensons que les objectifs politiques que j’évoquais au début de l’entretien sont importants et il faut s’en donner les moyens ; ou bien nous pensons qu’ils ne le sont pas et alors, effectivement, nous ne pouvons pas être d’accord avec ces investissements.
Ne vous déçoit-il pas que ce soit un gouvernement, nommé par Emmanuel Macron, qui affecte les mesures de soutien à la French Tech ?
A ce sujet, je peux vous assurer que les convictions du Président de la République n’ont pas changé. Cela reste une priorité de son agenda national et européen. Il n’y a, de sa part, aucun changement de priorité.
Semaine décisive à l’Assemblée nationale
Le Sénat est arrivé samedi au terme de son examen du projet de budget 2025. Après une semaine de débats sur les retraites, les baisses de cotisations patronales ou encore le temps de travail, la Haute Assemblée, dominée par une alliance de la droite et du centre qui soutient le gouvernement de Michel Barnier, a globalement approuvé les propositions de l’exécutif, contrairement au National. Assemblée qui avait largement remanié ce budget à l’initiative des oppositions, sans pouvoir voter dans le temps imparti.
« Nous avons pris des mesures impopulaires, mais face au déficit croissant, nous devons nous rendre à l’évidence et réduire ce mode de vie, même si c’est difficile »a réagi la rapporteure générale centriste au Sénat, Elisabeth Doineau, auprès de l’AFP. Un vote solennel sur l’ensemble du texte est prévu mardi au Sénat, sans suspense sur son adoption.
Le sort du projet de budget sera alors entre les mains de 14 parlementaires – sept sénateurs, sept députés – chargés de trouver un texte de compromis lors d’une commission paritaire (CMP) mercredi au Sénat. Le camp gouvernemental sera majoritaire, mais rien ne garantit que le « socle commun » sera convenu, car une mesure clé sur la réduction des exonérations de cotisations patronales suscite la colère des troupes macronistes.
Si un compromis est trouvé, le texte final sera soumis à un vote final dans les deux chambres, avec le recours plus que probable à l’article 49.3 par le gouvernement devant les députés. Une motion de censure est déjà promise par la gauche, avec un risque pour le gouvernement Barnier d’être renversé avant l’hiver si le Rassemblement national décide de voter pour lui.