La question de la pêche durable devrait être au cœur du débat tant elle paraît désormais vitale au regard de l’effondrement climatique et de celui de la biodiversité dont nous sommes les témoins émerveillés. Le 8 octobre, d’éminents scientifiques ont prévenu qu’en l’absence de politiques publiques radicales, l’humanité serait confrontée à une catastrophe climatique irréversible et dramatique, qui menacerait notre existence même sur la planète. Moins de trois semaines plus tard, le 30 octobre, la région espagnole de Valencia vivait – très concrètement – cette catastrophe climatique, avec plus de 200 morts et de nombreux disparus.
Nous vivons aujourd’hui ce qui nous paraissait hier des projections scientifiques lointaines, malgré cinquante ans d’observations depuis le rapport visionnaire Meadows de 1972. Pour sortir de l’ornière, il faut opérer une transition énergétique, mais aussi protéger et surtout restaurer écosystèmes. Pas de salut si le deuxième levier n’accompagne pas le premier.
Mais c’est là que réside le problème : il n’y a pas de volonté politique pour organiser cette transition radicale. Au contraire, les pouvoirs publics nous donnent, jour après jour, la très désagréable impression de mettre toute leur détermination à détruire le monde vivant pour rendre la Terre inhabitable au plus vite. Alors, que dire de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui déteste ouvertement le loup ; loup qui a fait l’erreur de dévorer son poney Dolly. La situation n’est guère moins préoccupante en France et dans le secteur de la pêche, où l’une des premières actions du nouveau ministre délégué à la Mer et à la Pêche, Fabrice Loher (par ailleurs maire de Lorient, deuxième port de pêche français) fut de se rendre à Boulogne. -sur-Mer (le plus grand port de pêche français) pour soutenir la « filière ». Mais quel secteur ? Celle des petits pêcheurs côtiers du quai Gambetta, qui font faillite les uns après les autres, détruits par des années de pêche électrique et désormais par la non moins problématique senne démersale ? Ou celle des pêcheurs industriels du bassin du Loubet, où l’on retrouve notamment cette même senne démersale ? Cela ne fait malheureusement aucun doute tant la proximité du ministre avec le tout-puissant patron des pêcheurs, Olivier Le Nézet, également lorientais, s’affiche. Une proximité qui fait froid dans le dos, car alors que des rumeurs courent dans les couloirs de Bruxelles selon lesquelles la pêche électrique serait de nouveau à l’ordre du jour, ce monsieur vient de signer un accord ouvrant grand les portes à la pêche à la senne démersale.
A l’heure où le poisson le plus consommé en France, à savoir le thon, est synonyme de scandale de santé publique, de violations des droits humains et de destruction des écosystèmes, la transition planifiée et rapide du secteur de la pêche doit être au premier plan. cœur du débat public. Nous exhortons les pouvoirs publics à rompre les liens avec les lobbies industriels qui nous ont acculés et à écouter enfin les avertissements des scientifiques. Les 15 points pour sauver l’océan proposés par Bloom, ainsi que les 11 règles d’or établies par les spécialistes pour une pêche véritablement sociale et écologique, dessinent les contours de cette révolution. En réduisant la pression de la pêche, en protégeant les zones marines et en interdisant les pratiques les plus destructrices, nous pourrions reconstruire une relation de respect avec la mer et parvenir à une « pêche durable ». Il est encore temps, mais le compte à rebours est lancé.