Kyiv les a exigés, Washington a finalement exaucé son souhait. L’Ukraine a reçu l’autorisation d’utiliser des missiles ATACMS à longue portée, fournis par les Etats-Unis, pour frapper le territoire russe, selon un responsable américain cité dimanche par l’AFP et trois sources interrogées par Reuters. Il s’agit d’un changement stratégique majeur à quelques semaines de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a évoqué cette information lors de son discours quotidien dimanche soir, sans la confirmer directement. Rappelant l’importance de « capacité à longue portée » de son armée, il a noté que“Aujourd’hui, de nombreux médias rapportent que nous avons reçu l’autorisation de prendre les mesures appropriées.” «Mais les grèves ne se font pas avec des mots. Des choses comme celle-ci ne sont pas annoncées. en représailles Volodymyr Zelensky. “Les missiles parleront d’eux-mêmes.”
Alors, que savons-nous exactement de ces missiles et quel pourrait être leur impact sur la guerre en Ukraine ?
Une autonomie de 306 km
Missiles ATACMS, pour Système de missile tactique de l’arméese prononcent « attack’ems » en anglais (une contraction de « attaquez-les ») et sont considérés comme des missiles balistiques à courte portée. Selon le New York Times, ils peuvent atteindre des cibles à environ 190 milles, ou 306 kilomètres. Ils transportent 226 kg de charge explosive selon leur constructeur Lockheed Martin.
Conçus dans les années 1990 et utilisés pour la première fois en Irak en 1991, les missiles ATACMS avaient depuis cessé d’être produits en série, faisant craindre aux Etats-Unis une rupture de stock en cas d’expédition excédentaire en grande quantité vers un pays tiers. Selon une estimation récente du site spécialisé Defense Express, Washington disposerait de 2 500 ATACMS, dont 1 500 d’une portée de 300 kilomètres.
Mais, selon le responsable des acquisitions de l’armée américaine, Doug Bush, cité par Politique, et «nom important» des missiles ont été commandés il y a quelques années. Une activité accrue dans la chaîne de production devrait désormais permettre aux États-Unis d’approvisionner des pays alliés comme l’Ukraine sans avoir d’impact sur les capacités militaires américaines, selon ce responsable.
L’Ukraine les utilisait déjà
Washington a livré ces missiles ATACMS à l’Ukraine pour la première fois en octobre 2023, mais leur portée était encore limitée à 165 kilomètres. Leur nouvelle version, à portée presque doublée, a été utilisée pour la première fois par l’armée ukrainienne en avril 2024 selon l’agence américaine Associated Press.
Leur utilisation était alors limitée au territoire ukrainien. Des cibles en Crimée, annexée en février 2014 par la Russie, et dans d’autres territoires occupés ont été prises pour cible en avril dernier par les forces ukrainiennes.
La région de Koursk comme première cible
L’utilisation de ces armes permettrait à l’Ukraine d’atteindre les sites logistiques de l’armée russe et les aérodromes d’où décollent ses bombardiers.
Les missiles ATACMS fournis par les États-Unis devraient dans un premier temps être utilisés dans la région frontalière russe de Koursk, où des soldats nord-coréens ont été déployés en soutien aux troupes russes, selon le ministère. New York Times, qui cite des responsables américains s’exprimant sous couvert d’anonymat. La décision de Washington d’autoriser l’Ukraine à utiliser ces missiles est intervenue en réaction à ce déploiement de troupes nord-coréennes, selon ces responsables.
Pour John Hardy, du think tank américain Foundation for Defence of Democracies, « Permettre à l’Ukraine de frapper des cibles hautement prioritaires à travers la Russie pourrait placer Kiev dans une meilleure position pour d’éventuelles négociations. » « Notamment en encourageant Moscou à accepter un moratoire sur les frappes ciblant les infrastructures énergétiques critiques », » a ajouté ce chercheur spécialiste de la Russie, interrogé par l’AFP.
Des alliés divisés sur cette question
Plusieurs pays, dont les Etats-Unis, ont jusqu’à présent refusé de donner un tel feu vert, par crainte d’une escalade avec Moscou. La décision de Washington pourrait pousser d’autres alliés à lui emboîter le pas, notamment le Royaume-Uni, qui fournit à l’Ukraine ses missiles Storm Shadow.
Le chancelier allemand Olaf Scholz, dont le pays est le deuxième fournisseur d’aide militaire à l’Ukraine depuis le début de l’invasion russe en février 2022, refuse inlassablement de fournir les missiles Taurus à longue portée demandés par Kiev.
La Pologne, voisin de l’Ukraine et l’un de ses plus fervents partisans, a salué la décision américaine. « A l’entrée des troupes nord-coréennes dans la guerre et à l’attaque massive de missiles russes, le président Biden a répondu avec un langage que Poutine comprend » a déclaré le chef de la diplomatie polonaise, Radoslaw Sikorski, sur le réseau social
Lire aussi : « Tôt ou tard, cela cessera » : les Ukrainiens se battent malgré une frappe russe massive
Une escalade dénoncée par la Russie
Moscou a de son côté dénoncé par la voix de Vladimir Djabarov, vice-président de la commission des Affaires étrangères de la chambre haute du Parlement, une escalade qui pourrait « conduire à la Troisième Guerre mondiale ».
Le président russe Vladimir Poutine a prévenu qu’une telle décision signifierait que “Les pays de l’OTAN sont en guerre contre la Russie”.
Autorisation accordée avant le retour de Trump
Avec cette autorisation accordée à l’Ukraine, le président démocrate Joe Biden accède ainsi à une demande de longue date de Kiev peu avant son départ de la Maison Blanche et le retour du républicain Donald Trump. Il n’est pas certain que ce dernier reviendra sur la décision de Joe Biden lors de son entrée en fonction, même si le président élu se montre très critique sur l’ampleur de l’aide financière et militaire américaine à l’Ukraine et s’engage à mettre fin à la guerre. “dans 24 heures”, sans expliquer comment.
La mesure bénéficie également du soutien de certains élus républicains du Congrès, qui appellent depuis longtemps le président Biden à lever les restrictions imposées à l’Ukraine.
L’Ukraine craint un affaiblissement du soutien américain, au moment où ses troupes sont en difficulté sur le front, ou qu’on lui impose un accord impliquant des concessions territoriales à la Russie. Le président sortant Joe Biden cherche à accélérer l’acheminement de l’aide militaire à Kiev et continue de mettre en place des mécanismes permettant aux alliés européens de prendre le relais. L’OTAN s’est déjà vu confier la coordination de l’aide militaire à l’Ukraine, auparavant fournie uniquement par les Américains.