Après la guerre en Ukraine, les Européens ont payé cher leur nouvelle dépendance au gaz américain. Et après le plan massif de soutien à la réindustrialisation américaine de l’administration Biden, l’Inflation Reduction Act, le nouveau président Trump entend reprendre la fracturation hydraulique et augmenter les droits de douane sur tous les produits importés.
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En même temps**, le budget français prévoit une augmentation des impôts sur les grandes entreprises rentables et une augmentation du coût du travail avec une baisse des cotisations sociales. Pierre-André de Chalendar, président de l’Enterprise Institute – un groupe de réflexion patronal – et ancien patron de Saint-Gobain, vient nous parler de l’état d’esprit des entrepreneurs français d’aujourd’hui.
franceinfo : Après la victoire de Donald Trump, les maîtres français et européens n’étaient pas pressés de réagir. Peut-on y voir ? un signe d’inquiétude ?
Pierre-André de Chalendar : Dans l’ensemble, on ne peut pas dire que ces élections soient une excellente nouvelle pour l’économie européenne. Et ce qui est probablement le plus inquiétant, c’est l’incertitude : on connaît déjà Donald Trump, c’est une personne très imprévisible. Et les entreprises n’aiment pas l’incertitude. Mais les conséquences ne sont pas graves par rapport aux problèmes que nous connaissons déjà, qui sont très graves. Elles ont été soulignées il y a peu par le rapport Draghi. Il y a déjà eu un énorme abandon de l’Europe ces dernières années.
Après les centaines de milliards de dollars investis par la présidence Biden dans le développement local de l’industrie verte, Trump veut reprendre la fracturation hydraulique, ce qui risque de promouvoir davantage l’énergie produite aux États-Unis. Est-ce mauvais pour l’industrie française et européenne ?
Ce n’est effectivement pas bon pour le climat, mais pour l’industrie européenne, comme nous n’avons plus de gaz russe, il faut le trouver quelque part. Ainsi, le fait que davantage de gaz liquéfié arrive des États-Unis, et donc un peu moins cher, est une nouvelle plutôt positive pour nos industries. Et pour le climat, le gaz reste une énergie de transition. Donc si les Allemands remplaçaient le charbon par du gaz, ce serait déjà mieux. Nous avons l’énergie nucléaire, nous ne sommes pas très inquiets en France, mais pour l’Europe c’est plutôt bien.
Mais risquons-nous d’être encore moins compétitifs en ce qui concerne les prix de l’énergie ?
Non, parce que nous ne sommes déjà pas du tout compétitifs. Le gaz américain, comme celui du Qatar, doit être liquéfié, transporté puis regazéifié. Avec ces trois opérations, le gaz reste encore bien plus cher en Europe qu’aux Etats-Unis.
« Ce qui pourrait arriver avec Trump, c’est que s’il y avait plus de gaz aux États-Unis, les prix baisseraient. Mais les prix en Europe vont également baisser.»
Autre sujet d’inquiétude, Donald Trump envisage d’augmenter les droits de douane sur tous les produits importés, pour encourager la production et donc l’emploi aux Etats-Unis. Que pensez-vous de ce renforcement du protectionnisme chez le 4e client de la France ?
Ce n’est pas bon. Le protectionnisme généralisé n’est pas une bonne chose. Il faudrait donc qu’elle le fasse surtout envers la Chine, et un peu envers l’Europe. Et le risque en ce qui concerne la Chine est que davantage de Chinois arrivent en Europe. Ce n’est pas forcément bon pour les produits français exportés vers les Etats-Unis. Mais dans nos malheurs, cela affectera bien plus les Allemands que les Français. Les Allemands exportent massivement vers les Etats-Unis, malheureusement nous exportons un peu moins. Ils ne remplaceront pas vraiment le vin par du vin américain. Cela coûtera plus cher au consommateur américain.
Donc finalement, ce n’est pas si grave, sachant que les produits chinois qui ne partent pas aux États-Unis finiront en Europe ?
L’Europe va devoir revoir sa politique, envers les Etats-Unis, mais plus encore envers la Chine. Le grand thème – et nous pouvons essayer de voir les choses de manière positive, également avec l’observation du rapport Draghi – est que face au protectionnisme de Trump, si l’Europe réagit très fortement, peut-être qu’elle reviendra en arrière. Le grand problème est donc de savoir si l’Europe sera unie et s’il y aura une relance européenne.
En France, dans le même temps, la manœuvre prévoit une augmentation des impôts sur les grandes entreprises rentables et une augmentation du coût du travail avec une réduction des cotisations sociales. Est-ce aussi un mauvais signe ?
Donc tout d’abord, le budget 2025 n’a pas été voté. Pour l’instant, l’inquiétude est qu’il y a une telle cacophonie à l’Assemblée nationale qu’elle crée une grande incertitude.
“L’incertitude sur le budget n’est pas positive et il est peu probable qu’aujourd’hui l’économie et l’industrie françaises s’arrêtent à cause d’elle.”
Nous verrons ensuite quelles sont les mesures efficaces. En ce qui concerne les impôts, ce n’est pas une bonne chose, mais s’ils sont temporaires et que nous avons la garantie de réformes des dépenses publiques, ce qui est le sujet le plus important, je pense que nous pouvons le comprendre. Ce qui m’inquiète, c’est : allons-nous vraiment procéder à de sérieuses réformes des dépenses publiques ? Et c’est ce dont la France a besoin aujourd’hui.