Pronote, Educ’horus… Quand les logiciels de la vie scolaire font de vous les « esclaves de la note »

Pronote, Educ’horus… Quand les logiciels de la vie scolaire font de vous les « esclaves de la note »
Pronote, Educ’horus… Quand les logiciels de la vie scolaire font de vous les « esclaves de la note »

“C’est génial d’avoir ça”. Juliana est maman d’une écolière de 12 ans en 5ème et ne tarit pas d’éloges sur Pronote, le logiciel de vie scolaire qui lui permet de suivre le quotidien de sa fille à l’école. « J’y vais plusieurs fois par jour, au moins deux fois, ne serait-ce que pour vérifier son emploi du temps ou la présence des professeurs »confie-t-elle. Cette mère consulte aussi assidûment les notes de sa fille dès qu’elle tombe sur le logiciel. “Je trouve ça bien pour savoir où pêche l’enfant et agir plus vite sur tel ou tel sujet”elle explique, “Cela implique énormément les parents dans la vie scolaire de l’enfant, ce qui n’était pas le cas avant”.

Sa fille Anta est tout aussi souvent connectée à Pronote, et pas seulement pour consulter ses devoirs. « Chaque jour, dès que je rentre de l’école, je pose mon sac, je prends mon goûter et je vais directement voir ma moyenne générale. Là, ça a un peu baissé, je suis à 12,7 alors qu’avant c’était à 13. J’étais choqué et un peu triste”, confie-t-elle. La collégienne avoue aussi ressentir un peu de stress avec ce logiciel qui peut parfois même permettre à ses parents de découvrir une note avant elle. « J’ai un peu peur si j’ai de mauvaises notes… ».

Ces espaces numériques partagés entre établissements et familles existent depuis maintenant un peu plus de dix ans. Du côté des enseignants, les résultats sont mitigés. « C’est un formidable outil de suivi pour les parents et les enseignants, mais c’est aussi un outil qui génère aussi beaucoup de stress et d’anxiété permanente »témoigne Pierre Priouret, professeur de mathématiques dans un lycée de Toulouse et membre du syndicat SNES. Claire Fortassin, professeur de philosophie en Seine-Saint-Denis, également membre du SNES, abonde dans ce sens. « L’utilisation de plateformes sur lesquelles les notes sont saisies directement et accessibles à distance tend à faire des notes l’alpha et l’oméga de l’apprentissage. » se lamente-t-elle.

Ce professeur dénonce cela «immédiateté de la note» ce qui tend à faire “Les étudiants sont esclaves de la note” et « augmenter le stress ». « Sachant qu’une note n’est jamais une note seule, une note va avec un commentaire, une appréciation, une note ne dit pas forcément la même chose selon la période de l’année où l’on se trouve. C’est ça. est complètement écrasé, ce sont des choses qui disparaissent complètement de Pronote et ça devient aussi un peu alarmant sur la relation qu’on a avec nos élèves quand on devient une machine à mettre des notes”, elle regrette.

« On s’éloigne des apprentissages qui permettent de s’émanciper. »

Claire Fortassin, professeur de philosophie

sur franceinfo

« Il arrive même que l’on reçoive un message si, par exemple, on saisit des notes le week-end, alors même que l’élève n’a pas consulté sa copie, soit de la part d’un élève, soit d’un parent disant ‘Je ne comprends pas ma note’ ou ‘ Je ne comprends pas la note de mon enfant alors qu’il n’a pas la copie devant lui », témoigne le professeur.

Pour contrer ces effets, certains enseignants s’adaptent et trouvent des solutions. Pour « préserver la relation éducative »Pierre Prioret explique qu’il “définir la publication des notes pour qu’elle restitue d’abord la copie”. Claire Fortassin a décidé de ne plus entrer en classe pour le moment mais plutôt d’attendre la fin du trimestre. Ces enseignants estiment que cette importance excessive accordée aux notes a été renforcée par l’instauration du contrôle continu au lycée, ce que confirme Manès Nadel, président du Syndicat des lycées. « Si les notes sont si importantes, si elles génèrent un tel stress, c’est parce qu’en fait elles sont importantes. Plus l’échéance de Parcoursup se rapproche, plus on y prête attention et cela fait que les lycéens eux-mêmes sont tendus, regardent cela en permanence et sont encore plus prompts à protester”, assure le lycéen.

« Aujourd’hui, les notes ne sont plus une caractéristique qui permet d’évaluer nos progrès tout au long de l’année, mais plutôt un critère qui correspond effectivement à un suivi constant. »

Manès Nadel, président du Syndicat des lycées

sur franceinfo

Dans une synthèse des travaux du Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco) rendue publique en 2023, on lit que l’évaluation représente une Source de stress pour un élève sur deux. Dans leur note, les experts déplorent une évaluation trop centrée sur la note et la moyenne et appellent à repenser les modalités de contrôle, rappelant que l’évaluation peut être « la meilleure des choses » quand elle est « au service de l’apprentissage » mais aussi “la pire chose” quand il génère « découragement, détérioration des performances, baisse de l’estime de soi et de la motivation ».

 
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