Cela pourrait bien être, prédisent les médias américains, le principal moment fort de la campagne présidentielle : ce jeudi soir, dans un studio de CNN à Atlanta, Joe Biden et Donald Trump s’affronteront lors d’un débat de 90 minutes dont personne ne le saura. À quoi s’attendre. Ce débat ne ressemblera en fait à aucun autre. Contrairement aux précédentes, elle se déroulera sans public et son organisation a été pour la première fois confiée exclusivement à une chaîne de télévision, le président sortant ayant refusé de coopérer avec la commission indépendante qui en a fixé les modalités depuis 1987. Elle opposera principalement deux des personnalités qu’une majorité d’électeurs jugent trop âgées pour occuper encore la Maison Blanche, et dont les facultés mentales, chez l’un et l’autre, posent question.
Contrairement à une tradition récente, il n’y aura d’ailleurs cette année que deux débats présidentiels, contre trois habituellement (l’un des trois débats avait, certes, été annulé en 2020, mais parce que Donald Trump avait alors contracté le Covid-19). La deuxième confrontation est prévue le 10 septembre. Les deux réunions télévisées sont également programmées beaucoup plus tôt qu’auparavant – les débats se déroulaient généralement entre fin septembre et mi-octobre. La volonté est de prendre désormais en compte le vote anticipé qui, selon les Etats, peut débuter jusqu’à deux mois avant le scrutin du 5 novembre. C’est aussi pour cela que l’on parle des dates du 23 juillet ou du 13 août pour le débat complémentaire entre les candidats à la vice-présidence – s’il a lieu.
Records d’audience
Dans ces conditions, l’exercice enthousiasmera-t-il les foules ? Lors du précédent scrutin, la première des deux batailles entre Trump et Biden, le 29 septembre 2020, à Cleveland, avait enregistré le troisième meilleur score de l’histoire des débats présidentiels avec 73 millions de téléspectateurs – derrière le mémorable affrontement entre Jimmy Carter et Ronald. Reagan de 1980 et surtout le premier débat entre Hillary Clinton et Donald Trump. Le 26 septembre 2016, à New York, celui-ci battait tous les records d’audience avec 84 millions de téléspectateurs (sans compter ceux qui suivaient l’événement en ligne ou dans les lieux publics). L’équipe de campagne de Joe Biden promet avec confiance que sept électeurs sur dix seront devant leur écran.
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Une aubaine pour CNN
Pour CNN, ce serait une aubaine. Elle s’est battue avec acharnement pour décrocher un événement grâce auquel elle espère redresser une courbe d’audience qui s’affaisse dramatiquement, dans un climat morose encore marqué par le limogeage de son patron, Chris Licht, en juin 2023. Son successeur, l’ancien directeur général du Mark Thompson, de la BBC, a déclaré qu’il s’était inspiré, pour le préparer, du légendaire débat de 1960 entre John F. Kennedy et Richard Nixon – celui qui a fait entrer la vie politique américaine dans l’ère de la télévision. Il peut compter sur deux modérateurs pour réussir : Dana Bash et Jake Tapper, analystes politiques stars de la chaîne qui jouissent d’une excellente réputation.
Le défi pour Bash et Tapper, qui n’ont jamais modéré un débat présidentiel, sera à la fois de susciter un échange substantiel et de le maintenir sur la bonne voie. La difficulté s’annonce d’autant plus grande qu’ils auront devant eux un Président qui souffre parfois d’absences et de confusion, et un ancien Président habitué à tenir des discours incohérents ou incompréhensibles.
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De bêtises en bêtises
Dans un article publié mercredi dans le « New York Times », Hillary Clinton souligne l’ampleur de la tâche en évoquant ses trois débats avec Donald Trump. « Il a déclenché une tempête d’interruptions, d’insultes et de mensonges qui ont submergé les modérateurs », se souvient-elle. « C’est une perte de temps de tenter de réfuter les arguments de M. Trump comme on le ferait dans un débat normal. Il est presque impossible de savoir quels sont vraiment ses arguments. Cela commence par des bêtises et puis dérape dans le non-sens. » Et, prévient l’ex-candidate, « cela n’a fait qu’empirer au fil des ans. »
Pourtant, les sujets ne manqueront pas, de l’immigration à l’économie, en passant par les droits des femmes (celui de l’avortement, notamment) jusqu’à l’avenir de la démocratie américaine depuis l’assaut du Capitole et les tentatives de Donald Trump, soutenu par de nombreux élus républicains. responsables, à rejeter les résultats des élections de 2020. Ce qui rappelle, comme le souligne encore Hillary Clinton, qu’au-delà du spectacle proposé jeudi soir, les Américains sont appelés à « choisir un président, pas le meilleur acteur ».
