Une récompense prestigieuse pour un journaliste emprisonné en Érythrée

Une récompense prestigieuse pour un journaliste emprisonné en Érythrée
Une récompense prestigieuse pour un journaliste emprisonné en Érythrée

Un journaliste suédo-érythréen, emprisonné au secret depuis 23 ans pour son engagement en faveur de la liberté de la presse, vient de se voir attribuer un prestigieux prix suédois des droits de l’homme. Un symbole fort dans un pays où règnent l’arbitraire et l’opacité totale sur le sort de nombreux détenus…

Lundi dernier, un symbole puissant a été mis à l’honneur en Suède. Dawit Isaak, un journaliste suédo-érythréen détenu au secret en Érythrée depuis plus de 23 ans, a reçu le prestigieux Prix Edelstam des droits de l’homme pour son engagement inébranlable en faveur de la liberté d’expression. Une récompense qui résonne comme un cri dans le silence assourdissant qui entoure le sort de cet homme et de bien d’autres intellectuels dans ce pays de la Corne de l’Afrique.

Une arrestation lors d’une purge en 2001

Selon les informations disponibles, Dawit Isaak faisait partie d’un groupe d’une vingtaine de ministres, parlementaires et journalistes indépendants arrêtés en septembre 2001 dans le cadre d’une vaste purge orchestrée par le régime en place. Un coup de filet qui a décapité toute velléité d’opposition et de critique dans un pays déjà sous l’emprise d’une dictature implacable depuis son indépendance en 1993.

Un combat remarquable pour la liberté d’expression

Le comité du prix Edelstam n’a pas tari d’éloges pour le courage exceptionnel de Dawit Isaak, saluant sa « contribution remarquable » et son abnégation dans la défense de la liberté d’expression, de ses convictions et des droits de l’homme. Des valeurs pour lesquelles ce journaliste formé en Suède après avoir fui son pays a accepté de tout sacrifier, y compris sa propre liberté.

Amnesty International considère Dawit Isaak comme un prisonnier d’opinion et Reporters sans frontières affirme que lui et ses collègues arrêtés au même moment sont les journalistes les plus longtemps détenus au monde.

L’opacité totale des autorités érythréennes

Mais depuis son incarcération il y a 23 ans, les autorités érythréennes n’ont donné aucune nouvelle de Dawit Isaak. Est-il encore en vie ? Personne ne le sait avec certitude, même si une Source jugée crédible affirmait en septembre 2020 qu’il était toujours en vie. Asmara reste totalement silencieuse sur son sort et le lieu de sa détention, un silence « extrêmement inquiétant » dénoncé par les experts de l’ONU.

Un journaliste engagé pour son pays

Dawit Isaak, 60 ans aujourd’hui, croyait pourtant au renouveau démocratique de son pays. Réfugié en Suède depuis 1987 lors de la lutte pour l’indépendance et naturalisé suédois, il retourne en Érythrée en 2001 pour participer à la reconstruction des médias. Il a cofondé le premier journal indépendant, Ensembleset n’a pas hésité à publier des articles réclamant des réformes politiques. Un engagement qui lui vaut les foudres du régime.

Un prix à la mémoire d’un diplomate courageux

Le prix qui lui est décerné porte le nom de Harald Edelstam, un diplomate suédois qui s’est distingué par son courage lors du coup d’État de Pinochet au Chili. Ambassadeur sur place, il a permis à des milliers d’opposants de se réfugier en Suède. C’est sa fille, Betlehem Isaak, qui recevra le prix au nom de son père le 19 novembre à Stockholm.

Un symbole dans un contexte de répression

Au-delà de la reconnaissance du combat d’un homme intègre, ce prix est aussi une manière de braquer les projecteurs sur la situation désastreuse des droits de l’homme et de la liberté de la presse en Érythrée. Un pays classé dernier sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF, derrière la Corée du Nord. Dawit Isaak est devenu malgré lui le symbole de tous ces journalistes et intellectuels érythréens muselés, arbitrairement arrêtés, parfois torturés et souvent portés disparus dans les geôles du régime.

Son combat, son abnégation forcent l’admiration. Mais ils constituent aussi un terrible rappel. Celui qu’au XXIe siècle, les hommes et les femmes paient encore de leur liberté leur engagement pour la vérité. Un combat amer, ingrat et trop souvent oublié, qui mérite toute notre attention et notre soutien. Ce prix est une lueur d’espoir pour Dawit Isaak et tous les prisonniers d’opinion. Qu’il ne reste pas qu’un symbole.

 
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