L’essence de synthèse est un carburant qui doit être « assemblé brique par brique », pour ainsi dire. Au lieu de partir d’un produit brut, le pétrole, dont on sépare les différents composants et le raffine pour obtenir de l’essence, on part presque de rien : on prend le CO2 dans l’atmosphère ou dans les cheminées industrielles pour ne retenir que le carbone, qui est ensuite fabriqué. réagir avec l’hydrogène pour produire de l’essence synthétique, car, après tout, les molécules d’essence sont de longues chaînes d’atomes de carbone à une seule queue, auxquelles s’accrochent les atomes d’hydrogène.
Eh bien, je simplifie un peu ici, car il peut y avoir d’autres sources de carbone et certains carburants synthétiques sont constitués d’azote, mais c’est l’idée de base. Nous « créons » un carburant sans carbone (en supposant que l’hydrogène soit produit avec de l’électricité propre) car pour le produire, nous devons éliminer le carbone de l’atmosphère ou de sources renouvelables.
Et ça peut marcher. Au Grand Prix de Trois-Rivières par exemple, certaines catégories dans lesquelles les bolides équipés de moteurs “normaux” utilisent de l’essence de synthèse depuis trois ans “et ça marche très bien”, témoigne le directeur général de l’événement, Dominic Fugère. .
« Il y avait beaucoup d’appréhension de la part des pilotes au début, donc nous avons fait quelques essais au banc et ça s’est bien passé. (…) Et c’est de l’essence entrer : il n’est pas nécessaire de modifier le moteur ou les canalisations”, explique-t-il.
Or, il n’est pas tout à fait exact de dire que ces carburants sont en plein essor en Europe. Ce qui s’est passé, c’est que l’année dernière, l’Union européenne était sur le point d’interdire complètement la vente de véhicules à moteur à combustion sur son territoire à partir de 2035 lorsque, à la dernière minute, l’Allemagne a ajouté une exception pour les voitures fonctionnant à l’essence de synthèse, rapporte le site. Politique.
Cela donne sans doute l’impression que les essences de synthèse ont le vent en poupe, mais « il serait faux de dire que les carburants de synthèse rendront les voitures électriques obsolètes », prévient Patrice Mangin, chercheur émérite de l’UQTR qui a beaucoup travaillé sur les carburants alternatifs.
Même son de cloche du côté de son collègue Louis Fradette, chercheur en génie chimique à l’École Polytechnique de Montréal, « et la raison est très simple », dit-il : ces carburants coûtent au moins 4 à 5 fois plus cher que l’essence normale parce qu’il n’y a pas beaucoup de production de carburant. il . .
Au Grand Prix de Trois-Rivières, confirme Fugue, « cela nous coûte 5,95 euros le litre, auxquels il faut ajouter les frais de transport, donc au total cela revient à environ 10 dollars canadiens le litre. Mais pour l’essence de course, ce n’est pas si cher.”
Ces prix devraient diminuer considérablement à mesure que les capacités de production augmentent. Et c’est presque toujours ce qui se produit lorsque vous « évoluez », comme disent les ingénieurs.
Pertes d’énergie
Mais nous ne parviendrons probablement pas à réduire les coûts à ce point, estime Fradette. Si aujourd’hui les coûts d’extraction du CO2 sont relativement faibles – environ 50 dollars la tonne à la sortie d’une cheminée industrielle – « il faut beaucoup d’hydrogène pour produire ces carburants, et l’hydrogène coûte très cher à produire, tant sur le plan économique qu’énergétique. . Donc, par définition, l’essence synthétique sera toujours coûteuse à produire », dit-il.
A terme, on pourrait dire qu’en prolongeant la durée de vie des voitures à essence, ces carburants retarderont la production d’un certain nombre de véhicules électriques et, par la même occasion, la pollution qui leur est associée. Certains en font même un enjeu de justice sociale car, les véhicules à batterie étant plus chers à l’achat que leurs équivalents essence, interdire leur vente pénaliserait les couches les plus défavorisées de nos sociétés. Une équipe anglaise s’est également exprimée dans ce sens récemment Frontières de la recherche énergétique.
Mais en fin de compte, les carburants synthétiques souffrent du même problème fondamental que l’hydrogène vert. D’un point de vue énergétique, leur production n’est pas « rentable » : 1 litre d’essence de synthèse contient moins d’énergie que celui dépensé pour la produire. Et dans le cas de ces carburants, c’est encore pire « car il faut aussi de l’hydrogène [dont la production n’est pas énergétiquement rentable, elle non plus] pour les réaliser », affirme M. Fradette.
« Les pertes d’énergie sont élevées lors de la production et de l’utilisation de carburants synthétiques en raison des nombreux processus impliqués. [ndlr : il y a beaucoup de conversion d’énergie d’une forme à une autre qui viennent avec des pertes à chaque fois, et les moteurs à combustion sont beaucoup moins efficaces que les moteurs électriques]» a récemment écrit la British Royal Society dans un rapport sur le sujet.
“Cependant”, poursuit le document, “cela peut être justifiable dans des utilisations pour lesquelles la propulsion électrique n’est pas adaptée ou lorsque l’électricité renouvelable est bon marché et abondante”.
Dans un avenir proche, cela signifie donc que l’essence synthétique sera probablement utilisée principalement dans certains secteurs plutôt spécialisés, comme l’aviation par exemple. Mais il serait surprenant que leur utilisation aille beaucoup plus loin, ne serait-ce que pour des raisons de capacité de production électrique.
L’électrification des transports pose déjà des défis dans ce domaine, ce serait encore pire avec les carburants de synthèse, concluent certains rapports sur le sujet, car les moteurs à combustion sont beaucoup moins efficaces (quel que soit le type d’essence utilisé). moteurs électriques : si l’on compte tout d’un bout à l’autre de la chaîne, il faut environ quatre fois plus d’électricité pour parcourir 100 km avec de l’essence de synthèse qu’avec une voiture à batterie.
La décarbonation des transports, sauf dans certains secteurs, n’est donc pas une solution pratique pour le moment.
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