(Valence) Plus de 10 jours après les inondations dévastatrices qui ont frappé le sud de l’Espagne, faisant au moins 223 morts, la solidarité avec les victimes ne s’arrête pas. Parmi ces bénévoles, les habitants du Québec sont également impliqués.
Publié à 1:12
Mis à jour à 7h00
Romain Chauvet
Collaboration spéciale
«Ça n’a pas de sens, c’est terrible», Guy Bolduc peine à trouver les mots alors qu’il déambule dans les rues dévastées de Benetússer et d’Alfafar, deux communes durement touchées par les inondations, au sud de Valence. « À 55 ans, on voit encore des choses, mais là, je n’arrive toujours pas à y croire », ajoute ce Québécois installé à Valence depuis des années.
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Le 29 octobre, certaines communautés situées au sud de Valence, dans le sud-est de l’Espagne, ont reçu en quelques heures près d’un an de pluie. Dans toute l’Espagne, au moins 223 personnes ont perdu la vie et 78 autres sont portées disparues. Sur place, la dévastation est totale et les paysages sont apocalyptiques.
«C’est impossible de rester à la maison et de ne rien faire quand on voit ces images», explique Guy Bolduc, venu pour la troisième fois venir en aide aux victimes avec son fils de 19 ans. Après avoir parcouru des kilomètres depuis Valence, comme le trajet est toujours très compliqué pour accéder à ces zones, ils avancent rue après rue pour proposer leur aide. C’est le chaos autour d’eux.
De nombreuses maisons sont complètement détruites et encore pleines de boue, des centaines de voitures ont été projetées ici et là et l’eau stagnante pleine de débris fait craindre un risque sanitaire car elle dégage une mauvaise odeur.
C’est un peu choquant au début, surtout quand on est jeune, on n’imagine pas qu’une chose pareille soit possible. J’ai des amis qui ont tout perdu en deux ou trois heures.
Émile Bolduc, che studia a Valence
Il a lancé une campagne de dons en ligne pour aider ces familles. Cet après-midi-là, lui et son père ont nettoyé un dépanneur d’une station-service et ont ramassé les débris.
Une colère infinie
La boue est progressivement enlevée, mais la colère contre les autorités ne faiblit pas. De nombreux habitants les accusent de sous-estimer les risques. “Quand j’ai reçu l’alarme sur mon téléphone, la force de l’eau avait déjà traversé notre porte d’entrée et je flottais dans mon salon, suspendue à mon plafonnier”, a déclaré Tina Zahonero del Rio, une habitante de Paiporta, qui tout perdu. Un responsable du gouvernement de Valence a déclaré depuis qu’il ignorait l’existence d’un tel système d’alerte.
Nous sommes restés ainsi pendant des heures et nous avons entendu des gens crier dans la rue, traînés par l’eau. J’avais peur que ma fille me voie mourir.
Tina Zahonero del Rio, victime de Paiporta
Les autorités sont également accusées d’avoir mal coordonné les efforts de sauvetage. Seuls les gens sauvent les gens, « Seul le peuple sauve le peuple », ne peut s’empêcher de répéter Andrea. « Nous nous sentons abandonnés. Où sont les autorités ? Personne n’est venu nous aider, quel dommage », dit-elle désespérée.
Le Premier ministre espagnol a annoncé un plan d’urgence de 10,6 milliards d’euros (15,8 milliards CAN) et une aide de 6 000 euros (environ 8 950 CAN) par sinistré. Mais c’est difficile à convaincre. « J’ai tout perdu, y compris mes souvenirs, alors que me rapporteront 6 mille euros ? » se plaint Pili, qui se croyait mourant.
Dominique Vallée, une citoyenne montréalaise qui réside temporairement à Valence, a été témoin de ce mal-être sur place. « Les gens étaient confus, sous le choc. Beaucoup étaient choqués et voulaient juste venir parler », raconte celle qui a distribué de la nourriture et des produits d’hygiène pendant des heures. « Il y avait si peu d’organisation et tellement de tristesse, c’est indescriptible. Là-bas, c’est la désolation totale, les gens n’ont plus rien. »
Un grand élan de solidarité
Des milliers de bénévoles se mobilisent chaque jour depuis la catastrophe, marchant parfois plusieurs kilomètres et avec les moyens du bord, notamment des sacs poubelles pour recouvrir leurs chaussures, les bottes étant devenues une denrée rare.
Pour aider à coordonner l’aide, Aurora Maria Iglesias, une Ottavienne vivant à Valence, a créé un groupe Facebook. « Je voyais beaucoup de messages partout, alors je voulais tous les mettre au même endroit. Nous diffusons les demandes afin que chacun puisse trouver ce qu’il cherche. » C’est grâce à ce groupe que Charles Plante vient d’arriver sur place. Ce Québécois de passage en Italie a décidé de changer de plan. « Il me restait 10 jours de vacances, je n’ai pas hésité. »
Pendant des heures, l’homme de 27 ans a aidé d’autres volontaires à éliminer l’eau et la boue d’un parking souterrain à Sedaví. « Cela n’a aucun sens, les besoins sont énormes. » Le temps s’est arrêté dans cette région et il faudra sans doute attendre des mois avant de retrouver un semblant de vie normale. Mais les victimes craignent déjà l’avenir. “Cette solidarité est magnifique, mais je crains que dans quelques semaines nous soyons oubliés”, a déclaré Aurora Maria. J’ai peur que cela se reproduise. »
Des dizaines de milliers dans les rues
« Meurtriers, meurtriers ! » : Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté samedi à Valence leur colère contre la classe politique pour la gestion des inondations qui ont fait au moins 223 morts dans le sud-est de l’Espagne. Selon la délégation gouvernementale à Valence, la manifestation a rassemblé 130 000 personnes. Les manifestants réclamaient notamment « la démission » du président de Valentin, Carlos Mazón, et du premier ministre espagnol, Pedro Sánchez. Des manifestations ont également eu lieu dans plusieurs autres villes espagnoles, comme Madrid et Alicante. Parmi les accusations portées par les victimes, il y a aussi le fait que l’ensemble de la population n’a été alerté par téléphone portable que le soir, alors que de nombreuses zones étaient déjà submergées.
Agence France-Presse