Il ne se passe pas un jour sans que le sujet du climat fasse la Une de tous les médias. Les phénomènes bulletin météobulletin météo les extrêmes et leurs conséquences sont sur toutes les lèvres, à juste titre. Mais n’avons-nous pas l’impression d’oublier quelque chose de fondamental ? Biodiversité.
Les COP se succèdent, mais ne suscitent pas toutes le même intérêt. Que ce soit au niveau politique, médiatique ou grand public, la COP consacrée à la biodiversité (qui a eu lieu en octobre dernier en Colombie) a été complètement écrasée par celle consacrée au climat, qui se tient actuellement en Azerbaïdjan.
Allain Bougrain-Dubourg, célèbre journaliste de télévision et de radio, a consacré sa vie à la protection de la nature. Depuis 1986, il est président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et a également été chargé de la mission de protection animale pendant plusieurs années auprès du ministère de l’Agriculture.
Quel est l’état de la biodiversité aujourd’hui en France ?
Alain Bougrain-Dubourg : On ne prend pas la mesure d’une réalité dramatique, le déclin s’accélère. Même si nous avons montré que nous étions capables de résiliencerésilience. Certaines espèces qui disparaissaient dans les années 1970 se portent mieux : les castors, les grands rapaces comme les chouettes et les vautours. Nous avons réussi avec ces espèces emblématiques, par contre le déclin de la biodiversité ordinaire s’est aggravé, celles qui sont sur nos côtes et que l’on ne voit pas : 70% des insectes ont disparu. Au niveau européen, 800 millions d’oiseaux ont disparu en quatre décennies. Pourtant, l’oiseau est officiellement l’indicateur de l’état de la biodiversité.
Quelle est l’espèce dont la survie vous inquiète le plus en France actuellement ?
Alain Bougrain-Dubourg : Le Vison européenVison européen. Il reste 150 individus dans le sud-ouest, soit 10 fois moins que les pandas ! Il y a aussi l’ortolan qui a perdu 80% de sa population en 40 ans, il en est de même pour la tourterelle. boisbois. Mais le déclin est général à tous les êtres vivants.
Alain Bougrain-Dubourg : La première raison est l’agriculture industrielle dans le monde. C’est pareil partout, en Asie il y en a déboisementdéboisement pour l’huile de palme ; en Amérique du Sud, nous déforestons militairemilitaire. Nous devrions faire de l’agroécologie. Parler au monde agricole est très difficile et nous avons tout essayé. Avec les plus petits producteurs, nous pouvons dialoguer, notamment pour des programmes de protection comme le busard busard. Nous identifions les sites de nidification et localisons les fauches, en rémunérant les agriculteurs. Il y a des possibilités d’action chez certains, mais globalement, il y a un rejet quand on dénonce l’usage de pesticidespesticidesmême s’il existe des risques pour les agriculteurs eux-mêmes. Il est aujourd’hui plus compliqué de sauver des espèces qu’il y a 50 ans.
Une étude de l’agence Bona fidé, qui vient de paraître, montre que 82% des maires municipaux s’inquiètent de la disparition de la biodiversité, 87% pensent même que la biodiversité est un moyen de lutter contre le réchauffement climatiquele réchauffement climatique. Et pourtant, 59% estiment manquer de moyens financiers pour lutter contre sa disparition.
Pourquoi parle-t-on beaucoup moins de la disparition de la biodiversité que du problème du réchauffement climatique, selon vous ?
Alain Bougrain-Dubourg : Une des explications est qu’on voit les effets dévastateurs du climat, alors qu’on ne voit pas à quoi sert la biodiversité, on considère qu’on peut s’en passer sans en mesurer les conséquences.
Que faire pour placer la biodiversité comme sujet central, au même titre que celle du climat ?
Alain Bougrain-Dubourg : Il y a un Haut Conseil pour le Climat, mais il n’y a pas de Haut Conseil pour la Biodiversité, il faut qu’il devienne le Haut Conseil pour le Climat et la Biodiversité. Pour le climat, nous avons des indicateurs et des réponses assez simples, nous mesurons le carbonecarbone Par exemple. Mais nous n’avons pas les mêmes indicateurs en matière de biodiversité, car la problématique est très diversifiée. Nous avons aussi perdu la proximité avec la nature : dans les années 1970, il y avait des « classes nature », on emmenait les enfants découvrir tritonstritons dans les étangs, et cela n’arrive plus. Mais cela compte également pour la protection de l’environnement.
Que pensez-vous de la COP16 biodiversité qui s’est terminée, sans qu’aucun véritable accord ne soit finalement trouvé ?
Alain Bougrain-Dubourg : Je suis à la COP depuis 1992 à Rio, j’ai vécu des moments de bonheur et d’espoir avec les premiers engagements des nations. Tout a été dit, nous nous sommes engagés en 2010 à stopper le déclin de la biodiversité, et nous avons à chaque fois repoussé cette échéance. Nous avons également réduit nos objectifs pour les rendre plus faciles à atteindre.
Puisque le climat est au cœur des discussions, se pose aussi la question du développement des énergies renouvelables : mais dans certains cas, on constate des effets contreproductifs sur la biodiversité, trop rarement évoqués…
Alain Bougrain-Dubourg : J’ai demandé qu’il n’y ait pas d’énergie éolienne dans la forêt et j’en ai déjà parlé au ministère de l’Agriculture. Il faut aussi regarder l’effet cumulatif : si on implante des éoliennes sur tout l’arc atlantique, cela a un impact sur les oiseaux. migratoiremigratoire. Concernant le photovoltaïque, de nombreux agriculteurs sont tentés de céder leurs terres pour implantimplantmais là aussi l’impact dépend du type de panneaux utilisés. Ce qui est sûr, c’est que mettre des panneaux dans un broussebroussec’est stériliser un site potentiellement favorable à la biodiversité. Nous devons accepter une stratégie simple : nous ne mettons pas d’énergies renouvelables dans les zones Natura 2000Natura 2000 et d’autres zones de protection. Faire cela avec un doigt mouillé est inacceptable !
Que souhaitez-vous dire au grand public, mais aussi aux décideurs, pour vous aider dans votre combat pour la biodiversité ?
Alain Bougrain-Dubourg : Pour le grand public, rejoignez une association de protection de la nature ! Que ce soit le LPOLPOou un autre. Plus nous avons de membres, plus cela nous permet d’être mieux reconnus par l’exécutif. Et pour l’exécutif, il suffit de respecter la loi et d’écouter la science : nous avons des réglementations admirables, si elles étaient mises en œuvre, il n’y aurait pas ce déclin de la biodiversité.