« Je n’aurais jamais imaginé que cela prenne cette tournure »

« Je n’aurais jamais imaginé que cela prenne cette tournure »
« Je n’aurais jamais imaginé que cela prenne cette tournure »

Au tribunal judiciaire de Paris,

Les Américains ont un « pizza gate ». Une théorie boiteuse, qui circule depuis des années, selon laquelle un proche d’Hillary Clinton serait lié à un réseau pédophile opérant dans le sous-sol d’une pizzeria de Washington. En France, l’affaire qui bouscule la sphère complotiste implique l’épouse du président de la République, et son frère Jean-Michel Trogneux. Ce dernier aurait changé de sexe, pris « Brigitte » comme prénom, et exercé le métier d’enseignante sous cette identité. Il rencontre alors Emmanuel, un de ses élèves alors âgé d’une quinzaine d’années. Un secret protégé par les plus hautes autorités de la République, avec la complicité des médias.

La rumeur a pris de l’ampleur en décembre 2021 après la diffusion, sur YouTube et Twitch, d’une interview de Nathalie Rey. Cette « journaliste indépendante » de 54 ans, qui se fait appeler « Natacha », affirme avoir « enquêté pendant trois ans » sur l’épouse d’Emmanuel Macron. Pendant environ 4 heures, Delphine Jégusse, une « médium » de 50 ans sous le pseudonyme « Amandine Roy », l’écoute développer sa thèse, lui pose des questions, acquiesce. Seule cette dernière est présente, ce jeudi, au tribunal judiciaire de Paris, la théoricienne du complot « Élise Lucet » s’étant montrée pâle.

CIA, détournement de mineurs et « mensonges d’État »

Le président de la 17e chambre, devant laquelle les deux femmes sont jugées ce mercredi pour diffamation, décide de projeter quelques pièces choisies. Non sans quelques problèmes techniques. « Normalement, ça marche. Eh bien non », s’amuse le magistrat. Impossible de projeter de longs extraits sur écran géant. Vous devrez donc vous contenter de l’écran de l’ordinateur de l’huissier.

Lors de cet entretien teinté d’homophobie, Nathalie Rey se dit intriguée par « l’étrangeté » du « physique » de Brigitte Macron. Elle a été amenée à mener des recherches sur elle car elle ne croyait pas « à la version officielle de sa vie passée ». « Il n’y a rien qui tienne la route. » La journaliste autoproclamée a donc « tenté d’en savoir un peu plus » sur ce qu’elle qualifie de « scandale extrêmement grave », de « légende officielle ».

Les deux femmes parlent ensemble d’une mystérieuse opération de la CIA ; la falsification de documents administratifs destinés à cacher que la première dame était en réalité un homme ; des gens qui n’auraient jamais existé, comme le premier mari de Brigitte Macron ; « détournement » de mineurs ; la crise sanitaire ; photos de famille retouchées; d’un président de la République « sous contrôle mental » de son épouse ; d’un « mensonge d’État ».

“Respect du droit à l’information”

Pantalon et veste en jean bleu, cheveux courts, blonds et bouclés, Delphine Jéguousse monte à la tribune. La prévenue explique au tribunal qu’elle ne connaissait pas Nathalie Rey avant de tourner cette vidéo. Ce dernier l’a contactée car « elle avait des difficultés à rendre visible son travail ». « Je me suis senti obligé de lui ouvrir ma chaîne, par respect du droit à l’information. » Elle affirme qu’elle « ne s’est jamais appropriée » cette « enquête », que l’entretien a été compliqué à mener. Au cours de cet entretien, les deux femmes, dit-elle, « soulèvent des questions » et présentent aux spectateurs des « questions anormales » gardées sous silence par « les grands médias » dont elle se méfie.

“Je n’aurais jamais imaginé que cela prendrait cette tournure”, assure la prévenue, ajoutant que la thèse défendue par son invité “est devenue virale dans le monde entier”. Selon elle, l’affaire a pris d’autres proportions « après le retweet d’un compte Twitter ». Mais à l’entendre, Delphine Jégusse, qui “ne se prétend pas journaliste”, aurait enduré ce très long entretien avec Nathalie Rey, ce qui l’aurait empêché de prendre ses distances avec les propos tenus. « C’est compliqué à cadrer. C’était mon premier entretien, si c’était à refaire, ça ne durerait pas 4h30 comme ça. »

L’un des évaluateurs se demande pourquoi Delphine Jégousse remet en cause le travail des grands médias mais pas celui de Nathalie Rey. Cette dernière, grogne la prévenue, lui a donné des « éléments factuels ». Et elle aurait souhaité que les journalistes professionnels fassent « eux-mêmes des contrôles ». « Il fallait poursuivre l’enquête. » Pourtant, comme le notent les trois magistrats, dans cette vidéo, elle semble « confirmer » et adhérer à la thèse avancée par le soi-disant enquêteur, sans jamais en douter. Pourquoi ce « sujet » était-il si « sérieux » selon elle ? « Ces gens, à ce niveau de pouvoir et de représentativité, il faut pouvoir savoir s’il y a eu un mensonge. »

“C’est vraiment surréaliste”

« As-tu peur de quelqu’un ? » demande son avocat. «Je suis en quatre procédures pour les deux Macron», répond Delphine Jégousse en larmes. En janvier 2023, le chef de l’État a notamment porté plainte contre elle après la publication d’une affiche le montrant sous les traits d’Adolf Hitler avec le slogan « Obéissez et faites-vous vacciner ».

«C’est vraiment surréaliste», plaide Me Jean Ennochi, qui présente au tribunal les actes de naissance de ses deux clients. Un document qui comporte notamment la date du mariage et du divorce de Brigitte Macron. « Nous ne pouvions pas modifier ces documents, sauf si c’était la CIA », plaisante-t-il. On y voit également la carte d’électeur de Jean-Michel Trogneux « qui a été tamponnée » lors des dernières élections. “Comment aurait-il pu voter il y a dix jours s’il était vraiment introuvable ?” » Selon lui, « le préjudice est énorme » et « doit être indemnisé » à hauteur de 20 000 euros pour ses clients.

« Rien à voir avec de la diffamation »

Il ne faut pas « attribuer » à Delphine Jégousse les allégations de Natacha Rey qui était « en roue libre », plaide son avocate, Me Maud Marian. Son client « ne doit pas payer aujourd’hui les propos » tenus par son invité.

Pour l’avocat de Natacha Rey, Me François Danglehant, « les propos en cause n’ont rien à voir avec de la diffamation ». “C’est une enquête critique sur la biographie officielle de Brigitte Macron qui contient des trous dans le vacarme”, tente-t-il avec un style qui lui est propre.

La décision était réservée jusqu’au 12 septembre 2024.

 
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