Depuis les effondrements de la rue d’Aubagne, la gestion des logements insalubres est devenue une priorité des collectivités confrontées à la gestion d’une multitude d’urgences coûteuses et longues à résoudre.
C’était il y a six ans. Le 5 novembre 2018, en quelques secondes, deux immeubles en mauvais état disparaissent de la carte, dans le quartier populaire de Noailles. Six ans plus tard, la justice se penche sur cet effondrement survenu rue d’Aubagne et qui a entraîné la mort de huit de ses habitants. La catastrophe ayant fait l’effet d’un électrochoc, les autorités tentent depuis tant bien que mal d’endiguer le phénomène de l’habitat indigne qui reste persistant dans la deuxième ville de France.
Depuis 2020, date d’arrivée de la gauche au pouvoir municipal, pas moins de 1.400 procédures de sécurisation ont été lancées et sont toujours en cours, selon la mairie. « Le problème reste importantreconnaît l’adjoint au maire chargé du logement, Patrick Amico. Le rapport Nicol 2014 sur le logement à Marseille faisait état de 5 000 immeubles vétustes et 500 ont été soignés à ce jour. Mais le mal-logement à Marseille est un problème qui concerne les propriétaires privés, protégés par la loi. Notre marge de manœuvre n’est pas si énorme.»
Régulièrement, de véritables bras de fer ont lieu entre les communautés et ces propriétaires. « Nous avons une trentaine d’incidents de sécurité chaque mois et 200 signalements, déclare Patrick Amico. Dès qu’il y aura un rapport, nous verrons immédiatement ce qui se passe. Les propriétaires sont invités à effectuer des travaux. Si cela ne fonctionne pas, nous lançons une procédure de sécurité. Le propriétaire ne peut plus percevoir le loyer tant qu’il n’a pas effectué les travaux. Si rien ne change encore, nous effectuerons le travail officiel et relocaliserons les gens. Nous refacturons ensuite le tout aux propriétaires concernés.
Des procédures d’expropriation fastidieuses
En 2023, la ville de Marseille a dépensé pas moins de 4,2 millions d’euros rien que pour réaliser des travaux de bureau. “On récupère au moins 40% car les procédures sont très longues, soupire Patrick Friend. Il arrive que les propriétaires ne fassent pas les travaux, soit parce qu’ils sont pauvres, soit parce qu’ils agissent de mauvaise foi. Dans ces cas-là, nous organisons des opérations de transfert vers le domaine public et nous engageons des poursuites pénales.
Au lendemain des effondrements de la rue d’Aubagne, est annoncée la création de SPLAIN, une entreprise publique chargée de gérer la rénovation du vieux centre vétuste de Marseille, avec en son sein l’Etat, la métropole et la mairie. A terme, 180 bâtiments doivent ainsi être rénovés. « Par exemple, au lendemain des effondrements de la rue d’Aubagne, nous avons souhaité traiter les immeubles juste à côté, rapporte David Ytier, vice-président de la métropole Aix-Marseille et président de SPLAIN. Nous avons entamé la procédure début 2019. Et nous n’avons reçu les clés qu’en 2024. ».
En attendant, les collectivités doivent lancer des procédures d’expropriation longues et fastidieuses. “Cela prend beaucoup de temps”soupire David Ytier. « Le premier projet SPLAIN a été lancé il y a deux semaines et concerne les 16 premiers bâtiments. Mais c’est une vague qui ne va pas s’arrêter.
Une facture salée
Là aussi, la facture est salée pour les collectivités. “Nous allons dépenser plus de 300 millions d’euros pour rénover ces 180 bâtiments, reconnaît David Ytier. Évidemment, c’est cher mais ce sont des bâtiments qui sont dans un état catastrophique. Ils ne tiennent que parce qu’il y a des accessoires partout et qu’il faut tout recommencer. On a eu le débat de tout raser, mais ces bâtiments soutiennent souvent des bâtiments voisins. Il faudrait donc détruire une rue entière. Et nous voulons préserver ce patrimoine marseillais.
“Quand on est une personne mal logée, quand le quotidien est pénible, on ne peut pas réfléchir sur plusieurs années, rappelle Francis Vernède, directeur régional de la fondation Abbé Pierre. Il est évident qu’il y a eu un changement de vitesse. Il existe un engagement plus clair, plus fort et plus efficace, mais notre logique est uniquement curative. Nous avons également besoin de mesures préventives, sinon nous ne parviendrons pas à surmonter cette épreuve et d’autres logements se transformeront peu à peu en bidonvilles.» En 2014, le rapport Nicol estimait que 100 000 Marseillais vivaient dans des immeubles dangereux pour leurs habitants.