Quand la mort s’empare des jeunes, une question hurle dans nos têtes : « Pourquoi lui ? Il était dans la fleur de l’âge…”
Nous entendons tous cette question, mais elle n’a pas de réponse, car nous ne savons pas quand ni comment viendra notre fin. Un biologiste a comparé l’existence humaine à une promenade dans un champ où les briques pleuvent, et la probabilité d’être tué par l’une d’entre elles est présente à tout âge.
À cette image déjà fataliste, j’ajouterais qu’en vieillissant, ces briques semblent prendre du volume à mesure que notre corps se dilate. De plus, cela augmente la probabilité d’obtenir une tonne de ciboulette.
Si vieillir rend beaucoup d’entre nous nerveux, mourir trop tôt a toujours provoqué un sentiment de grande injustice existentielle.
C’est ce qui est arrivé à François Desrochers, dont je salue le départ dans ce texte. En effet, François était condamné par le diagnostic et l’évolution rapide d’une maladie neurodégénérative. Voyant son état se détériorer de façon dramatique et irréversible, avec le soutien de sa famille, il choisit d’abandonner en recourant à l’aide médicale à mourir.
Permettez-moi de remercier ici Véronique Hivon, dont l’engagement au service du bien commun a donné au Québec cette disposition progressiste qui permet de choisir librement de partir quand la seule perspective est une vie de souffrance attirée.
François était président d’entreprise et athlète coureur de semi-marathons. Puis, en 2021, croyant que son système respiratoire était attaqué par la COVID-19, il s’est rendu à l’hôpital. Aucune trace du coronavirus. Au lieu de cela, on lui a diagnostiqué une maladie neurodégénérative débilitante, la sclérose latérale amyotrophique ou SLA.
Je ne veux pas m’étendre sur les symptômes de cette horrible maladie ni sur l’état de santé de François lors de notre rencontre, car c’est surtout la sérénité de ce garçon face à la mort qui m’a profondément touché.
C’est Geneviève Desrochers, sa sœur aînée, qui m’a demandé de rencontrer François. Ma mission ? Allez appeler chez lui, quatre jours avant le départ, pour lui remettre le passeport pour le grand voyage. Dans ce document imprimé, sa famille avait partagé avec lui des anecdotes, des poèmes sur le sens de la vie, mais aussi des citations de Nelson Mandela et de Churchill, deux êtres humains qu’il appréciait particulièrement.
Le texte contenait également de nombreux passages et photos humoristiques, car François aimait rire et faire rire. Après l’accouchement, j’ai dû rester quelques minutes avec lui et sa compagne Johanne. J’ai fini par passer beaucoup de temps avec eux, ce qui m’a fait beaucoup de bien.
Je ne connais pas la vie que menait François, mais j’ai découvert un homme qui entretenait un vrai lien avec la nature, un sceptique qui avançait sereinement vers la fin, conscient que la Terre est un grand centre de recyclage où la mort et la vie s’entretiennent. autre.
La mort est la plus vieille, la vie la plus jeune ; nous, les êtres humains, avons tort d’opposer la mort à la vie, disait mon grand-père.
C’est pourquoi j’aime l’expression « prends ton dernier souffle ». Je vois presque une certaine complémentarité dans le fait que la nature prend le dernier souffle de celui qui part pour en faire le premier de l’enfant qui arrive.
Ajoutons qu’après le dernier souffle, comme avant le premier, personne ne se rend compte de ce qui se passe. En d’autres termes, la vie est une course dans laquelle la nature a effacé les entrées et sorties de notre conscience.
François et moi avons partagé nos regards sur la conscience de mort qui occupe le grand cerveau des Sapiens et génère l’angoisse humaine face à cette finitude inévitable.
La seule fois où je l’ai senti ébranlé par son choix, c’était lorsque nous parlions de culpabilité. Vous savez, ce sentiment ressenti par ceux qui sont appelés devant la famille qu’ils s’apprêtent à quitter dans le deuil et la douleur émotionnelle. Lorsque nous avons abordé le sujet, sa femme bouleversée l’a pris dans ses bras et m’a dit que c’était la seule question qui l’avait vraiment gêné dans son choix.
Mais le calme est vite revenu et nous avons parlé avec bonheur d’écologie, d’environnement, de Darwin et d’évolution.
Quelques jours avant son départ, François se moquait encore de la mort avec humour. Il m’a beaucoup fait rire lorsqu’il m’a dit qu’il avait choisi le vendredi 8 novembre pour partir, mais qu’en cas d’élection de Donald Trump il envisageait de demander à son médecin d’avancer son départ de quelques jours.
L’humour nous offre des moyens de sublimer la condition humaine et peut-être même de vivre en douceur la mort avant le grand départ.
En fait, un éclat de rire profond peut provoquer un essoufflement et une brève perte de contact avec la réalité, semblable à une petite mort. Cette façon de mourir de rire est une bonne thérapie pour la santé physique et mentale.
J’aurais aimé avoir la sérénité de François qui, quatre jours avant sa mort attendue, riait et faisait encore rire. Pas seulement de sérénité, mais aussi de générosité, car Francesco n’est pas complètement parti. Il a permis à d’autres de prolonger leur aventure dans la biosphère en faisant don de ses organes encore fonctionnels avant de prendre sa retraite. Si vous n’avez pas encore signé la carte de don d’organes, sachez que ce noble geste altruiste est à votre portée.
Pour conclure : « François, puisque tu as promis de m’envoyer un message pour me dire exactement ce qui se passe de l’autre côté, je t’annonce ici que j’ai suffisamment d’espace dans mon iCloud pour recevoir des photos et vidéos de ce Paradis. Si le sceptique et le progressiste en vous découvre des surprises désagréables qui se cachent à gauche, merci de m’en informer afin que je puisse me remettre sur le bon chemin et améliorer mon sort post-mortem. En attendant, je vous remercie pour cette rencontre stimulante et réitère mes condoléances à toute votre famille et vos amis. »