« La gauche insoumise doit être combattue avec les mêmes mots que l’extrême droite »

« La gauche insoumise doit être combattue avec les mêmes mots que l’extrême droite »
« La gauche insoumise doit être combattue avec les mêmes mots que l’extrême droite »

FIGAROVOX/TRIBUNE – La référence historique du Front populaire a permis à la France insoumise de « s’octroyer une position morale avantageuse », alors même que ses dirigeants politiques multiplient les propos extrémistes, estime l’éditorialiste Eliott Mamane.

Eliott Mamane est chroniqueur pour plusieurs journaux.


La campagne pour les élections législatives, aussi courte qu’intense, repose sur une étonnante asymétrie. Si le Rassemblement national est condamné pour ce qu’il a été, la France Insoumise bénéficie d’une clémence surprenante de la part des dirigeants politiques.

La gauche ne cesse de convoquer l’Histoire. Elle entend trouver dans le passé une charge morale capable de prescrire les choix politiques du présent. Elle cherche ainsi à multiplier les moments « d’orgie analogique », selon les mots d’Alain Finkielkraut, afin de représenter un espace partisan partagé entre un camp qui a déjà témoigné de son abomination et un autre qui serait la seule voie de salut. Si la démarche est étrangère à l’honnêteté, elle est d’une redoutable efficacité rhétorique. « Moi ou le chaos », prévient Emmanuel Macron ; « Moi ou les fascistes », clame le bien nommé Nouveau Front Populaire.

Les références historiques qui servent actuellement le discours progressiste ne se limitent pas à la confiscation de l’héritage du Front populaire. La convocation de Léon Blum ne sert pas simplement à rappeler qu’hier comme aujourd’hui, les dirigeants de gauche ont accepté de renoncer à bon nombre de leurs engagements spécifiques pour privilégier l’union au détriment de la sincérité de leurs différentes convictions. Il s’agit aussi d’affirmer que le danger fasciste qui menaçait autrefois la démocratie se présente aujourd’hui avec la même vigueur qu’au siècle dernier.

Cependant, quitte à pleurer sous prétexte de craindre le crépuscule prochain de l’État de droit, constatons que toutes les raisons qui nous poussent à avoir horreur de l’extrême droite se retrouvent désormais de l’autre côté de l’échiquier politique. . Pour cette raison, il serait d’ailleurs erroné de vouloir répondre à la rhétorique prétendument antifasciste par la condamnation d’une extrême gauche transposée comme un monolithe d’un siècle à l’autre. D’un point de vue économique, tout d’abord, la stimulation abusive de la demande qu’apporte le Nouveau Front Populaire n’est pas anticapitaliste comme le serait une extrême gauche au sens historique : ces partis veulent introduire un principe extrême de redistribution dans le système politique. système capitaliste plutôt que d’adopter des solutions véritablement d’extrême gauche. Par ailleurs, l’anticléricalisme et l’hostilité au sentiment religieux exprimés sans nuance par les partis d’inspiration marxiste ne peuvent caractériser l’inquiétante complaisance de la France insoumise à l’égard de l’islamisme.

Nos esprits raisonnables devraient, pour l’essentiel, s’accorder sur la nécessité de dénoncer ce qui constitue véritablement l’extrême droite.

Eliott Mamane

Bref, l’extrémisme politique a une définition précise et utiliser ce signifiant pour dénoncer des idées qui nous paraissent extrêmement dérangeantes nous paraît moyennement pertinent. Et même si ce qualificatif suffisait à conclure tout débat, notons que toutes les figures qui appartenaient de fait à l’extrême droite au sens historique et idéologique ont été savamment écartées par Marine Le Pen au cours de la dernière décennie. De ce point de vue, il est surprenant d’entendre, sur un nombre toujours croissant de plateformes depuis le début de la campagne législative, que Jordan Bardella serait soutenu par des membres du Groupe Union de Défense (GUD) au sein du parti, alors que « Axel Loustau et Frédéric Châtillon, derniers survivants de cette organisation violente, ont été bruyamment exclus du RN il y a quelques mois.

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Ainsi, nos esprits raisonnables devraient, pour l’essentiel, s’accorder sur la nécessité de dénoncer ce qui constitue véritablement l’extrême droite : la réduction de tout adversaire idéologique au rang d’ennemi biologique ; le recours à la violence à des fins politiques ; la conquête du pouvoir institutionnel au mépris du suffrage démocratique ; ou l’appel au rejet de certains citoyens en raison de ce qu’ils sont (par l’antisémitisme, l’homophobie, le traditionalisme). Le Rassemblement national a pleinement opéré un « aggiornamento » qui l’a extrait de ses racines d’extrême droite. S’il doit encore opérer un profond virage libéral pour apparaître comme une alternative crédible aux partis de gouvernement préétablis, opposer à sa proposition nationale populiste un argument antifasciste ne peut s’avérer efficace. Comme le soulignait Pierre-Henri Tavoillot dans l’émission de David Pujadas sur LCI lundi 17 juin, le RN se situe peut-être à l’extrême droite d’un «géographique», mais pas politique.

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En revanche, la rhétorique du retour aux années 1930 permet astucieusement de s’octroyer une position morale avantageuse. S’il est moins une réflexion qu’une démonstration de vertu, il offre à la gauche, soigneusement unie sous la bannière du Front populaire, la prétention de s’opposer aux mêmes adversaires qu’au siècle précédent. Il est cependant regrettable que la gauche tout entière se soit compromise avec la France insoumise. C’est ce parti qui, aujourd’hui, tolère la violence dans ses rangs, au point de désigner le porte-parole d’un groupe antifasciste violent. C’est ce même parti qui, chaque dimanche d’élection, accuse les instituts de sondage et avec eux les médias de complices d’un sombre système de minimisation volontaire des premières estimations du score de LFI. Enfin, c’est ce parti qui tolère l’antisémitisme et l’homophobie tant qu’ils sont l’œuvre d’individus qu’il ne peut condamner. La députée européenne Rima Hassan a par exemple estimé que la pensée de Stéphane Séjourné était contrôlée par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF).

Si ces maux nous ont amenés à nous opposer irrémédiablement à l’extrême droite, pourquoi ont-ils été tolérés à partir du moment où les coupables ont changé de camp ? La gauche de coalition invite ses contemporains à ne pas reproduire les erreurs du passé ; espérons qu’il soit entendu : l’aveuglement collectif peut s’avérer mortel.

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