L’Ukraine vient de vivre mille jours de guerre. Alors que vous êtes encore en exil, dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Je ne suis pas qu’un maire en exil, j’ai été chassé par les Russes. Au troisième jour de la guerre, la ville est encerclée par l’ennemi. On comptait alors plus de 400 000 habitants. Poutine a ordonné d’attaquer avec l’artillerie lourde et son aviation. Toutes les vingt minutes, nous étions bombardés. Il ne reste plus que 100 000 habitants.
Ces batailles ont fait de Marioupol une ville martyre. À votre avis, combien de victimes ?
On estime le nombre de décès à plus de 22 000. Sachez que c’est deux fois plus que pendant la Seconde Guerre mondiale. A Marioupol, 936 bâtiments ont été détruits avec leurs occupants. C’est une tragédie.
« Lorsque la Russie ressentira ce que nous vivons, la réponse sera symétrique »
La Russie a encore intensifié ses attaques. Êtes-vous inquiet pour la suite de la guerre ?
Nous sommes inquiets. L’aide à l’Ukraine n’est pas systématique et n’arrive pas au bon moment. La réponse doit être forte. Nous devons avoir une position commune, c’est ainsi que nous arrêterons la guerre.
Les États-Unis ont autorisé l’Ukraine à utiliser ses missiles à longue portée. Approuvez-vous ce choix de frapper sur le territoire russe ?
Chaque jour les Russes nous détruisent, chaque jour il y a des victimes, nous dormons dans les sous-sols et les caves. Lorsque la Russie connaîtra ce que nous vivons, la réponse sera symétrique. Et nous attendons cette réponse depuis trois ans.
« Que diriez-vous si vous ne pouviez plus voir les tombes de vos parents ? »
Attendez-vous que la France délivre également cette autorisation ?
Nous l’espérons, mais pas seulement depuis la France. Nous l’espérons de la part de l’Allemagne et de tous les partenaires européens. Nous avons besoin de ces décisions pour la victoire.
Malgré la guerre, vous préparez la reconstruction de Marioupol…
C’est deux années de travail grâce aux villes européennes, dont Le Havre, et aux meilleurs architectes. Ils ont imaginé le Marioupol de demain. Ce travail a également été mené auprès de tous ceux qui ont fui Marioupol. Nous avons désormais une bonne vision de l’avenir de la ville.
Les Russes assurent qu’ils reconstruisent Marioupol…
Ils ont construit des logements, mais combien en ont-ils détruit ? Plus de 100 000 personnes ont perdu leur logement. Si vous regardez ces constructions et tournez la tête, vous voyez tous les bâtiments détruits. C’est de la propagande russe. Nous pouvons également prendre en compte nos 22 000 décès. Qu’ils répondent de tous ces décès.
Pour faire la paix, Vladimir Poutine exige de conserver les territoires conquis. Que répondez-vous ?
Que diriez-vous si vous étiez expulsé de votre maison ? Et si vous deveniez sans abri, et si vous ne pouviez plus voir les tombes de vos parents ? C’est notre maison. Poutine veut nous exterminer. Il faut se battre, je suis à côté de notre président. Nous devons restituer les villes occupées par les Russes. L’agresseur terroriste doit être puni, la justice doit gagner. L’argent de Poutine doit être consacré à la reconstruction de l’Ukraine et au remboursement des victimes.
