Le monde de l’intelligence artificielle générative est entièrement consacré à eux : les agents. Et pour cause : ce type d’IA, capable de réaliser de manière autonome une série de tâches relativement complexes, doit ouvrir toute une nouvelle palette de cas d’usage pour une technologie qui en manque encore aujourd’hui.
Dans la course à cette IA dite « agentique », la start-up française H a posé ses pions en mai, grâce à une levée de fonds record de plus de 200 millions d’euros. Elle livre ce mardi son premier agent, baptisé Runner H, capable de naviguer sur le web et les différents logiciels d’une entreprise pour effectuer un large éventail de tâches. Tout cela, en toute autonomie, sous la simple surveillance d’un humain.
Jusqu’à présent, les leaders du secteur OpenAI, Anthropic et autres Google se sont concentrés sur la création de très grands modèles de langage, les fameux LLM. Les agents vont plus loin : c’est l’orchestration – par d’autres architectures d’IA – de ces LLM pour qu’ils disposent d’une forme de pouvoir de décision. Le résultat est des modèles d’IA dotés de meilleures capacités de raisonnement, de collaboration et de planification.
De là à voir l’avenir de la technologie ? Avec le lancement de Runner, H affirme avoir fait un pas de plus vers « superintelligence artificielle », cette IA capable d’un niveau de raisonnement à l’échelle humaine, rêvé par les dirigeants du secteur. Mais pour l’instant, il se concentrera sur un objectif presque tout aussi futuriste : offrir aux entreprises un « équipe d’agents virtuels ».
La nouvelle IA « o1 » d’OpenAI, un premier pas vers la superintelligence
Libérer l’utilité de l’IA générative
« Le fait que le battage médiatique [l’attention, NDLR] passer des LLM aux agents est une bonne chose, car on parle enfin d’usages concrets en entreprise. Les agents peuvent être le déclencheur de la transformation de la bulle LLM en un phénomène plus durable », s’enthousiasme Jean-Baptiste Bouzige, PDG d’Ekimetrics, société spécialisée dans le déploiement de l’IA à l’échelle industrielle.
« De nombreux acteurs, comme nous, commencent à créer des agents car c’est le moyen le plus évident de tirer de la valeur des LLM. Au lieu de donner un outil aux entreprises, nous leur donnons un résultat en fonction des objectifs qu’elles se sont fixés. », ajoute-t-il.
Son discours rejoint celui de H, qui promet ainsi « automatiser les flux de tâches complexes et répétitifs » grâce à ses agents. Mais la start-up va plus loin en parlant de l’inauguration » d’une nouvelle ère de l’IA, qui entre en action dans le monde réel ».
Le premier exemple concret donné par la start-up concerne le recrutement. L’agent peut publier des offres d’emploi, compiler des CV et envoyer des rappels personnalisés aux candidats. Mieux encore, il peut enrichir les candidatures avec des informations trouvées en ligne (par exemple sur LinkedIn). Bref : la jeune pousse promet de « réduire les semaines de travail à quelques instants » et ce tout au long du processus de recrutement, de l’ouverture du poste jusqu’à l’intégration du nouvel arrivant. En théorie, le recruteur se retrouve déchargé de tout travail administratif et n’a plus qu’à se concentrer sur les entretiens et sa prise de décision. Autrement dit, du côté humain.
Cet exemple n’est que le premier d’une longue liste, la jeune entreprise promettant de fluidifier extrêmement de nombreux processus métiers lourds, comme l’assurance qualité des sites e-commerce – qui consiste à vérifier leur bon fonctionnement et garantir leur maintenance – ou encore la gestion. des flux de facturation et de remboursement des soins de santé, aujourd’hui souvent confiés à des sociétés externes.
L’intelligence artificielle passe à l’action
Des promesses à tenir
« L’objectif de Runner H est de permettre à chacun de libérer du temps pour la créativité, l’innovation et les relations humaines. », résume Charles Kantor, co-fondateur et PDG de H.
Ces promesses ne sont pas nouvelles, et elles font même directement écho au discours déjà porté par la vague des assistants IA comme le Copilot de Microsoft. Une première vague au succès relativement mitigé pour l’instant, la faute au difficile calcul de l’équilibre entre gains de productivité et surcoûts.
Mais il existe une différence majeure, au moins théorique, entre les deux outils. Contrairement à l’assistant, l’agent peut prendre en charge une série d’actions à partir d’une simple instruction simple, où il faudrait guider l’assistant étape par étape, et détailler par la même occasion la procédure à suivre. écrite ou orale. Seule la confrontation des agents avec des business cases concrets révélera leur efficacité ou non.
Pour tenir ses promesses, H a développé ses propres petits LLM, aux performances supérieures aux modèles équivalents du marché. Autrement dit, la start-up contrôle toutes les pièces du puzzle, où de nombreux agents créateurs resteront dépendants d’autres sociétés pour le cœur de l’outil.
« Utiliser l’IA est une question de vie ou de mort pour une entreprise » (Emilie Sidiqian, Salesforce)
Une nouvelle star de l’IA française
H aura besoin de tous ces atouts pour s’imposer dans un domaine qui s’annonce très compétitif, où des géants technologiques comme Salesforce développent déjà leurs propres agents intégrés. « Nous n’en sommes qu’au début. Les possibilités sont infinies et nous avons l’intention d’aller au-delà des lois d’échelle que nous connaissons aujourd’hui. » ambitionne le dirigeant dans son communiqué.
Avec ce coup d’État, H pourrait se placer sous les projecteurs de la scène mondiale de l’IA. Un statut que seul Mistral a réussi à obtenir en France. Mais la start-up a donné quelques frayeurs. Elle a subi en août le départ de trois de ses cinq fondateurs, Karl Tuyls, Daan Wierstra et Julien Perolat, tous connus pour leur travail chez Google DeepMind, notamment sur les agents. Le duo français composé du PDG Charles Kantor (ancien chercheur à l’université de Stanford) et de son Directeur des Nouvelles Technologies Laurent Sifre (également ex-Google Deepmind) s’est retrouvé seul à la tête d’une équipe de plus de 40 ingénieurs et chercheurs.
La start-up a annoncé « différences opérationnelles » sur LinkedIn, et l’affaire s’est arrêtée là. Le lancement de Runner H à peine 6 mois après la création de l’entreprise valide la capacité des managers à maintenir le cap. Et avec son financement XXL, elle a les moyens de ses ambitions, à l’échelle mondiale.