les drones rendent les chars obsolètes

les drones rendent les chars obsolètes
les drones rendent les chars obsolètes

Sergei commence. S’il n’utilise pas le brouilleur anti-drone, c’est parce que, dit-il, il consomme très vite la batterie du 4×4. La reconnaissance jusqu’au village de Nizhnemakhovo sera courte. Vous risqueriez de ne pas pouvoir redémarrer le véhicule pour repartir. Le jour tombe. Les squelettes de maisons défilent le long de la route à travers des bois épais entre chaque village. En conduisant, Sergueï nous prévient que le danger le plus grave qui nous attend en ce moment s’appelle “Baba Yaga”, un énorme drone ukrainien de cinq mètres de diamètre utilisé dans l’Antiquité pour la pulvérisation agricole.

Transformé en arme de guerre, il donne vie à une sorte de vaisseau spatial capable de lancer des obus de mortier de 120 mm capables de détruire une maison. D’ailleurs, le premier, dans le village de Nizhnemakhovo, a récemment reçu la visite de Baba Yaga. Dans la mythologie slave, elle est la vieille sorcière qui fait peur aux enfants. De la maison, Baba Yaga n’aura laissé que quelques pans de murs vacillants, envoyant de vie à mort les soldats qui l’occupaient.

Archaïsme et technologie ultramoderne

Sergei gare son 4×4 sous un arbre et nous entrons dans le village à pied. La lumière s’estompe. Un mélange collant de pluie légère et de neige tombe. Sur la route principale, vous pouvez voir des soldats sur des quads rouler phares éteints. Les dernières positions russes se trouvent à quelques centaines de mètres. Ensuite, il y a le no man’s land, la zone grise que personne ne contrôle réellement, puis les positions ukrainiennes et la ville de Soudja dont ils ont fait leur quartier général dans l’oblast de Koursk. “Ça ne sert à rien de rouler sans pharessouligne Sergueï. Les Ukrainiens disposent de capteurs thermiques. Mieux vaut les laisser. Si l’un de leurs drones vous attaque, nous pouvons au moins tenter de nous échapper. »

De retour au véhicule, Sergei raconte un peu plus sa vie très particulière parmi les drones : « Un drone kamikaze FPV peut atteindre jusqu’à 120 km/h. Avec le pick-up Mitsubishi Outlander que nous avons à la base, on peut le perdre. Mais cela dépend du terrain. Avec un véhicule blindé, c’est impossible. Sinon, il faut mettre quelqu’un derrière avec un fusil ou un frein et abandonner rapidement le véhicule, qui est alors heurté par le drone. » Un fusil de chasse ? Contre un drone ? C’est certainement vrai, car dans la maison occupée par les soldats russes, il y en avait plusieurs.

“Je tue plus avec un drone qu’avec un obusier”

Ce mélange d’archaïsme et de technologie ultramoderne est la marque de cette guerre ukrainienne. Sergei et son équipe constituent une nouvelle génération de combattants. Avec leurs drones, ils ont rendu les chars obsolètes. Autrefois maître du champ de bataille, il est désormais chassé et ne sert plus qu’à servir d’artillerie. Avec le drone, le tireur d’élite a également perdu sa place. Pourquoi envoyer un gars avec son fusil abattre un seul adversaire, alors qu’un drone en élimine plusieurs ? Le scout appartient aussi au passé. Le drone peut faire tout cela. Entre celui de la reconnaissance et celui du kamikaze pour frapper, il est devenu la clé de voûte, avec un seul objectif : détruire l’adversaire. “Je tue plus avec un drone qu’avec un obusier”confirmera un soldat de l’escouade. Cela explique en partie pourquoi les progrès sur le front sont lents depuis deux ans.

La suite après cette annonce

Toute concentration de troupes et de véhicules blindés est immédiatement détectée et gérée par des drones en coordination avec l’artillerie. C’est pourquoi le combat d’infanterie est plus limité. Sergei le sait bien. Il regrette également qu’en novembre il y ait moins d’objectifs à « traiter » qu’en août dernier, lorsque son unité avait été appelée en toute hâte du Donbass pour stopper l’incursion ukrainienne sur le territoire russe.

Initialement, la mission des pilotes de drones était de protéger la centrale électrique de Kourchatov située plus au nord, qui était la cible numéro un des Ukrainiens. Les gardes-frontières avaient été mis en pièces par des unités d’élite ukrainiennes lors de leur guerre éclair. Une formation de Tchétchènes présente sur place s’est révélée incapable de réagir. Les prouesses militaires des hommes de Kadyrov sont souvent remises en question par Sergueï, qui travaille avec eux depuis la bataille de Marioupol. C’est l’armée régulière qui a finalement riposté pour arrêter les Ukrainiens, sans doute motivée par le fait qu’une puissance étrangère envahissait la Russie et que cela ne s’était pas produit depuis 1941.

L’avant-garde ukrainienne a bien failli s’emparer de cette antiquité cousine de Tchernobyl, au nez et à la barbe des Russes, peut-être un peu trop confiants dans leur victoire imminente et qui avaient négligé de garder leurs frontières. Cependant, Zelensky et son armée continuent de résister tandis que, de Koupiansk à Zaporizhia en passant par Kurakhovo, Pokrovsk et Toretsk, l’Ukraine recule sur tous les autres fronts. La raison ? Trump ou pas Trump, tant qu’il y aura des Ukrainiens sur le territoire russe, Poutine ne négociera pas. Poursuivre la guerre est la raison d’être du président ukrainien. C’est aussi un pari risqué, car l’Ukraine risque à terme de perdre encore plus de territoire…

L’issue de la guerre dépend en partie de ces fanatiques du jeu vidéo

De l’extérieur, le pilote de drone ressemble à un soldat normal, sauf que tout dans ses programmes est désynchronisé. Il veille tard, travaillant sur son matériel, mais aussi sur des simulateurs et des jeux vidéo qui ressemblent aux activités nocturnes de nos adolescents. Même sa nourriture ressemble à la leur : pizzas, burgers et boissons énergisantes commandés en ville à Kourchakov, plutôt que les pâtes au poulet et aux choux servies en salle à manger lorsqu’ils sont sur la base. Le réveil est parfois difficile. Sauf urgence, personne n’est réveillé à 10h. A la maison on les grondait, ici on se laisse aller à tous leurs caprices car l’issue de la guerre dépend en partie de ces geeks du jeu vidéo.

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Pilote de drone d’élite, Vlad contrôle une antenne qui lui permettra d’opérer jusqu’à 20 kilomètres à l’intérieur du système ennemi.

© Julie Perron/Omerta

Mais la nuit, au front, Sergueï et son adjoint Vlad se lèvent vers une heure. “ Baba Yaga – Le meilleur de Baba Yaga »Sergueï annonce. La radio crépite. Ce soir, c’est la pleine lune. Idéal pour un drone agricole devenu assassin à la recherche de sa récolte de sang russe. Sergei se prépare puis sort pour écouter la nuit. À son retour, il allume une cigarette et commence à étudier la carte sur la tablette où il a reçu les données des objectifs du lendemain. Ils doivent lancer quatre drones FPV sur des positions situées à Soudja, le quartier général ukrainien. Il montre ensuite la carte à son assistant Vlad, qui ne dort pas non plus. Le temps presse. Le sommeil gagne. On laisse les deux soldats “D’accord” dormir toute la nuit. Maintenant, ils regardent un film sur leur téléphone portable. L’écran illumine leurs visages. Tout autour, les autres soldats ronflent.

Ici, le pilotage de drones est la vie de rêve. Nous sommes certes la cible numéro un des Ukrainiens sur le champ de bataille, mais ce titre s’accompagne de quelques privilèges, comme celui d’échapper aux attaques d’infanterie où la durée de vie est réduite. C’est pourquoi, par exemple, Vlad a choisi les drones. Ses compagnons le surnommaient « le déserteur ». À proprement parler, c’est le cas. Il abandonne son bataillon dans le Donbass pour rejoindre Sergueï. C’était pour une bonne cause. Il est mieux servi ici en tant que pilote de drone d’élite que comme gardien d’une tranchée dans le Donbass.

Un Français en guerre

Sergei se démarque des autres soldats par son français impeccable. Normal, il est français. Le russe aussi, mais seulement depuis septembre dernier. Né d’une mère ukrainienne et d’un père français. Ancien du Prytanée militaire de La Flèche, sans la guerre du Donbass, il aurait fait carrière comme officier dans l’armée française. En 2014, la révolution Maïdan bouleverse sa vie. Au départ, il soutenait les partisans d’une Ukraine indépendante et les nationalistes. Mais la sécession des populations du Donbass de Kiev l’a fait changer d’avis. Ensuite, il s’y rendra secrètement une première fois.

En 2015, il est démis des rangs de l’armée française. Pour lui, cette guerre est une affaire intime. Son oncle a pris le parti de Kiev. Ils ont coupé tout contact. En , il est accusé d’avoir tenté de rejoindre Wagner ou d’être un agent du FSB. Sergueï le nie. Solidement engagé dans l’armée de Poutine, ne pas pouvoir voir son autre pays, la France, le rend malheureux. Aujourd’hui, Sergueï n’est pas le seul Français à combattre aux côtés des Russes parmi les chasseurs de drones. Il y a Gautier qui est arrivé il y a quelques jours. C’est aussi un ancien militaire. L’unité de drones a été baptisée « Normandie-Niemen », en mémoire des aviateurs français qui ont combattu aux côtés des Soviétiques pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le drone passe et explose à quelques mètres de l’équipe

Au réveil, Vlad contrôle une antenne qui sert à amplifier le signal et qui lui permettra de « travailler » jusqu’à 20 kilomètres à l’intérieur de l’appareil ennemi. La guerre des drones dépend des fréquences que nous utilisons jusqu’à ce que l’adversaire les bloque. Sergei demande si nous parlons chinois. Il aimerait comprendre les instructions d’un nouveau drone.

Le pick-up de la veille avait une crevaison. Il doit être réparé. C’est une bagatelle pour ces hommes, mais cela nous a quand même coûté une heure. Puis, départ, vers une zone située à l’est du village visité la veille. Arrivés à l’orée du bois, les hommes récupèrent le matériel du pick-up qu’ils cachent ensuite. Vlad grimpe alors à un arbre pour attacher son antenne. Ils se connectent, placent des charges sous les drones, des ogives de fusées RPG et des grenades. Le drone d’observation est lancé en premier. Suivez ensuite les FPV. Les deux premiers se dirigent vers une station-service fréquentée par des militaires ukrainiens dans la banlieue de Soudja. Ils sont trop lourds. Leur batterie se décharge à toute vitesse. Les drones tomberont avant d’atteindre la cible. Les deux prochains feront mouche.

Peu de temps après avoir lancé le dernier, Vlad se rend compte qu’il a capturé par inadvertance le flux vidéo d’un drone qui n’est pas le leur. C’est courant. Vlad pense d’abord qu’il s’agit d’un drone d’une autre unité. Mais en regardant l’image, il se rend compte que la position vers laquelle il se dirige est la sienne. Il s’agit d’un drone ukrainien dont ils ont capté la fréquence et qui se dirige droit vers eux pour se faire exploser. Action de combat. On laisse tout tomber pour se réfugier dans les sous-bois. Le drone passe et explose à quelques mètres de l’équipe.

 
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