Il y a cinq ans, encore marginal, l’usage récréatif du protoxyde d’azote – ce gaz hilarant inhalé le plus souvent via des ballons – explose en France, notamment chez les moins de 25 ans. Pourtant, ce produit potentiellement addictif peut provoquer des dommages irréversibles sur le système nerveux. Les Hospices Civils de Lyon lancent la première téléconsultation en France, pour une détection plus précoce des consommateurs à risque.
Depuis début 2024, plus d’une trentaine de patients ont été hospitalisés à l’hôpital Pierre Wertheimer (Hospices Civils de Lyon) en raison des effets liés à l’usage récréatif du protoxyde d’azote. Parmi eux, un jeune homme de 22 ans doit désormais se déplacer avec des béquilles, une adolescente de 16 ans souffre de graves troubles neurologiques, et une jeune patiente, tellement dépendante, consomme ce gaz même pendant son séjour en suivi. soins up et post-opératoires. réhabilitation. Face à la hausse des hospitalisations, les Hospices Civils de Lyon (HCL) inaugurent la première téléconsultation en France spécifiquement dédiée aux consommateurs de protoxyde d’azote.
“Il ne fait plus rire du tout”
“Le gaz hilarant ne fait plus rire du tout», prévient le Dr Christophe Riou. Addictologue aux Hospices Civils de Lyon et membre du Service universitaire d’addictologie de Lyon (SUAL), ce médecin s’est spécialisé il y a quelques mois dans la prise en charge des patients atteints de « Gaz hilarant ».
Recrudescence chez les patients jeunes
Les cas problématiques, souvent dramatiques, se multiplient et touchent majoritairement des patients jeunes. En 2017, le centre antipoison HCL de Lyon (Rhône) n’a enregistré qu’un seul appel pour un incident lié au protoxyde d’azote ; en 2022, ce nombre est passé à 80. »Depuis 2019, le nombre de dossiers a été multiplié par 20», confirme Dr Alexandra Boucher, pharmacienne responsable du centre d’addictovigilance HCL.
A l’échelle nationale, l’alerte est similaire : les cas cliniques liés au protoxyde d’azote ont explosé ces cinq dernières années, comme le souligne l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans son étude publiée fin 2023.
“Et nous ne parlons ici que des cas cliniques enregistrés, loin de refléter l’ampleur réelle de la consommation.», s’inquiète Alexandra Boucher. Une étude de Santé Publique France publiée à l’automne 2023 révèle qu’en 2022, 4,3 % des Français avaient déjà expérimenté le protoxyde d’azote, un chiffre qui monte à 13,7 % chez les 18-24 ans, dont 3,2 % en avaient inhalé. du gaz au cours de l’année. La consommation a fortement augmenté pendant la pandémie de Covid-19.
Addictif et neurotoxique
“Parce que ce gaz (N2O) est légalement accessible et que ses effets euphorisants sont éphémères, les utilisateurs le considèrent souvent comme inoffensif.prévient le Dr Riou. En réalité, le protoxyde d’azote crée une dépendance, stimule les récepteurs du plaisir et crée une dépendance émotionnelle..» Il est également neurotoxique : à fortes doses, il peut provoquer des lésions neurologiques graves et irréversibles, pouvant même conduire à une paralysie des membres, à une détresse psychologique, à des malaises et à des vertiges.
Quels symptômes ?
L’ouverture de la téléconsultation dédiée à ce phénomène a été initiée par le Dr Christophe Riou, le centre d’addictovigilance des Hospices Civils de Lyon et l’hôpital Pierre Wertheimer. Cette solution, facile d’accès, discrète, est plus adaptée à un jeune public et à son entourage.
“Le problème est que les premiers symptômes, comme des picotements dans les bras ou les jambes, semblent souvent légers, souligne le Dr Riou. De nombreux patients, pour la plupart très jeunes, n’y prêtent pas attention ou en minimisent les signes. Et lorsqu’ils se tournent vers nous, il est souvent trop tard.« Avec la téléconsultation, l’objectif est de toucher les consommateurs dès le stade subclinique (phase où des altérations physiologiques commencent à apparaître dans l’organisme, mais sans symptômes visibles pour le patient).
Téléconsultation
Cette téléconsultation a un autre objectif : permettre l’accès aux soins en cas de détection d’usage abusif. En effet, les patients, certains professionnels de santé et travailleurs sociaux sont souvent mal informés sur les dangers du protoxyde d’azote. Le patient est alors envoyé aux urgences, sans prise en compte systématique de la dimension addictologique. Il s’agit donc d’y remédier grâce à cette téléconsultation. Si une consommation problématique est détectée, avec ou sans signes cliniques, une consultation en face à face sera proposée au patient. A cette occasion, en fonction de différents critères biologiques (comme le taux de vitamine B12, dégradée par le protoxyde d’azote) ou neurologiques (évalué notamment via un électromyogramme), plusieurs options thérapeutiques peuvent être envisagées : traitement médicamenteux, surveillance régulière ou hospitalisation.