A l’occasion du Salon du Made in France, Le Figaro est allé à la rencontre de différentes marques qui ont relevé le défi de proposer des cosmétiques, des jeans ou encore des brosses à dents à des prix raisonnables. Une équation souvent difficile pour les productions « locales ».
Qui a dit que le made in France était forcément trop cher ? Si l’on parle souvent du coût de la main d’œuvre trop élevé, ce qui rendrait inévitablement la production française non compétitive, on oublie que de nombreuses marques ont trouvé des solutions pour contourner le problème. Le Figaro s’est rendue au Salon du Made in France, qui présente jusqu’à lundi plus d’un millier de marques produites localement. Alors, français et pas cher, est-ce vraiment possible ?
Comme avant : les cosmétiques marseillais
Pour Sophie et Niel Parra, tout a commencé par hasard il y a sept ans. Ne trouvant pas de crèmes adaptées à leur jeune fils qui avait des problèmes de peau, ils ont décidé de fabriquer leur propre savon. Devant les compliments de leurs amis, ils ont fini par lancer leur marque : des crèmes, savons, shampoings et sérums de qualité entièrement fabriqués en France dans leur atelier près de Marseille. Tous les articles contiennent quatre à six ingrédients maximum et sont pressés à froid afin de ne pas dénaturer la matière première. La marque connaît une forte popularité pendant le Covid, alors que les Français cherchent à consommer de manière plus responsable. Et les résultats sont là : en 2024 l’entreprise emploie 76 salariés et prévoit 12 millions de chiffre d’affaires, soit une croissance de 124% en deux ans. Outre son site Internet, l’enseigne possède huit magasins en propre et devrait en ouvrir un neuvième à Bordeaux fin novembre.
Pour Sophie et Niel, vendre à des prix abordables était un enjeu éthique. « Nous sommes au prix du marché sur tous nos produits, voire inférieur pour certains articles »assure Niel Parra. En effet, il coûte 9,90 euros pour un shampoing ou pour 90 mL de dentifrice, des prix relativement raisonnables pour des cosmétiques similaires (bio, recyclables et produits en France). La marque est même imbattable lorsqu’il s’agit de sérums dont le prix explose en magasin : un sérum anti-âge culminera à 16,90 euros, contre plusieurs dizaines d’euros pour d’autres marques. « Nous fabriquons tout dans notre atelier, ce qui évite de gonfler les prix à cause des intermédiaires qui prennent des commissions »explique Sophie Parra. « Nous bénéficions également d’une communauté forte et soudée, ce qui nous permet d’éviter de lourds coûts marketing ».
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1083 : jean de qualité
Les jeans fabriqués en France ne sont pas forcément hors de prix. C’est ce que Thomas Huriez, vendeur dans un magasin de vêtements, s’est rendu compte lorsqu’il a remarqué que les jeans low cost et les jeans haut de gamme qu’il vendait avaient en réalité la même composition. La différence : le marketing. « Je me suis dit que, même si le coût de la main d’œuvre était élevé en France, on pourrait toujours compenser par une fabrication interne qui réduit les coûts de transport, mais aussi en réduisant les coûts de commercialisation. Notre seul marketing est la qualité »explique Thomas Hurriez. Il lance ensuite 1083, sa propre marque de denim. Avec un palmarès plus qu’encourageant : 3 usines, 40 sous-traitants, 5 magasins en propre et 130 distributeurs indépendants. En 2023, l’entreprise a produit 50 000 jeans, pour un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros.
Mais alors, qu’en est-il des prix ? Thomas Huriez a tout mis en œuvre pour les réduire : circuits courts, pas de soldes pour éviter de gonfler les prix le reste de l’année, et tout miser sur des économies d’échelle progressives grâce à l’augmentation des ventes. « Nos jeans coûtent entre 100 et 130 euros : on trouve peut-être ça cher, mais c’est le même prix qu’un Levi’s ou un Diesel, sauf qu’il est de meilleure qualité et fabriqué en France. Nous proposons également 15 demi-tailles et cinq longueurs de jambes, ce qui a un prix. »justifie Thomas Huriez.
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La vertueuse : la brosse à dents recyclable
C’est l’une des plus belles réussites du made in France en terme de rapport qualité/prix. En 2012, Olivier Remoissonnet reprend l’une des plus anciennes usines de brosses à dents de France, située à Beauvais dans l’Oise. Il commence par relooker l’ancienne marque Bioceptyl pour fabriquer des brosses à dents entièrement fabriquées en France et recyclables, qu’il vend dans les magasins bio et les pharmacies. Sauf que ce modèle coûte entre 3 et 4 euros, et Olivier Remoissonnet souhaite rendre son produit accessible à tous les Français. C’est le début de la marque Les Vertueux, une brosse à dents plus simple en plastique recyclable vendue à… 0,99 euros. L’un des moins chers du marché.
Pour atteindre ce prix record, Olivier Remoissonnet tente une partie de poker. Il lance la fabrication de 500 000 pièces, pour bénéficier d’économies d’échelle, puis tente de se rapprocher des grands magasins. Leclerc, Auchan et Carrefour montent à bord du train. Résultat : les 500 000 pièces ont déjà été vendues en seulement six semaines et une deuxième série de production a été lancée. « Le Made in France ne doit plus paraître illégitime pour entrer sur les marchés de volume »argumente Olivier Remoissonnet. « Il y a deux clés : maîtriser la fabrication pour limiter les commissions et les coûts de transport, et exploiter les économies d’échelle ».
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Navir : des basiques à petits prix
Des basiques made in France au prix de la fast fashion ? C’est possible. C’est ce qu’a voulu faire Baptiste Vallet en lançant sa marque Navir. Sweat-shirt à 35 euros, T-shirt à 19 euros, sac de sport à 30 euros… et tout cela fabriqué dans une usine de Bobigny, en banlieue parisienne. Le jeune entrepreneur a commencé par racheter l’usine dans laquelle il travaillait comme commercial avec une idée en tête : créer une marque de vêtements B2B made in France. Elle vend ainsi ses produits à des entreprises lors d’événements ponctuels, séminaires ou galas, ce qui lui permet de vendre de gros volumes et de réaliser des économies d’échelle. La marque VADF (Vêtements et accessoires de France) est née.
Mais, pour Baptiste Vallet, cela ne suffit pas : il souhaite aller directement au contact des consommateurs. Il investit alors dans une nouvelle marque, Navir, pour proposer des basiques à petits prix. Avec une astuce : si sa production ne se vend pas, il peut toujours la revendre aux entreprises via son autre marque VADF. Cela lui permet d’investir sans risque et de produire en masse, ce qui réduit les coûts de production. Résultats : des articles pas chers, des matériaux entièrement issus de l’agriculture biologique, le tout fabriqué en France en coopération avec l’association APF France Handicap. Un projet économique, écologique, social et français…on adore.